J'ai vu l'intégralité des Soprano en 2024, c'était comment ?
Petite remise en contexte. J'ai démarré le visionnage des Soprano en ayant entendu parler maintes et maintes fois de la popularité de la série, de son impact sur le média et de son statut sacro-saint. Mes attentes s'en sont retrouvées automatiquement biaisées, ce qui explique surement la suite de ses lignes.
Les Soprano est une série qui curieusement n'accuse pas trop le poids des années. Démarrée en 1999, elle est même beaucoup plus abordable que The Wire qui, dans son format, a des premiers épisodes qui ont vraiment vieilli (colorimétrie, surexposition de technos dépassées, etc). Même en s'intégrant avec les évènements de son époque (attentats du 11/09, guerre en Irak) la série reste moderne. Elle est aidée par une mise en scène encore actuelle avec quelques coups de génie qui reste surprenant aujourd'hui encore.
La mort de Bobby Bacala et le parallèle fait avec le déraillement d'un train miniature.
La dernière scène de la série et sa tension créée par le doute : "Tony va-t-il voir sa famille dans son ensemble une dernière fois ?", habilement amené par la difficulté de Meadow à faire un créneau.
(Pour ne citer que la dernière saison)
Le premier contact est donc plutôt très bon. La série reste moderne, les personnages sont variés et intéressants tout comme les enjeux.
La mise au vert du Dr Melfi a été l'enjeu que j'ai préféré dans la série.
Cependant dès la saison 2 la machine se met en marche pour ce qui va être le schéma de toutes les saisons suivantes.
Un à plusieurs antagonistes arrivent pour rompre la stabilité précaire du règne de Tony. L'issue étant systématiquement la même chose : la mort / disparition / autres de ces antagonistes.
La série fonctionne en cycle de façon à dresser le portrait de la mafia : un environnement où il est impossible de sortir et où les places gagnées le sont souvent pour peu de temps. Les scènes s'enchainent et se ressemblent d'une saison à l'autre même si les protagonistes changent de position dans la hiérarchie. Gestion d'une taupe, repas de famille gênant, l'alcoolisme de Christopher, ou encore les réunions au Bada Bing font partie de ces récurrences.
Même si les personnages peuvent évoluer dans la hiérarchie, c'est beaucoup moins le cas dans leurs enjeux. Ce système de cycle nous ramène systématiquement au point de départ quitte à nous faire voir 36 fois la même chose :
- Dispute et réconciliation de Christopher et Adriana
- Les tentatives d'arnaques de Janice
- Les désillusions de Carmela
- Les bons conseils pas toujours suivis de Silvio
- ...
Au-delà de ces schémas et cycles répétitifs, un sentiment prédomine assez rapidement au fur et à mesure que les épisodes passent : le manque de suivi d'un épisode à l'autre. Les épisodes sont souvent thématiques (les jeux d'argent, la famille, le FBI, etc) ce qui peut créer une vraie fracture dans le traitement des histoires, l'exemple le plus frappant étant celui du Dr Melfi.
L'un des moments forts de la série est le viol du Dr Melfi. Un épisode concentré sur son point de vue et qui montre sa volonté vis-à-vis de la possibilité d'en parler à Tony et potentiellement d'obtenir vengeance.
Elle est fragilisée et de potentiels nouveaux enjeux sont maintenant possibles : peut-elle continuer d'aider un homme toxique et dangereux, va-t-elle s'en remettre à Tony, etc
Mise à part quelques scènes et mentions chez son psy, l'histoire s'arrête en réalité à partir de là. La fracture est difficile après un moment aussi choquant et déçoit sur le traitement du personnage.
Beaucoup d'histoires qui semblent mener vers quelque chose s'arrêtent donc souvent d'un épisode à l'autre. Elles déçoivent sur le traitement des personnages surtout lorsque c'est pour voir des situations déjà vues.
C'est vrai pour Silvio qui pendant quelque temps se met à prendre des décisions contradictoires par rapport à celles de Tony. On sent que la tension monte entre les deux personnages. Mais ... rien. Il n'y aura pas forcément de résolution et on retournera à la situation initiale comme si il ne s'était rien passé.
La dernière saison arrive. Ca pourrait être la seconde comme la quatrième que ça ne changerait pas grand chose. La différence, c'est que c'est la dernière et qu'on s'attend à une apothéose... Dommage, on va avoir le droit à des moments forts mais rien qui ne s'aura nous passionner.
Pourquoi se concentrer sur Vito pendant toute la première partie ... C'était intéressant, mais est-ce que ça mérite presque 11 épisodes sur une dernière saison ?
Des personnages vont nous quitter, mais un sentiment d'injustice prédomine : pourquoi maintenant ?
La mort de Christopher semble vraiment tomber de nulle part. Oui, il y a quand même eu un enchaînement d'évènements. Mais sa mort aurait pu avoir lieu après le meurtre d'Adriana, ça aurait été d'autant plus fort.
Cette dernière saison résulte dans une montée en puissance loupée avec une fin qui surprend ... Et pourquoi surprend-elle réellement ? Parce que comme la plupart des évènements de cette saison elle semble tomber de nulle part.
Personnellement, j'ai vraiment cru que ma télé s'était arrêtée devant cet écran noir. L'histoire aurait vraiment pu continuer de tellement de façons différentes. C'est même introduit par l'avocat présent dans ce dernier épisode qui semble annoncer à Tony un procès à venir.
Ce sentiment est plus personnel, mais j'ai eu beaucoup de difficultés pour m'attacher aux personnages. Leurs états moraux sont quand même difficiles à avaler et plus de 80 épisodes sans voir un peu de lumière est un peu dur.
C'est bon c'est la fin !
Finalement c'est très dur de noter, critiquer cette série. Si on prend chaque épisode unitairement j'ai trouvé ça vraiment très bon. Les acteurs jouent très bien, la mise en scène est bonne les histoires sont prenantes et donnent lieu à quelques moments très forts.
Pour autant, si on prend l'ensemble de la série, la déception est grande. J'ai fini par m'ennuyer et ai trouvé le tout très répétitif. Mon attente était grande et ne m'attachant pas aux personnages j'espérais beaucoup plus de leur final : une rédemption/punition par exemple.
Dire que les Soprano est une série feuilletonnante n'est pas vrai. Pourtant, à part la saison 1, je conseillerais de picorer les épisodes comme un feuilleton que l'on verrait passer de temps en temps à la maison.
Les Soprano avait fait fort à son époque, la preuve en est que la série reste moderne aujourd'hui. Cependant elle surprend beaucoup moins en 2024.