Je n'ai jamais eu de chance avec les séries TV des "Thibault" (tiré du splendide chef d'œuvre de Roger Martin du Gard).
Étant à cette époque-là interne au lycée, je n'ai pas pu voir la série de 1972. Quant à celle de 2004 de Verhaeghe, étant à cette époque-là fréquemment en déplacement professionnel, …
Par contre, j'ai enfin profité de la diffusion récente en DVD de la vieille série de la télévision française de 1972 que je voulais voir car le personnage d'Oscar Thibault était interprété par Charles Vanel que je j'imaginais très bien dans le rôle ; en tous cas, plus que Jean Yanne qui interprète le vieux bonhomme dans l'édition Verhaeghe.
Et puis la version 1972 était en 6 épisodes de 90 minutes alors que celle de 2004 ne s'étale que sur 4 épisodes de 90 minutes. Pour un monument pareil, 6 épisodes me paraissaient toujours mieux …
La série de 1972 est foncièrement inégale et ça se voit très nettement.
D'abord, il y a deux réalisateurs André Michel et Alain Boudet qui se sont partagés l'ouvrage.
André Michel a mis en scène les trois premiers épisodes qui recouvrent grosso modo "le cahier gris", "le pénitencier", "la belle saison", "la consultation", "la Sorellina" et "la mort du père".
Alain Boudet quant à lui a réalisé l'adaptation de "l'été 1914" et "l'épilogue" sur les trois derniers épisodes.
Le travail d'André Michel est tout-à-fait remarquable. Bien entendu, il a fallu faire des choix au niveau du scénario. Pour ce que j'en juge d'après le roman que je connais assez bien, les choix m'ont paru très pertinents et les inévitables simplifications sont judicieuses. Juste un petit regret, c'est l'absence de l'entrevue entre Antoine et l'abbé Vécard au retour de l'enterrement du père. Cette discussion, fondamentale dans le livre, marque une rupture totale chez les Thibault ; Antoine adresse et justifie une fin de non-recevoir à l'omniprésence de l'Eglise.
La facture est "classique" : pas d'effets de mise en scène, le respect du texte et des personnages, une musique délicieusement dramatique et romantique.
La partie effectuée par Alain Boudet est assez différente. Résolument plus moderne, avec des effets de rotation de la caméra et de l'image, des ralentis des personnages lors de certaines actions, une musique de facture plus contemporaine façon Schönberg ou Boulez. La mise en scène me rappelait ces effets typiques des émissions de variété de la télé (JC Averty) qui avaient le don de m'agacer prodigieusement à l'époque …). Et je trouve ces innovations très préjudiciables à la bonne "lecture" de l'œuvre.
De plus, le choix des découpages ne me semble pas toujours heureux. Si la partie concernant les actions de Jacques en Suisse et dans sa lutte effrénée pour la paix est plutôt bien réussie, en revanche, diverses scènes du roman sont occultées ou exagérées. Par exemple, le personnage d'Anne de Battainville est rendu inutilement plus sympathique, alors que c'est une personne indigne dans le roman. Surtout, le passage magnifique et signifiant du "pèlerinage" de Jenny en Suisse à la recherche des traces de Jacques est totalement supprimé.
Côté casting, je ne connais vraiment que Charles Vanel qui campe un superbe Oscar Thibault. Sévère et implacable, croyant jusqu'à la démesure. Charles Vanel rend parfaitement compte de la vanité cachée sous une fausse humilité du personnage.
Philippe Rouleau et François Dunoyer font très bien le job d'Antoine et de Jacques.
Les si beaux personnages féminins du roman à savoir Jenny de Fontanin et sa mère, Mme de Fontanin sont interprétés respectivement par Anne Deleuze et Françoise Christophe : le moins que je puisse dire, c'est qu'elles remplissent parfaitement le cahier des charges des personnages du roman. C'est même amusant de reconnaître au premier coup d'œil ces deux personnages ! En particulier la ténébreuse et droite Jenny dans une émouvante Anne Deleuze.
Judith Magre joue le rôle d'Anne de Battaincourt avec la nuance que j'ai apportée plus haut.
Au final, je suis bien embêté pour mettre une note…
Si tout avait été en ligne avec les trois premiers épisodes réalisés par André Michel, je mettais 9 sans états d'âme.
Les trois derniers restent quand même intéressants même s'ils sont décevants. Etant dans un (incroyable) jour de bonté, je mettrais bien 6.
Par ailleurs, les couleurs de la copie sont d'une qualité qu'on pourrait qualifier d'époque, pour ne pas être blessant, devant l'absence d'un travail de remastérisation. Au final, la note ne devrait pas dépasser 7