L'essentiel a déjà été dit sur Lost, ses mystères, ses quelques égarements et son univers étendu hors des frontières des épisodes diffusés. Rarement une série a autant rendu les gens fous. Mais ce qui a fait beaucoup clavarder sur les internets, c'est la conclusion de cet incroyable objet audiovisuel.
Quand un feuilleton déchaine autant les amours et les foudres de ses fans, il était presque impossible de concevoir une fin acceptable par tous. Les "mordus" avaient trop l'impression que J.J. Abrams, Damon Lindelof et Jeffrey Lieber leurs étaient redevables de tout le temps et l'énergie qu'ils avaient investis dans ce puzzle mystico-scientifique. Les téléspectateurs plus casuals espéraient un dénouement propre, carré et définitif. Mais on ne débranche pas une série telle que Lost comme on éteint le jukebox à la fermeture du bar. En revanche, bouclez Les Experts avec une scène de singes dansants la polka que les téléspectateurs s'en cogneraient le panneau avec des radis noirs.
Afin de préserver tout le goût du fruit, je préviens que ce post est totalement dénué de spoiler, puisqu'il n'est pas question du contenu de la conclusion de Lost, mais plutôt de ce qu'elle représente pour le devenir de la série. Car il existe.
Il y a avait deux solutions, grossièrement. La plus attendue: une majorité de spectateurs ne vivent les séries, Lost y compris, que comme une occupation divertissante du temps libre disponible et n'y consacrent pas une seconde de plus que les 42 minutes de diffusion. Ce n'est pas un jugement, il est un peu fou de vouloir donner plus d'attention à un feuilleton, vouloir aller au-delà est souvent une activité totalement stérile. Le feuilleton pourrait parfaitement se contenter de fournir son service divertissement, les auteurs auraient alors pu décider de tout expliquer et écarter le doute sur le moindre mystère concernant l'Ile et ses occupants. C'eut été une fin assez pratique, une récompense pour le spectateur fidèle. "Oh, bah dis donc, j'ai relié tous les points entre eux dans l'ordre des chiffres, et l'animal caché, c'était une mouette. Je l'aurais jamais cru.". Pour Lost, c'eut été trop simple.
Les producteurs ont délibérément oublié des détails dans les épisodes, dont certains (pas tous, rassurez-vous...) sont dévoilés dans des jeux de pistes multimédias, des interviews ou des épisodes destinés au web ou aux téléphones mobiles. Des pistes sont finalement entièrement détaillées, d'autres sont laissées dans le flou et le reste est laissé au bon vouloir des internautes les plus pointilleux. Et plus ils en donnaient, et plus les auteurs prenaient un malin plaisir à pointer du doigt les pièces manquantes. Ce qui était presque plus excitant que les nouveaux épisodes en eux-mêmes, c'était d'en parler avec ses amis, confronter les théories et ressasser les zones d'ombres qui obsédaient. Plus on en savait, moins on en savait, quelle joie. Les plus accros pouvaient se lancer dans une chasse au trésor tarée, analysant chaque plan pour en tirer toutes les infos possibles. Il était alors impensable de parvenir au finale et qu'on nous dise "alors voilà, en fait, il y a un double fond dans le chapeau, et c'est de là que vient le lapin. Et la dame coupée en deux, c'est des nains. Merci, bonne soirée.". Balayer d'un revers de la main 6 ans de fantasmes, ce n'est pas très jus de raisin pour tous ceux qui avaient fini par se persuader qu'on allait leur révéler le Secret de la Vie. Il y aurait eu du sang et des larmes si la mythologie Lost s'était révélée être un sudoku niveau Télé 7 Jours master.
L'autre solution (souvenez-vous, il y avait deux solutions, là), était de conserver l'aura de la série en laissant les spectateurs spéculer sur les mystères de l'Île et sur le chapitre final, très ouvert à l'interprétation. Plutôt que de livrer une solution complète, les créateurs de la série ont préféré conclure en laissant un puzzle incomplet, aux pièces dispersées. Ils sont d'ailleurs particulièrement sadiques dans le domaine, puisqu'ils lâchent encore aujourd'hui des infos en interview et se sont même amusés à rajouter un mini épisode post-finale dans le coffret DVD de la saison 6 qui répond à quelques questions et en pose d'autres... C'est très probablement ce culte du secret qui fait qu'on en parlera encore dans 15 ans. Même aujourd'hui, je découvre des choses sur Lost en me baladant sur Lostpedia, cette hallucinante encyclopédie alimentée par des fous atteints d'une forme très spécifique de T.O.C. liés aux numéros de sièges d'avion.
Si la fin de Lost a tant déplu ou, du moins, déconcerté, c'est parce que c'est la FIN. La déception s'est traduite par un courroux envers le contenu du finale alors qu'il y s'agissait surtout d'un phénomène de manque lié au sevrage. Mais la bonne idée demeure dans le fait que Lost ne laisse pas tout à fait ses fans orphelins. Elle rappelle certains mystères célèbres comme Jack L'Éventreur, Zodiac, les pistes de Nazca ou Stonehenge, cette série laisse du grain à moudre aux passionnés grâce à sa mythologie immense qui pioche dans les thèmes fondamentaux du genre humain: la foi face à la science, le bien et le mal, la mort, le destin, le surnaturel et bien sûr, l'ombre planante d'un étrange complot. La recette idéale pour occuper les journées des internautes les plus obsessionnels.
LIVE TOGETHER, DIE ALONE