Non non et non, rien à dire sur un style d’une perfection sans faille (j’aime les pléonasmes) dont on nous a rebattu les oreilles jusqu’à épuisement en classe de Terminale. Rien à dire sur le scandale qu’a provoqué Madame Bovary en 1857, sur tout son côté subversif vis-à-vis des idéaux romantiques de l’époque, Rien à dire sur la critique de la bêtise des contemporains de Flaubert. Littérairement ce roman (qui n’est pas du tout un pavé comme certaines mauvaises langues peuvent à tort l’affirmer) est parfait.
Mais je maintiens face à certaines autres mauvaises langues qu’il ne suffit pas d’une stylistique chirurgicale et qu’un livre soit intéressant dans le fond comme dans la forme pour se faire apprécier.
Madame Bovary ne me transcende pas. Un roman où « il ne se passe rien » pour paraphraser mon prof de Littérature peut très facilement se révéler indigeste et douloureux à parcourir. Qu’il soit drôle ou hilarant, ce critère est purement subjectif ; pour ma part je n’ai pas ri tout durant les trois fois où je l’ai lu. Lecture difficile donc, notamment au regard de romances toutes plus pesantes les unes que les autres tant Flaubert les stéréotype selon la morale romantique à l’extrême.
Permettez-moi également de m’opposer à toutes ces personnes déplorant la pauvre Emma Bovary, victime de son siècle et de ses idéaux romantiques. Nenni. Emma est une traînée, une garce, méchante, cruelle, irascible, égoïste hautaine, mauvaise comme tout, je dirais presque une salope pour parler crument. Le pauvre Charles (presque agaçant dans son insouciance, je suis d’accord sur ce point) l’épouse, fait tout pour lui rendre la vie la meilleure et la plus supportable que possible, mais elle, elle s’en moque : elle méprise un mari qui veut se montrer le plus attentionné possible, le trompe allègrement, en profite pour du même coup imaginer de machiavéliques stratagèmes pour s’enfuir avec son enfant, tout cela sans se soucier des potentielles souffrances qu’endurerait Bovary suite à ces entreprises. Emma ne songe qu’à sa propre petite personne et à son bonheur exclusif, traite son voisinage et le « bas-peuple » comme des sous-produits de déchets (la scène du bal masqué à Rouen parle d’elle-même) et n’a de respect ou de considération pour personne d’autre que les héros de ses romans. Elle mérite amplement ce qui lui arrive, et n’est pas digne de la moindre pitié.
Certes, ce n’est pas avec des caractères que l’on fait des critiques, mais je gage que la psychologie d’un personnage est parmi les éléments les plus importants d’une œuvre littéraire. Les héros d’un roman sont les personnages avec lesquels on chemine, on voyage, on partage et vit des histoires. On s’immisce dans leurs pensées, leur psychologie ; on flâne tout accompagné de l’aura de chaque personnage d’un roman, tout romantique, réaliste, post-exotique ou néo-pré-psycho-naturaliste soit-il. Le caractère d’un personnage est l’un des critères les plus importants pour apprécier un livre. Et quand l’on chemine avec une mégère comme Emma Bovary qui n'a rien pour elle (certaines mégères dans la littérature sont pourtant fort appréciables en tant que personnages), cela est fort déplaisant.