Les Soprano possède d'indéniables qualités. En effet, durant ses sept années d'existence, la série aura su dresser un large portrait de la mafia new yorkaise sous tous ses aspects. Un portrait d'une organisation complexe, dangereuse et contradictoire reposant sur de grandes valeurs telles que la famille, les liens du sang et la loyauté envers ses associés, tout en étant composée de parfaits connards profondément égoïstes, ce qui incite chacun à douter de tout et de tout le monde, car ton meilleur ami peut très bien devenir ton pire ennemi du jour au lendemain. Une organisation ayant érigée le respect et la loyauté au centre de leurs rapports, alors qu'ils baignent dans un climat de violence, d'excès et de trahisons presque normalisé. Et une organisation condamnant chaque membre à un tragique destin comme si rentrer dans la mafia revenait à vendre son âme au diable. Un portrait d'autant plus pertinent qu'il fut traité sous un œil acerbe et humaniste, puisqu'à l'instar des productions Scrosesiennes, Chase ne diabolise jamais ses personnages, préférant mettre en scène des humains normaux simplement aliénés par leur environnement mais qui ne sont ni tout noir ni tout blanc. Chaque mafieux a un parcours intéressant et représentative du milieux mais c'est surtout le chef de bande Tony Soprano qui reste le plus intéressant à suivre. Archétype du boss, sévère, imposant et colérique, le personnage est également doté d'une grande sensibilité et de nombreux tourments intérieurs qui en fond un être plus profond qu'il n'y paraît, à la fois terrifiant, détestable, touchant et sympathique.
C'est généralement là que n'importe quel critique conclurait en disant que Les Soprano est évidemment un chef d’œuvre qui se doit d'être vu, mais vous vous doutez bien que vu ma note, j'ai mes réserves sur le sujet.
Si vous observez également chacune des notes que j'ai attribué individuellement à chaque saison, vous constaterez que ma préféré restera la première, ce qui devrait en surprendre plus d'un. Et pourquoi cette préférence et bien tout simplement parce qu'à mes yeux c'est la plus aboutie et la mieux construite. Elle avait un réel cap sur lequel converger, racontant au fil de ses treize épisodes le conflit entre Tony et son oncle qui l'emmènera à devenir le boss de fratrie, tout en développant en amont les rapports conflictuels entre notre héros et sa mère, intrigue secondaire qui finira par se marier avec la principale, jusqu'à aboutir à une résolution des plus satisfaisantes. C'est ce que j'ai adoré dans cette saison, ainsi que la découverte de son univers, de son ton, de ses protagonistes et du traitement de toutes ses thématiques dont j'ai précédemment fait l'éloge.
Rétrospectivement ce n'est pas un hasard. David Chase, le créateur des Soprano a commencé l'écriture de son œuvre dans le but de parlé de lui et de sa relation compliquée avec sa mère fraichement décédée. Il a fait de son personnage principal un parrain de la mafia pour ancrer son sujet dans un contexte plus attrayant, avec tout un milieux très intéressant à traiter, mais l'objectif premier était ailleurs et c'était lui qui structurait la série en quelque chose de cohérent.
Passé la Saison 1, Les Soprano perd son cap et se met juste à devenir un portrait de la mafia, mettant en scène ses membres dans une multitude d’intrigues, certaines assez courtes, d'autres abandonnées en cours de route, d'autres s'étalant sur des dizaines d'épisodes mais aucune ne parvenant à redonner cette sensation de finalité et d'accomplissement que pouvait fournir l'histoire à suivre de la première saison.
Le propos sur le monde mafieux sera toujours développé avec la même façon ingénieuse et non-manichéenne, mais il en devient vraiment répétitif à la longue. Se sont toujours les mêmes histoires qui nous sont racontées, toujours les mêmes conclusions que nous en retirons, résultat je me suis progressivement désintéressé de ce que j'étais entrain de regarder.
Ça se regarde facilement et y a souvent de bonnes idées, mais le tout est trop boursoufflé, remplit d'éléments dispensables qui font inutilement traîner l'intrigue en longueur.
