Luz à Osville
7.9
Luz à Osville

Dessin animé (cartoons) Disney Channel (US) (2020)

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Nous sommes en 2012 et débute sur Disney Channel et XD un dessin animé qui va marquer petits et grands : Gravity Falls. Gravity Falls c’est le mix parfait entre les petites aventures pour les plus jeunes et des thématiques plus larges, une imagerie référencée et des tonnes de codes secrets partout pour les adultes. Mais Gravity Falls a un problème : Disney. Certes la chaine finance la série mais le traitement qui lui est réservée est dégueulasse. Entre une production compliquée, une diffusion complètement éclatée et une censure ultra présente, Alex Hirsch claque la porte après avoir fini ce qui a été, probablement, une des séries d’animation les plus marquantes des années 2010.

Nous sommes en 2017 et débute sur Disney XD Ducktales, La bande à Picsou, un reboot de la série d’animation des années 80. Attendue par les fans de la 1ère heure, les amoureux de Don Rosa et Carl Barks, la série arrive à rassembler tout ce beau monde et même attirer un nouveau public. Mais Ducktales a un problème : Disney. Certes la chaine finance la série mais le traitement qui lui est réservé est dégueulasse. Entre une diffusion complètement éclatée, la chaine qui mélange la sortie des épisodes contre l’avis des créateurs et une annulation après la saison 3, les créateurs grincent encore des dents après avoir fini une série d’animation vraiment géniale.

Dans tout ça se trouve Dana Terrace, elle a 24 ans quand elle commence à bosser sur les storyboards de Gravity Falls. A 27 ans elle réalise le premier épisode du reboot de Ducktales. A 30 ans elle sort la série qu’elle prépare vraisemblablement depuis des années, un univers auquel elle a réfléchi longtemps et son projet de cœur : The Owl House.

The Owl House va faire des émules à sa sortie, la série est acclamée par les critiques et par le public. Le souci, c’est que le public qui acclame la série n’est pas forcément celui qui est visé par Disney quand ils donnent du pognon pour ce show. Comme la série le dit elle-même à un moment « Et si on créait une chaine de télé qui vise les 6-11 ans ». Et visiblement ça a posé un souci à Disney puisqu’au moment où la saison 2 sort, une saison 3 est annoncée… pour dire que ce sera la fin de la série avec 3 épisodes de 44min au lieu d’être des épisodes classiques de 20min. Vraisemblablement ça a frustré la créatrice et les scénaristes aux vues des piques envoyées ça et là : « peut-être si on avait le temps pour 20 aventures supplémentaires ».

Alors comment en est-on arrivé là avec ces séries encensées de toutes parts ? Je ne sais pas, je n’ai pas la réponse. Disney ne comprend peut-être pas son public, est-ce que ces séries sont vues comme étant trop coûteuses et à risque ? Qui sait je ne suis pas dans la tête des execs, par contre je suis frustré de voir à quel point ça coupe l’herbe sous le pied à des séries qui avaient encore certainement beaucoup à proposer.

Parce que tout démarre bien dans The Owl House. On suit l’histoire de Luz, gamine excentrique qui a du mal à trouver sa place dans un monde qui ne la comprend pas et qui se retrouve dans un monde étrange et magique qui lui sied parfaitement. Elle décide d’y rester dans le but d’échapper à ce qui s’annonçait pour elle comme un camp de redressement.

A partir de là, la saison 1 se déroule de manière on ne peut plus classique. A chaque épisode sa petite aventure, sa découverte du lore et de l’univers avec une morale à la fin, qu’on voit souvent venir à des kilomètres. Mais là où Owl House tape juste c’est dans son héroïne. Enjouée, curieuse, feignant l’impression de n’avoir peur de rien, Luz semble parfaitement s’intégrer à ce musée des horreurs pour enfant. Tout comme Gravity Falls, la série s’amuse avec son côté horrifique dans le but de provoquer un frisson mais aussi un rire chez les enfants et adultes. C’est une des grandes réussites de la saison 1 d’ailleurs que de proposer un univers aussi étrange et attachant mais également cohérent.

Mais en plus de ça, la série va chercher à vraiment faire évoluer les personnages, à leur donner, au début, des caractères simples mais qui vont prendre en ampleur par la suite. La plupart des personnages vont avoir des chemins narratifs intéressants à suivre tout au long des épisodes et c’est franchement agréable de voir que certains que j’imaginais méchants au début, taquinaient juste par amour et se révèlent être adorables.

Mais j’ai surtout apprécié ce que Owl House a à dire sur son univers. Les magiciens et magiciennes de ce pays parlent un langage qu’ils n’ont pas spécialement besoin d’apprendre : celui de la magie. Or Luz est humaine et incapable d’utiliser cette magie. Alors elle apprend des glyphes et se met à parler le même langage que ceux qui l’accompagnent. En plus de ça, les scénaristes ont eu l’intelligence de ne pas démultiplier les glyphes mais au contraire de n’en avoir que quelques-uns qui se mélangent. Ainsi ils parlent d’unité dans le monde, comme quoi tous les éléments sont liés les uns aux autres et qu’il faut les comprendre et les maîtriser pour être capable de vraiment voir ce qui nous entoure. Le sujet n’est jamais vraiment traité en tant que tel mais c’est ainsi que je l’ai ressenti et pour moi ça se traduit dans ce que dit Eda : « Il faut que tu comprennes et t’imprègnes de l’île pour qu’elle te révèle ses secrets ».

