Made For Love, c'est un peu un concept inspiré d'épisodes de Black Mirror et développé dans ses moindres retranchements sur une durée longue appropriée. On peut ainsi y voir des similitudes avec les trames de "Arkangel", puis "Be Right Back" et "Black Museum". HBO signe là une brillante comédie noire de SF, supervisée par Patrick Somerville notamment (à qui on doit Station 11). Tout commence par cette femme d'un entrepreneur milliardaire de la Tech qui s'échappe de leur résidence, après dix ans de vie en autarcie dans un cadre en réalité virtuelle, et découvre que l'homme dont elle veut divorcer - pervers narcissique - lui a fait implanter une puce permettant de la tracer, connaître ses émotions, et partager ses sens.
C'est totalement absurde et délirant, empruntant la voie de shows tels que The White Lotus et Utopia, en réalisant une satire des entrepreneurs en marge des normes sociales et des excès de l'ultra-connectivité technologique, dans une avalanche de répliques cinglantes et sarcastiques. Par ailleurs, la bande-son de Keefus Ciancia rappelle régulièrement l'excentricité addictive des compositions iconiques de Tapia de Veer ; ce qui ne fait que renforcer le caractère ubuesque de la série. Néanmoins, il y a une écriture brillante des relations qui s'extirpe de ce scénario tout aussi drôle et touchant que malin, révélant l'impact de la détresse et solitude émotionnelle sur des profils variés, et leur façon d'y faire face. La première saison aborde ainsi le sujet via le couple phare Hazel/Byron, mais aussi dans la réconciliation entre Hazel et son père. La saison 2 est, quand à elle, encore plus barrée dans l'affranchissement des limites de l'amour et l'intelligence artificielle.
Notons les interprétations exceptionnelles de l'ensemble du casting, que ce soient les leads Cristin Milioti et Billy Magnussen, ou même les rôles secondaires très attachants grâce à Ray Romano et Caleb Foote, entre autres. La série se dévore de son rythme frénétique et fluide, réparti en huit épisodes de 30min par saison. La mise en scène arbore un ratio cinématographique en 2.39 et se montre très chiadée, jouant avec les apparences et rappelant parfois Severance pour son ambiance psychotique. Malheureusement, son annulation nous prive de la résolution d'une intrigue qui aura accaparé une bonne partie des derniers épisodes, en prévision d'une prolongation justement, mais sans destituer la trame principale d'une conclusion.