Les personnages sont sympas, mais ils ne connaissent aucune évolution. Sérieusement, sur tout le bestiaire que compte la série, seuls trois en ont réellement une. La plus notable étant celle de Christopher, neveu de Tony d'abord jeune cascou con et incompétent, il gagne progressivement de l'expérience et de l'importance au sein de la fratrie, puis bascule dans la drogue, se découvre des aspirations cinématographiques, se montre de plus en plus violent envers son entourage et en particulier sa femme, combattra ses vieux démons avec moult rechutes et guérisons... Pour moi c'est l'un des persos les plus intéressants à suivre, même si il manque un peu de nuance pour le rendre attachant, contrairement à son oncle Tony qui lui est aussi détestable que sympathique. Tony est aussi le protagoniste le mieux écrit de la série, même si paradoxalement il ne connaît que peu d'évolution. Un comble pour quelqu'un qui suit activement une thérapie psychiatrique, mais c'est un fait. Durant les 5 premières saisons, on le voit s'interroger sur sa nature, prendre conscience de ce qu'il est et vivre des aventures qui permettent de mettre en lumière tous les aspects de sa personnalité. Toutefois, Tony restera le même chef de famille, violent, autoritaire, possessif, susceptible, complexe et affectueux qu'au début de l'histoire. Les aventures qu'il vivra développeront toujours intelligemment le personnage, mais le constat restera toujours le même et Tony ne commencera à évoluer qu'à partir de la sixième et dernière saison. D'où un gros sentiment de redite et de désintérêt au fil du temps.
En outre nous avons aussi la compagne de Christopher, Adriana, passant de femme jeune et impertinente, à femme soumise et dévouée à son mari quoi qu'il fasse, puis taupe malgré elle du FBI, reprenant ainsi le rôle de Pussy, tué au cours de la S2 ou 3. Adriana est plus utilisée comme un outil scénaristique, mais on ne peut quand même s'empêcher de la prendre en pitié vu tout ce qu'elle subie, y comprit son tragique destin, même si il ne fait qu'appuyer un élément du milieu qui avait déjà été traité à de nombreuses reprises.
Enfin, le personnage qui évolue le plus durant sept années chez Les Soprano, c'est ce cher Anthony Jr, le gros cassos de la série dont l'évolution ne résultera qu'à passer un à un tous les étages de la médiocrité et de la loose intégrale. Glandeur capricieux, émo et pleurnichard, Anthony ne cessera d'afficher sa stupidité au spectateur, le rendant détestable et profondément soûlant. Dès lors, je me demande vraiment qu'elle est donc l'intérêt de mettre autant en avant un mec aussi pitoyable et inintéressant.
Et là vous allez me dire, si tu n'aimais pas plus que ça la série, pourquoi tu l'as regardé jusqu'à la fin alors ? Eh bien parce qu'on m'avait justement vendu son final comme l'une des meilleures conclusions de toute l'histoire des séries télévisées. Et là, ça m'a furieusement donné envie, car je sais qu'une série, même un peu faiblarde et balbutiante en milieu de vie peut toujours surprendre vers sa fin et livrer quelque chose d'exceptionnel au spectateur. Pour preuve, les quartes premières saisons de The Shield ne m'ont pas marqué plus que ça, toutefois à partir du moment où la série a commencé à glisser doucement vers son épilogue, c'est devenu un putain de chef d’œuvre. Les scénaristes ont su amené leur histoire vers un aboutissement total de tous les enjeux et de toutes les thématiques abordées au cours de l’œuvre. C'était brillant, émouvant et en parfaite adéquation avec le produit dans son ensemble, donnant ainsi tous leurs sens aux premières saisons qui ont toutes eu leur rôle à jouer dans cette tragique destinée.
J'avais donc les mêmes attentes concernant le final des Soprano et qu'importe si je devais attendre 90 épisodes pour le découvrir. Je voulais voir les scénaristes se lâcher et offrir à cette série la dernière valse qui cesserait de la faire tourner en rond pour l'amener vers un aboutissement fort et rendant justice à tout ce qui avait été raconté auparavant. Mais mes attentes n'ont pas été satisfaites.