Cela dit, la saison 1 pose énormément de bases intéressantes mais n’a rien d’incroyable non plus. On sent la mise en place de nombreux éléments intéressants mais pour l’instant on se cantonne à des éléments basiques avec des résolutions qu’on voit arriver de loin. A ce moment-là on a toutes les raisons de se dire que la série va continuer sur cette route. Après tout, les critiques et les fans sont là, pourquoi changer une équipe qui gagne ? En fait non, pourquoi ne pas améliorer une équipe qui gagne ?

Attention à partir d'ici je spoile quelques petits éléments de la saison 2

La saison 2 de The Owl House est vraiment géniale. Reprenant tous les éléments que j’avais apprécié dans la saison 1, la série enfonce la pédale d’accélération pour aller bien plus loin que ce que j’attendais.

L’évolution des personnages à la fin de la saison 1 laissait présager de belles choses pour la suite et ma plus grande réjouissance a été de voir qu’à aucun moment ils n’ont choisi la voie de la facilité. Les changements apportés à certains protagonistes sont permanents et les effets se ressentent sur le moral de tous. Ainsi les problématiques et morales des épisodes se complexifient. Les personnages doivent assumer, bon gré mal gré, leurs choix et, pour certains, ces dilemmes moraux deviennent centraux.

Luz est tiraillée entre son désir de rester dans cet univers et son envie de rentrer pour ne pas abandonner sa mère, Eda est angoissée par son incapacité à protéger ceux qu’elle voit désormais comme sa famille, voire sa progéniture,… Tous les personnages principaux se complexifient et se découvrent eux-mêmes à ce moment-là. La représentation LGBTQ+ dans la série traduit à mon sens toute cette complexité et les schémas narratifs des personnages. Terrace a dû d’ailleurs batailler dur contre les execs de Disney pour que ses personnages principaux soient ce qu’elle voulait qu’ils soient. Et de ce point de vue c’est réussi.

La saison 2 c’est aussi ce lore qui prend de plus en plus de place, cette pression mise sur les épaules des personnages qui devient extrêmement lourde pour eux à porter, c’est un arc narratif au rythme détonnant et aux révélations constantes. Owl House évolue, le status quo n’est clairement plus le mot d’ordre et ça donne du corps à tous ces évènements jusqu’à un final fantastique aux conséquences folles pour le monde.

Et puis il y a la saison 3, ces 3 épisodes qui viennent définitivement conclure l’histoire. En réalité, tous les éléments sont en place pour que le feu d’artifice final soit parfait. Mais à ce moment-là, l’ambition du show le rattrape. Après les 2 premiers excellents épisodes, le final n’arrive pas à tout conclure parfaitement.

Avec autant de personnages, de relations, de questions, il aurait fallu en réalité un épisode de 40min supplémentaire pour recouvrir complètement le spectre narratif tissé depuis le début de la série. Qu’on ne s’y trompe pas, j’ai beaucoup aimé cet épisode final. Il m’a offert toutes les sensations que j’attendais et offre aux 3 personnages principaux une conclusion qu’ils méritaient. Ce sont les personnages secondaires qui sont malheureusement un peu laissés sur la touche et ce malgré un généreux générique de 6min, je regrette que cette épilogue n’ait pas un épisode dédié tant j’aurais aimé avoir des conclusions plus longues sur nombre d’entre eux. De la même manière certaines idées de ce dernier épisode auraient pu être étirées sur 20min facilement. Du coup l’épisode final parait un peu facile et… c’est étrange mais j’avais cette même sensation sur Gravity Falls et Ducktales. Comme si rusher les créateurs vers la fin de leur série ne leur permettait pas de pleinement réaliser ce qu’ils aimeraient faire.

Bref c’est ainsi que se termine Owl House de mon côté, les yeux humides après seulement quelques jours de binge. Je me suis attaché tellement vite à ces personnages, à cet univers et à tout ce qui les entoure que je me retrouve à nouveau orphelin comme à la fin de Gravity Falls et Ducktales.

Alors que penser de ces séries dont les créateurs sont heureux d’avoir accouché de tels projets mais frustrés à la fin ? Hirsch quittant Disney en claquant la porte, les créateurs de Ducktales toujours acides de la fin de la série et une Dana Terrace vraisemblablement au bout du rouleau, j’en veux pour preuve le personnage qu’elle double vers la fin de la saison 2 et qui dit « Tu sais quoi ? Ça a été une année difficile et mon estime de moi-même est au plus bas. Je démissionne » ou encore ce « I’M DONE » écrit en majuscule, presque immanquable dans l’épisode final. Est-ce que Disney est conscient qu’il y a une niche d’adultes, comme moi, prête à consommer ce genre d’œuvres ? Est-ce que Owl House n’aurait pas été moins bon si ça avait été dilué ? Est-ce que Hirsch n’aurait pas été trop loin sans la censure de Disney ? Est-ce que Ducktales ne se serait pas perdu sur la longueur ? Peut-être, mais je ne peux que regretter que ces séries que j’adore n’aient pas pu aller jusqu’au bout du désir de leurs créateurs.

Je préfère regarder derrière moi, être content que ces shows soient là avec moi pour m’accompagner et me dire que bordel, je suis déjà tellement heureux que ces séries existent.

Parce qu’elles sont exceptionnelles.

Ray
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Créée

le 16 juin 2023

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15 j'aime

Ray

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