Saison 1 :
Si le "Pilot" de "Lost" est certainement l'un des moments de cinéma les plus intenses vus cette année, la meilleure série du moment ne faiblit guère durant ses premières 17 heures. Est-ce la démesure de l'entreprise qui s'attache à la description minutieuse de la vie de plus d'une dizaine de "personnages principaux" ? Est-ce la richesse émotionnelle de ces flashbacks qui reconstruisent lentement le passé de chacun des naufragés, tout en défaisant l'image que le téléspectateur se fait forcément d'un héros ? Est-ce la diabolique étrangeté d'un scénario - à mi chemin entre "L'Ile du Docteur Moreau" et certaines nouvelles de Stephen King - on pense, en attendant de voir comment J.J. Abrams va dénouer son écheveau - aux "Langoliers" ? Ou n'est-ce pas plutôt le fait que l'on sache que tout, absolument tout, peut arriver sur l'île, sans pour autant que la crédibilité en soit affectée ? En tout cas, "Lost" porte le nouveau genre du feuilleton télévisé vers de nouveaux sommets d'addiction.
Saison 2 :
Si la deuxième saison de la série TV la plus populaire et la plus commentée du moment ne comporte pas de "moments" de bravoure du niveau de la première, force est d'admettre que JJ Abrams et son équipe de scénaristes pervers ont tenu le pari insensé de tendre encore plus la corde de l'invraisemblance totale sans pour autant détruire la croyance du (télé)spectateur : alors que se complexifie l'écheveau des flashbacks liant de manière que l'on juge difficilement explicable les destins et les relations des personnages entre eux (et avec l'île), "Lost" distille suffisamment de révélations sur le fonctionnement de cette dernière pour préserver notre foi que, oui, il y aura bien une explication à tout cela. Notons plutôt la remarquable idée du "bouton à presser toutes les 108 minutes", superbe illustration de notre indispensable addiction à une fiction qui structurerait le monde et justifierait notre existence, et attendons la Saison 3 avec impatience (Putain, un an !).
Saison 3 :
La 3e saison de "Lost" n'échappe pas complètement à l'effet de vague irritation qui nous avait déjà envahi au fil de la seconde, devant l'artificialité d'un réseau complexe d'énigmes qui ne tiennent guère que par l'incompréhensible autisme des personnages. Mais les scénaristes font magnifiquement monter la pression dans une suite d'épisodes centrés sur des scènes d'une violence et d'une haine "rafraîchissante" entre les deux communautés de l'ile, qui peu à peu transportent "Lost" "ailleurs" : les règles du jeu sont dynamitées, les personnages échangent leurs rôles, on frôle sur la fin les meilleurs œuvres de la SF "conceptuelle" des 70's (j'ai pensé au magnifique "Monde Inverti" de Christopher Priest)... Jusqu'à un final qui renouvelle les mécanismes du suspense grâce à une très belle idée, manipulatrice bien sûr, mais relançant franchement l'intérêt pour la suite : in extremis, "Lost" conserve donc la palme de la série "intellectuellement" et narrativement la plus excitante de notre époque.
Saison 4 :
Même raccourcie pour cause de grève des scénaristes, "Lost" reste à peu près inchangée dans cette saison 4, ce qui répète nos frustrations (devant l'artificialité avec laquelle le scénario ralentit la découverte des "secrets" de l'île, c'est-à-dire seulement en "empêchant" toute communication entre les personnages, dont chacun - ou presque - détient désormais une pièce du puzzle) et nos éclairs - toujours fulgurants - de bonheur (je pense au magnifique épisode 5 et son voyage temporel !). Le grand coup de force des scénaristes s'avère néanmoins la quasi invention des "flash forward", qui rajoutent encore une couche à la désorientation du spectateur, et revitalisent indéniablement son intérêt (à quel moment peut bien se passer la scène à laquelle on assiste ?), sans parler du fait qu'ils offrent une ouverture bien rafraîchissante vers l'extérieur de l'île aux plus claustrophobes d'entre nous. Plus nettement "SF" encore que les précédentes, la "Saison 4" a des chances de diviser encore plus adorateurs et contempteurs de "Lost".
Saison 5 :
On était prévenu : la 5ème saison de "Lost" est un grand moment de la nouvelle "série TV", et, de fait, retrouve presque le pouvoir de fascination de la 1ère, mais dans un registre différent. Si l'addiction est la même (comment ne pas dévorer ces 16 épisodes en un minimum de soirées ?), la narration a atteint un degré de prolifération qui défie souvent l'entendement, et rebutera ceux qui ont depuis longtemps renoncer à jouer au "rubik's cube". Avec nos "héros" qui voyagent dans le temps pour finir par conduire leur "enquête" sur l'île dans deux temporalités différentes, à 30 ans d'écart, et la mise en place patiente d'un paradoxe temporel classique mais efficace (peut-on tout effacer et remettre les compteurs à zéro, ou bien les règles de fonctionnement du Temps font-elles que tout est écrit une fois pour toute ?), cette saison est un pur plaisir, et ce d'autant que nombre de "solutions" nous sont enfin livrées, nous délivrant de frustrations vieilles de 4 ans. Magnifique cliffhanger final : vivement l'année prochaine…
Saison 6 :
Impossible de parler de la dernière saison de "Lost", événement planétaire indiscutable, sans commenter cette fameuse fin "décevante", concluant maladroitement, et assez lâchement (l'explication la plus banale, la moins intelligente qui soit pour conclure le plus beau labyrinthe mental de ces dernières années !? Quelle tristesse !) notre série favorite. En fait, ce qui est rageant est que ces 10 dernières minutes qui flottent dans un sous-texte mystique / religieux indigne de la série, sont parfaitement inutiles, tant la saison s'acheminait de manière impeccable vers un écheveau indémêlable mais vraiment magique de deux réalités parallèles qui se faisaient écho, unies entre elles par la force de l'amour... soit une belle idée, aussi universelle que doucement consensuelle. Bon, rien de honteux quand même dans cette dernière saison, qui apporte suffisamment de réponses pour satisfaire les plus rationnels, tout en préservant la beauté d'un mystère qui avait su gagner en profondeur au cours des années. On regrettera "Lost" dans notre vie....