Pourtant cette sixième saison commençait tellement bien. Au terme du premier épisode, Tony est envoyé à l'hosto, victime d'une balle dans le bide que lui a envoyé son propre oncle à cause de sa maladie mentale (rien que là, on a un bel écho à la première intrigue de la S1). Gravement blessé, le chef de famille va vivre une expérience spirituelle hors du commun pendant son coma. Une fois réveillé, cet évènement va le faire ENFIN évoluer pour de vrai. Prenant d'avantage conscience de sa mortalité, se révélant plus sensible à certaines choses qu'il ne l'était auparavant, se remettant en question en pensant à une hypothétique repentance, se démenant pour conserver son autorité et sa légitimité même si il est blessé par l'accident... De plus, nous assistons en amont à la déchéance du chef de la fratrie voisine. Homme autre fois sur-puissant réduit à l'état de vulgaire criminel, humilié par la police au mariage de sa famille, ne pouvant contenir ses émotions perdant ainsi toute crédibilité auprès de ses sbires, il finira seule rongé par un cancer dans sa cellule. Même si ce personnage n'a jamais été très important par le passé, son destin lui apporte un regain d'intérêt. De la même manière que Pussy, Tony II ou Junior, il symbolise l'une des tragiques fins de carrière inévitable pour un membre de la mafia, en l’occurrence, la perceptive de devoir être arrêté et de finir sa vie en prison.
Ces sujets là sont passionnants et très bien traités. Si le reste de la saison avait été du même acabit, elle aurait pour moi, propulsé Les Soprano au rang de chef d’œuvre. MAIS NON ! Il fallait qu'on fasse une double saison absolument pas justifiée de 21 épisodes dans laquelle on s'autorise des milliers de digressions à n'en plus finir. Et vas y qu'on passe plusieurs épisodes à aborder l'homosexualité d'un des membres, ce qui est soit est une très bonne idée, mais qui ne mérite pas qu'on s'y attarde aussi longtemps surtout si c'est pour répéter inlassablement la même chose. Et vas y qu'on va parler de Paulie et de sa vie privée digne d'un tabloïd racoleur. OMG, sa mère est en fait sa tante, sa tante est en vérité sa mère, mais qu'est ce que qu'on s'en branle sérieux ? Les tensions entre les deux fratries autrefois amies qui prennent des plombs à se mettre en place sans subtilité et ce putain d'Anthony Jr dont on ne nous épargne pas l'interminable et chiante dépression qui n'a de source que la stupidité de ce sale con pathétique et sans intérêt.
J'attendais cette saison comme le Messi, mais en fin de compte elle est exactement pareille que les précédentes. Intéressante sur le fond mais longue, répétitive, boursouflée d'éléments inutiles et accordant trop de place à des intrigues ou des protagonistes sans importance. Tout ça pour aboutir à un épilogue final qui m'a terriblement déçu.
Bon, les trois derniers épisodes réussissent néanmoins à créer une bonne tension. La guerre est officiellement déclarée et toutes les têtes sont susceptibles de tomber à n'importe quel moment. Mais la façon dont Chase met un terme à tous les éléments mis en place est assez... déroutante.
Premièrement, exit la psy. Eh oui parce que, même si mamie Soprano était morte depuis un moment, la psy n'a elle pas disparue et a assuré la thérapie de Tony durant tout ce temps, jouant le rôle de confidente pour le parrain et nous permettant indirectement de mieux le comprendre et de plus facilement s'attacher à lui. Dans la S1, Tony a dû mal à se livrer vu que c'est quelque chose qu'il n'a pas l'habitude de faire. On le voit gagner de plus en plus en confiance et en complicité avec sa psy, au point d'en tomber amoureux parce que c'est la seule personne avec qui il est en totale confiance pour livrer ses sentiments les plus intimes, de son côté, la psychiatre éprouve autant de fascination que de crainte pour son patient. Ne supportant pas qu'on dise du mal de lui dans son entourage, se sentant protégée à ses côtés, éprouvant un plaisir malsain à suivre ses aventures criminelles, elle finira néanmoins par se détourner de lui lorsque fou de rage à l'annonce de son diagnostique sur sa mère, Tony manque de lui briser une artère tout en la mettant en danger à cause de l'affaire conflictuelle avec son oncle. Une relation complexe et passionnante qui ne connaîtra malheureusement aucune évolution par la suite. Toutes les intrigues entourant ces protagonistes ne feront que dépeindre les mêmes rapports entre eux instaurés dans la Saison 1. De façon différente certes, mais arrivant toujours aux mêmes conclusions.
Bref tout ça pour dire, qu'au terme de ces sept années de relations lassantes et répétitives, La psy finit par en avoir marre et met fin aux séances comme ça, en coup de vent, merci et au revoir. Preuve si l'en est que les scénaristes ne savaient visiblement plus quoi foutre de ce personnage et qu'ils s'en sont débarrassé de la manière la plus facile qu'il soit.
