Rappel des faits d’abord : Liaison fatale, auréolé d’un parfum de scandale, sort sur les écrans en 1987 et cartonne un peu partout, ramenant le sujet de l’adultère dans les débats publiques (le film fera même la une de Time magazine). On apprendra plus tard que la Paramount refusa la fin originelle du film (faisant référence à Madame Butterfly) où Alex Forrest se suicidait en faisant croire à un meurtre, meurtre dont Dan Gallagher sera accusé, puis innocenté grâce à une cassette audio sur laquelle Alex avoue son désespoir face au rejet de Dan et sa résolution à mettre fin à ses jours. Elle y préférera donc une conclusion plus agressive et un rien réac (qu’Adrian Lyne, Glenn Close, Michael Douglas et Anne Archer tournèrent à contrecœur) pour la briseuse de ménage (la responsabilité de Dan dans les événements, qui trompe sa femme Beth sans le moindre remords ni la moindre remise en question, n’est pas une seule fois abordée), transformée à la fin en psychopathe furibarde.
Plus de trente ans après, la scénariste et productrice Alexandra Cunningham a souhaité refaire le film en format série à l’aune d’un féminisme post-#MeToo. L’idée derrière tout ça ? Réhabiliter le personnage d’Alex en n’en faisant plus seulement une folle hystérique prompte à bouillir les lapins, mais en explorant les failles d’une femme autodestructrice et émotionnellement instable («Je ne jouais pas une généralité, je ne jouais pas un cliché, je jouais un être humain très spécifique, profondément perturbé et fragile» dira d’ailleurs Glenn Close d’Alex). Si l’intention est louable (sonder le passé traumatique d’Alex et ses conséquences, en particulier les rapports compliqués avec son père), le résultat est loin, très loin d’être concluant. C’est même pire puisqu’ici, Alex paraît n’avoir aucune émotion (sinon une colère persistante, sinon un besoin de manipuler) et ira, comble du grotesque, jusqu’à tuer la mère de Beth. Pour la réhabilitation, c’est raté. En beauté. Prière de repasser donc.
La série débute là où s’arrêtait la fin originelle du film. Dan a été arrêté pour le meurtre d’Alex (qu’il n’a pas commis) et, après quinze ans de prison, tente de renouer les liens avec sa famille (sa fille est maintenant une ado, étudiante en psychologie) et de savoir qui a tué Alex. Car plus question de suicide ici, mais d’un meurtre et d’un coupable à retrouver. Construite sur deux temporalités, celles d’aujourd’hui et d’il y a quinze ans (qui, elle, reprend celle du film autour de la rencontre, de la liaison puis des antagonismes entre Alex et Dan), la série les alterne sans vraiment d’originalité, délitant, et ne retrouvant jamais, le rythme et la tension (tant sexuelle que psychologique) qu’offraient les deux heures du film.
Idem pour les huit épisodes qui, s’ils permettent d’approfondir les personnages et d’offrir plusieurs points de vue sur l’histoire, l’étirent inutilement en proposant des intrigues annexes inintéressantes (notamment autour de la fille de Beth et de Dan qui, à ce propos, héritera d’une scène finale ridicule plombée par un twist sorti de nulle part). Enfin, si Joshua Jackson s’en sort plutôt bien dans la peau de Dan, parvenant à s’approprier le rôle pourtant immortalisé par Michael Douglas, Lizzy Caplan en revanche a bien du mal à faire oublier la prestation mémorable de Glenn Close, échouant à exprimer, à incarner la séduction vénéneuse et la vulnérabilité à fleur de peau d’Alex. Ce n’est pas son talent qui pose problème (qu’elle a encore prouvé en début d’année dans la série Anatomie d’un divorce), mais bien un scénario et des dialogues ne faisant pas grand-chose pour nuancer, étoffer le personnage qui, quand la série cherchait donc à se débarrasser de la figure de simple sociopathe déséquilibrée, apparaît in fine encore plus problématique que dans le film.
Article sur SEUIL CRITIQUE(S)