Les créateurs officiels de Black Mirror, pas les auteurs qui ont repris la suite Netflix, l'ont dit : "Ecrire un épisode aujourd'hui est difficile tant notre réalité rattrape la fiction à une vitesse ahurissante". Compliqué donc d'envisager de nouveaux concepts ou de nouveaux gadgets technologiques pouvant susciter à la fois crainte et fascination au public. Compliqué oui, pour autant, les créateurs de séries s'y essaient encore et toujours. A l'instar d'Upload sur Amazon Prime, Made for Love fait le pari de la prémisse "High concept" orienté vers la technologie. Pari réussi ou énième tentative vaine de reprendre le flambeau ?
Les parallèles entre la série et notre réalité sont dès l'abord très nombreux. Google devient Gogol (et c'est très drôle quand on est français), son patron pose de la même manière que Steve Jobs et, bien les spots publicitaires nous vendent une vie rêvée et magnifiée par le prisme technologique. Autant dire que tout vient prendre le spectateur par la main et lui souffler à l'oreille "regarde, voici ce qui t'attends, toi qui offre ta vie à l'écran."
Au delà de la présentation de ce PDG sorti de nul part nommé Byron Gogol, on suit la tentative d'évasion de sa compagne Hazel Green, interprété par la désormais ultra bankable Cristin Miliotti.
Cette dernière, suite à un date à l'efficacité redoutable ayant donné lieu immédiatement à un mariage, essaie d'échapper à son narcissiquo-mégalomane de mari qui veut lui implanter une puce dans la tête, le but étant dans un premier temps de monitoré le moindre de ces gestes mais surtout, à terme, de fusionner leurs deux esprits. Prémisse high concept, j'avais prévenu.
On reprend donc le principe de la puce si cher à de nombreux auteurs actuels de science-fiction/anticipation, cette dernière étant décidément bien pratique pour tout un tas d'utilisations technologiques. Bon du côté purement applicatif et sur les bases scientifiques, on repassera. On part du principe que le PDG est un génie, donc forcément, ça fonctionne d'une manière ou d'une autre.
Le souci, c'est qu'à la différence d'un Black Mirror qui poussait dans la plupart de ces épisodes chaque concept technologique à son paroxysme, Made for Love (à l'instar d'Upload cité précédemment) n'effleure qu'un tout petit peu cette sphère. La puce est un prétexte et ne vient être qu'une vague caméra-micro-gps. Narrativement, les scénaristes ont réussi deux trois pirouettes en se servant de la présence de la puce pour éviter quelques inepties, mais trop peu souvent les rebondissements sont liés à cette dernière.
Nous est alors servi une soupe un peu fade, présentant chaque homme blanc soit comme un psychopathe incapable de changement, soit comme un toutou bien docile, soit comme un père abandonniste et vaguement désaxé (désolé mais emmener une poupée en plastique dîner, j'espère ne pas vivre assez vieux pour que ça soit considéré normal).
L'ensemble des personnages manquent cruellement de profondeur. Si l'épisode 8, dans un espoir non dissimulé d'obtenir une deuxième saison, laissent deux trois ouvertures sur la psyché de Byron le PDG, le tout manque cruellement d'émotions et de but. Les objectifs des scientifiques, des personnages secondaire sans saveur, sont flous et le scénario se débarrassera d'eux facilement. La relation père-fille se retrouve bien mal exploité et le duo Hazel/Byron n'offre pas grand chose à questionner.
La réalisation quant à elle s'en tient au strict minimum. L'efficacité toujours, comme celle par laquelle jure notre cher PDG.
Billy Magnussen et Cristin Miliotti tirent, comme ils peuvent, leur épingle du jeu et on sent, malheureusement, que la série est avant tout un pari économique.
D'un côté, des figures montantes pouvant assurer un audimat, de l'autre un sujet en vogue (féminisme + anticipation technologique, ça semble être un joli combo). Résultat, on a un produit, pas une production. Comme les centaines d'objets que Gogol veut imposer dans les foyers. Oh, l'ironie.