Ensuite, le conflit entre les deux bandes mafieuses est lui aussi réglé en un claquement de doigt, ou plutôt en une balle dans la tête du chef ennemi pour être précis. Pas de confrontation épique, pas de tension aboutissant à quelque chose d'émotionnellement impactant non, quedal.
Enfin, avant de prendre le brunch avec sa famille, Tony vient rendre visite à son oncle qu'il n'a pas revu depuis 20 épisodes, il y découvre une loque seule et affaiblie et semble voir son futur dans le reflet de cet ex-grand mafieux qui a survécu à tous les dangers mais qui connaît malgré tout une triste déchéance. Beau moment mais là encore très redondant vis à vis de ce que l'on a déjà pu voir auparavant. Junior a toujours été le symbole du vieux mafieux vétéran qui termine son existence misérablement, on a pas attendu cette séquence là pour s'en rendre compte et donc cette scène, aussi belle soit-elle, n'apporte elle non plus rien de neuf.
Une fois arrivé au resto, Tony accueille un à un les membres de sa famille. La mise en scène nous suggère qu'un danger ce prépare en laissant plusieurs pistes sur ce qu'il serait susceptible de se produire et nous montrant le parrain à cran et sur le qui-vive. Et puis, d'un seul coup d'un seul... écran noir.... la musique s'arrête....tout se coupe durant plusieurs secondes...... apparaît alors le générique de fin dans le silence le plus total..... et c'est.... finit.
Et j'ai attendu 90 épisodes pour ça ???????
Alors, à cet épilogue, deux théories contradictoires sortent du lot.
Soit Tony serait effectivement buté à cet instant précis et cela serait symboliser par cet arrêt brutal du programme, ce qui rentrerait en parfaite cohérence avec le thème de la mort, parcourant l'entièreté de la saison et plusieurs fois décrit et montré comme quelque chose d'imprévisible qui frappe chaque personnage brutalement sans que l'on s'y attende.
Soit Tony ne meurt pas mais continue simplement sa vie, les cinq dernières minutes symbolisant simplement ce à quoi il passera le reste de son existence : Être tout le temps sur ses gardes, se méfier de tout et de tout le monde et redouter sans arrêt la mort qui peut survenir à tout moment. L'écran nous laissant donc entrevoir la suite des évènements tout seul.
Pour moi, ces deux théories sont tout aussi valables l'une que l'autre mais sont loin de me satisfaire. Car même si la forme de cette conclusion est très intéressant, le fond est dans tous les cas redondant par rapport à tout ce que nous avons déjà pu observer jusqu'alors. Encore une fois, on en arrive à la même conclusion qu'on nous rabâche à longueur d'épisodes depuis sept putain d'année et ce foutu final n'aura strictement rien apporté. Dès lors à quoi ça aura servit que je suive cette série jusqu'à la fin hein ?
Vous voulez savoir comment j'aurais voulu que se termine Les Soprano ? Eh bien, j'aurais souhaité qu'elle se conclu par le suicide de Tony. Pourquoi ? Parce que ma conclusion personnelle de la série c'est que quelque soit ton parcours au sein de la mafia, l'issu de ton histoire sera toujours tragique, pour toutes les raisons précédemment évoquées. Par conséquent, j'aurais voulu que Tony, au terme de tout ce qu'il a pu vivre durant toutes ses années comprennent cette loi implacable du milieu et qu'il choisisse lui même de mettre fin à une existence qu'il sait foutue d'avance. Là ça aurait eu du sens, là ça aurait été fort, beau et émouvant et là j'aurais eu l'impression d'avoir assister à un beau portrait du monde mafieux avec son début, son milieu et sa fin. Pas à un énième enfumage de la part de David Chase.
A l'instar de la série, j'ai l'impression de me répéter mais j'aimerais vous faire comprendre le plus possible mon ressenti personnel. Je comprend très bien les louanges qui sont faites à ce programme, car prit indépendamment, chaque épisode est très bien écrit, intelligent et pertinent dans son propos. Mais dans son ensemble, Les Soprano ne sont que boursouflure et répétition. Ainsi, à mes yeux, cela ne valait pas six saisons de 13 à 21 épisodes chacune.