Elle a fait son petit bonhomme de chemin cette série, avant de bien planter son territoire : 7 ans avant de passer d’une première saison affreusement moyenne à une deuxième saison surpuissante !
Il faut dire qu’en 1997 Les Zinzins de l’espace partait sur de mauvaises bases, dans un pot-pourri, nonobstant son étonnante inventivité, très maladroit, mélangeant des idées aussi prodigieuses (jouer avec les « petits rectangles verts » dans « Cash-Cash Party ») que désastreuses (les 10 minutes du malaise interminable que représente « Et vous trouvez ça drôle ? »). Surtout que les doublages calamiteux de Candy et Bud n’aidaient pas trop à prendre une telle avalanche de gags au sérieux. Dans cette première itération, la plupart des épisodes tournaient surtout autour de la naïveté des Zinzins fraîchement arrivés sur Terre, se cachant à tout prix des humains pour ne pas se retrouver la tête dans le formol. A défaut de retourner sur leur planète, il s’agissait surtout de se débarrasser des locataires de la maison occupée, usant pour cela de stratagèmes constamment voués à l'échec, rendant encore pire un naufrage déjà assez éprouvant. Vu que nos extraterrestres connaissaient encore très mal les humains, cela pouvait donner lieu à des situations aussi improbables que jubilatoires (« Lucien »), bien qu’on se demande à quoi peut bien servir le personnage de Stéréo. On en garde un goût peu engageant…
C’est vraiment dans la deuxième saison que tout le génie de la série se dévoile. Infiniment plus dynamique et sarcastique, son potentiel cartoonesque ne s’en exacerbe que mieux : le comique de geste, plus appuyé, devient un vrai carnaval grand-guignolesque à l’extrême, et de fait encore plus expressif (la palme revenant aux crises de folie de Candy dans « Qui est qui ? » et « Divan le terrible »). Même si les personnages restent globalement les mêmes, leurs caractères évoluent très positivement (Etno devenant particulièrement prétentieux, mais infiniment plus entreprenant ; Candy la tête-à-claques de service et ultra-impulsif ; Bud s’abrutissant toujours plus devant sa télévision), et les running-gags se multiplient, sans jamais trop se répéter. Ainsi, Etno provoque toujours autant de catastrophes en construisant ses fusées (jusqu’à sept désastres en quatre minutes dans « L’Extraterrestre » !), tout en en réussissant malgré tout plusieurs. Pour, l’arrivée d’Éric Métayer et Bernard Alane aux doublages, respectivement de Candy/Bud et Etno, donne un rendu déchaîné sans être surjoué, à cadence et à puissance parfaites.
La ligne directrice de l’humour des Zinzins réside dans la surexploitation/surenchère de l’absurde par le comique de situation, un panel de personnages insolites et toujours plus loin dans la démesure expressive et quantitative (« Coquin de sort » : 1 782 177 356€ pour un simple sortilège), et se propulse même jusqu’au slapstick loufoque, quand les coups phénoménaux pris par les humains autant que les Zinzins dessinent sur leurs physionomies des formes totalement improbables (coup de cœur sur « Voyage au centre de la terre »). Il est en tout cas d’une efficacité sans faille et quasiment tous les gags font mouche (en tout cas dans la saison 2).
Mais réduire les Zinzins à leur humour serait passer à côté d'un autre visage de la série. C'est un dessin-animé comique, cela va de soi, mais au-delà de cela, c'est également une véritable pépite de para-sociologie (dans une ligne directrice que le ton absurde rend volontairement outrancière. Les cinq/quatre extraterrestres dont nous suivons les petits désagréments du quotidien sont non seulement parfaitement ancrés dans une veine parodique de la série familiale (chacun a son rôle propre, qu'il soit utile ou non dans la vie de leur microcosme), mais ils sont également naïfs. Bien sûr il ne s'agit pas d'en faire des benêts de premier ordre (quoique...) ; nous parlons bien sûr ici d'une naïveté de nouveau-né parachuté dans le monde réel sans casque de protection : au début de la série, aucun n'a jamais entendu parler de la Terre et de ses habitants, et les voilà trouvant refuge, par le plus grand des hasards, dans une maison à louer ; c'est donc sous leur regard novice que défile une galerie de personnages hauts en couleur, chacun s'affichant comme un prétexte à la critique des comportements humains. De l'artiste véreux à la voyante vénale, en passant par le scientifique obstiné et l'intelligence artificielle vindicative. Tous les caractères y passent, avec peu de qualité et beaucoup de défauts en perspective cela va de soi, et ne croyez pas pour autant que nos aliens vaillent mieux que cet échantillon de nous-mêmes !
Le plus surprenant demeure la tolérance à l’égard de cette série, entre la violence extrême à peine dissimulée (sans doute car jamais sanglante) et la mise en valeur de l’homosexualité lors de décennies encore peu réceptives à la chose : eh oui, le personnage de Candy, sous ses airs efféminés jusqu’à la caricature, son obsession pour le ménage et la cuisine et son attirance pour les beaux mâles, est bel et bien un alien de sexe masculin ! Ce qui en fait l’un des, si ce n’est le premier personnage homosexuel de l’histoire des dessins-animés pour enfant. Que de progressisme chez les Minikeums !
Evidemment pour ceux qui n'aiment que les séries sensées, avec une ligne directrice inaliénable et une logique jusqu'au-boutiste, on repassera, les Zinzins n'arrêtant par de se contredire, aussi bien dans la continuité des épisodes (ainsi, alors qu'on apprend dans « 24 heures » que passé ce délai les transformations deviennent irréversibles, observons-nous notre petite bande rester des jours entiers sous formes d'Indiens [« Des plumes dans la prairie »] ou de pingouins [« Une froide intelligence »] ; ou retrouvons-nous la poupée crash-test de « La poupée qui fait boum » et Molux d'« Un ami au poil » sur Zigma B dans « Bienvenue ! » alors qu'ils étaient censés avoir été parachutés sur la Lune) qu'au sein même des épisodes (« Qui est qui ? » n'échappant pas au millier d'incohérences inhérentes à toutes les œuvres de voyages dans le temps anarchiques), cela non sans se départir de plusieurs invraisemblances (le fonctionnement de la pommade d'invisibilité dans « Invisibles Zinzins » m'ayant toujours échappé). Osera-t-on sérieusement faire ce genre de reproches à un dessin-animé ayant déjà assez repoussé à ce point les frontières de l'absurde et de l'imagination la plus débridée ?