1978, c'est le drame: Peter Falk quitte l'aventure Columbo qui fête pourtant ses 10 ans d'existence.
Pour rattraper le coup, Richard Levinson et William Link ont une idée de génie: et si on racontait les aventures de Madame Columbo?
Bonne idée ou fausse bonne idée?
En résumé, un peu des deux...
Un Columbo au féminin, un Arabesque version jeune
L'idée est bonne à l'image du générique de la première saison de la série: une salle de séjour plongée dans l'ombre, des habits éparpillés par terre, un tisonnier qui traîne ... un meurtre se prépare? Non, car il s'agit du salon des Columbo que Madame Columbo range bien vite après avoir ouvert la fenêtre sur le grand jour, informant au passage le spectateur de ses rôles concomitants de mère au foyer et de journaliste.
Si à première vue, il y a de quoi faire grincer les dents des partisans des genders studies comme une craie sur un tableau noir ou celles baveuses des féministes de tous poils comme la mâchoire de l'Alien de Ridley Scott, Madame Columbo présente pourtant une femme égale à son mari et même supérieure à lui, puisqu'elle n'est pas policière et qu'elle ne passe pas son temps à se plaindre de son travail. Comme lui, elle cherche à comprendre comment les assassins ont fonctionné en les poussant dans leurs derniers retranchements. Contrairement à lui, elle éprouve - du moins de façon patente et sincère - bien plus de compassion. A la décharge du Lieutenant, ses antagonistes sont plus humains et plus victimes de leurs pulsions.
Journaliste, elle se distingue de son mari par un talent d'écriture qui la rapproche de l'héroïne campée par Angela Lansbury dans Arabesques (Murder, she wrotes), que le duo Link-Levinson ne créera que cinq ans plus tard.
Dans la première saison de la série - indubitablement la meilleure - Kate Colombo semble tiraillée entre Frank Bob Columbo et Jessica Fletcher et cumule les allusions aux aventures de son mari: une référence anachronique à l'épisode SOS Scotland Yard par le biais d'un appel de Londres, la Peugeot, le chien ainsi que des vedettes communes comme Robert Culp ou Donald Pleasance.
L'actrice Kate Mulgrew (Star Trek: Voyager) livre une prestation très intéressante bien que tiraillée entre ces deux personnages.
C'est là votre erreur, M'dame! ou l'Effet Saison 2 à la Cosmos 1999
Ce qui va réellement planter la série, ce n'est tant que le spinn-off n'arrive qu'en remplacement de la série originale.
Ce serait d'avantage ce que j'appellerai "L'Effet Saison 2 de Cosmos 1999".
Qu'est-ce à dire?
C'est à dire que la série change du tout au tout!
Pour commencer, la série quitte l'esprit de polar à procédure qui a fait la force de Columbo et de la première saison de Madame Columbo. Lui préférant le polar à énigme classique, la seconde saison ne reviendra qu'une ou deux fois à ce genre de polar de façon assez molle.
Le charme badin du petit journal de commune est bouleversé par sa folie des grandeurs: il s'est agrandi, rempli d'un nouveau personnel et son directeur aigri prend goût à faire du grand journalisme.
Un Sergent Mike Varrick (Don Stroud alias Mike Hammer et le méchant bondien Heller de Permis de tuer) vient jouer les jolis coeurs aux côtés d'une Kate Columbo assez différente.
Car Kate elle-même change, reprenant son nom de jeune fille qui frise le ridicule laissant comprendre qu'elle est de la famille d'un autre Inspecteur célèbre: L'Inspecteur Harry !
Mais le pire, sans doute le plus décevant - quoique logiquement et progressivement amené pour être présenté de façon le moins polémique possible - reste l'impardonnable
divorce entre Madame et Monsieur Columbo,
le choix narratif décisif qui a fait trancher les fans en la défaveur de la série.
Le côté obscur de Columbo
Ce qui gêne et peut même choquer, c'est cette contrainte de créer un spin-off sur les aventures de Madame Columbo sans faire apparaître Columbo. Il en résulte ce qui l'inverse de la série originale. Quand Madame Columbo semble être omniprésente dans les aventures du Lieutenant, une sorte d'ange gardien invisible, Monsieur Columbo brille par son absence.
Et même si Kate le présente comme un mari formidable, même si sa fille, Jenny, le trouve extrêmement gentil, le fait est là, grave et sans appel: Columbo est un père absent, obnubilé par ce travail qu'il critique tant et qui pourtant l'obsède au point de négliger sa famille et de la laisser seule face au danger.
Levinson et Link font pourtant tout pour atténuer la chose, une aigreur reste sur le coeur du spectateur qui ne verra plus Columbo de la même manière.
Ce qui est dommage car il aurait pu être à Madame Columbo ce Madame Columbo est à Columbo: un personnage adorable, omniprésent sans l'être à l'écran.
A-t-on besoin d'une Madame Columbo policière?
Pour éviter cet écueil, il eût fallu créer le spin-off en parallèle des aventures de Columbo et non en remplacement.
Mais surtout, il eût fallu les penser autrement. Pourquoi Madame Columbo devait-elle absolument mener des enquêtes? Pourquoi ne pas en faire une série moeurs, d'hôpital, d'espionnage? Pourquoi Madame Columbo ne serait-elle qu'un Columbo-like fémin contraint à
se défaire de son mari pour devenir un policier à part entière, à
donner dans le genre policier? Pourquoi ne pourrait-elle pas enseigner à la façon de Victor Novak, sauver des vies comme le Docteur Quinn, démêler des histoires d'amour à l'eau de rose du voisinage comme une Desperate Housewife, jouer les épouses modèles et empêcher le monde de s'embrase comme Sidney Bristow en l'absence de son mari? L'incapacité du duo Link-Levinson à donner dans la polygraphie, sans doute.
Et enfin, il eût fallu conserver ce qui fait l'essence même de Madame Columbo: le mystère! Avez-vous remarqué que Columbo ne porte pas d'alliance: affabulation ou divorce? Femme imaginaire ou ex-femme? C'est l'un des secrets du Lieutenant que l'on viole.
Parfois, il faut savoir ne pas toucher au hors-texte, à ce qui dépasse la clôture du film, pour laisser une part de liberté imaginative, créatrice au spectateur. Peut-être que le principal défaut de la série Madame Columbo est que nous n'avons pas besoin d'elle mais besoin de son absence.
Au reste, une série agréable des années fin 70's, si on la regarde dans l'esprit d'une série autonome.
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Notes:
En tant que série autonome: 8,5 / 10
En tant que Spin-off de Columbo: 5,5 / 10