Mad men : une série qui se déguste.
Faut dire que comme son héros Don Draper, cette série est difficile à aborder. En effet, véritable esthète, elle s’offre un aspect lisse et léché mais glacé comme les pages d’un Vogue des années 1960. Pourtant sous ses airs distants et de gravures de mode se dissimule une série profonde, tourmentée et prenante.
Pour tout avouer, j’ai été rebutée par le Pilote, je trouvais Don Draper très antipathique, les scènes de sexes et d’alcool gratuites, je n’arrivais pas à me raccrocher à un seul des personnages et puis je trouvais l’ensemble trop mou, trop lent, trop contemplatif. Oui, on peut dire que je me suis ennuyée.
Puis, en voyant l’engouement de la presse et d’une de mes amies, je me suis relancée dans l’aventure un an après… et… je suis devenue accro.
C’est une série qui se laisse découvrir lentement mais qui au fur et à mesure des saisons se déploie et révèle une complexité et profondeur détonnant avec l’apparente futilité de l’American Way of Life des années 1960 qu’elle dépeint.
Chaque saison correspond à un ou deux ans des sixties : occasion de voir les mutations qui secouent la société tant au niveau de la mode (musicale, habillement…) que des moeurs et des mentalités (début de l’émancipation des femmes, lutte contre la ségrégation…).
Matthew Weiner s’attache au destin de Don Draper, un publicitaire de génie qui se débat entre ses infidélités, sa vie de famille, un passé trouble et sa joyeuse bande de collègues. L’évolution de la série est essentiellement centrée sur celle de ce personnage assez désabusé en quête de lui-même. Plus on avance, plus elle sombre dans une certaine noirceur et un désespoir de plus en plus latent.
Alors OUI, vu comme ça, ça fait CARREMENT pas envie.
Mais Mad Men ce n’est pas que DD, c’est aussi tout un ensemble de personnages, secondaires en apparence, extrêmement fouillés : les figures féminines sont magnifiques et s’imposent lentement mais sûrement comme les personnages forts du programme.( Joan Harris, Peggy Olson valent à elles seules le visionnage toutes deux brillamment interprétées.) En effet, longtemps bafouées à l’image des femmes des années sixties, elles s’avèrent visionnaires, modernes, aptes aux changements et finalement indépendantes contrairement aux hommes qui les entourent.
Ceux-ci semblent prisonniers d’un monde passé qu’ils se refusent à laisser s’éloigner. Cette différence se manifeste peut-être le plus symboliquement dans les modes vestimentaires : les femmes se libérant de leurs robes corsetées pour des tenues plus modernes et pratiques tandis que les hommes semblent maintenus dans le carcan de leurs costumes à la Clark Gable.
Les intrigues qui secouent la série sont extrêmement bien construites et surtout très peu prévisibles. Rien n’est jamais simple, évident et on est jamais à l’abri d’un retournement de situation. Les dialogues sont ciselés, grinçants, ironiques à souhait et drôles. Oui car on rit devant cette série.
Mais Mad Men c’est aussi un esthétique maîtrisée peut-être aussi importante que le fond. Chaque plan est travaillé, rien n’est laissé au hasard (les plans dans l’ascenseur sont souvent très métaphoriques), et le graphisme est à l’image de son époque.
Alors oui Mad Men c’est :
de l’alcool, des cigarettes, de l’alcool, les tourments de Don Draper, de l’alcool, des discours ultra-travaillés, des cigarettes, une super bande son, de l’alcool, une Peggy Olson revancharde, de l’alcool… mais tellement plus encore !