La problématique d'Arracher l'indien du cœur de l'enfant, ce documentaire-choc qui attirait l'attention sur les enlèvements d'enfants au Canada sous prétexte de faciliter leur intégration, développée sous forme de récit, mettant en scène une famille ojibwe passée au rouleau compresseur impérialiste anglo-saxon. Le reportage était déjà déchirant, il fallait s'attendre à une fiction bien dramatique. Pari tenu avec l'histoire du drame provoqué par un petit garçon dont la pierre vient fracturer le pare-brise d'une voiture de police. Résultat : la fratrie entière sera arrachée à ses parents, le père battu comme plâtre et la mère contrainte de faire face à une administration hostile, dont les représentants se montreront aussi inhumains les uns que les autres. Une jeune stagiaire sera la seule à ressentir de véritables émotions devant ce drame familial, mais son choix est clair : démissionner ou accepter l'inacceptable. Comme la série court sur plusieurs décennies, on la retrouvera au milieu de sa carrière finalement consentie, écartelée entre ses sentiments et une réglementation inique. Beaucoup de personnages sont tout aussi intéressants, incarnant les dilemmes insolubles engendrés par l'iniquité des lois canadiennes : la mère biologique, brisée par ce combat désespéré, la mère adoptive, volontairement aveugle aux souffrances des peuples premiers, le fiancé dépassé par les événements, le jumeau maudit, rongé par la culpabilité, l'aîné épargné souffrant du complexe du survivant, etc. Les personnages secondaires sont nombreux et bien campés, montrant les ramifications explosives du crime initial. Non, le racisme n'est pas un petit travers bénin d'ignorants forts en gueule. Il s'est insinué au sommet des états et a engendré des monstres de perversité. Pour porter toute cette fresque sur ses épaules, Esther, l'aînée des filles, adoptée très opportunément par une famille juive, ayant souffert de l'Holocauste et versée dans l'étude. La rencontre de deux nations orphelines aux spiritualités très dissemblables. Plein de pistes à explorer donc, une musique country native drôlement écoutable, mais aussi des longueurs et une interprétation inégale. Peu importe, l'ensemble mérite vraiment qu'on prenne le temps de s'y intéresser. Et donne envie de retourner aux livres de Louise Erdrich.