Madame Bovary par Aliocha
Pour comprendre Emma Bovary, il faut se figurer une femme au foyer moderne, qui vit dans un pavillon coquet mais un peu pourri au final, qui se fait sauter par le dentiste du coin, mais surtout qui s'empiffre de chocolat et de Xanax, en maudissant sa vie trop injuste, car c'est elle qui devrait être dans les bras de Victor des Feux de l'amour, et manipuler des carafes à whisky de mille dollars.
Et à la fin elle bouffe toute la boîte. Au fond, après 150 ans, Emma Bovary existe encore, plus que jamais.
Outre cet archétype, l'autre jet de génie sur lequel tout le monde s'accorde, c'est la force herculéenne qu'il a fallu à Flaubert pour dissimuler son style colossal (mais littéralement, il faut lire la sauvagerie formelle de Salammbô dont les batailles font passer les films guerriers de Ridley Scott pour d'aimables parties de catch : chez Flaubert on crucifie des lions et on se mange) ; toujours présent, mais jamais voyant, il parvient à force de travail à camoufler de véritables épopées pornographiques dans ce qui se donnait comme une assommante dramette de province. À cet égard, les scènes des comices et du carrosse de Rouen sont exemplaires.
Clairement le Grand Œuvre de Flaubert.