Nomade's land

Sur le papier, tout va bien, la promesse est alléchante. Un budget démesuré, des paysages grandioses, un fond historique passionnant, un casting international de seconds couteaux, des asiatiques en kimonos, des peaux de bêtes, des chevaux, une civilisation mongole pratiquement jamais vue sur les écrans et un superbe générique. Il y avait de quoi en faire un Michel Strogoff nouvelle génération de grande envergure.

Sur l'écran, le résultat est plutôt étrange et la sauce ne prend jamais vraiment tout à fait. En sortant d'une séance mi-figue mi-raisin du Hobbit 3ème acte, on est assez content de voir que paysages ne sont des aquarelles lavasses , que les foules de soldats ne sont pas générés numériquement (sauf pour quelques plans d'ensemble), que la déco et la lumière sont très soignés et fait pas trop restau chinois à la sortie de l'autoroute A6. Le plus étrange est d'entendre tout ce beau monde parler anglais avec leur plus bel accent américain standard. Et surtout Marco Polo. Quiconque a jamais tenter de parler anglais avec un Italien comprendra à quel point cet accent est impossible, surtout pour un vénitien.

Bref, s'il n'y avait que ça, on dirait que je fais la fine bouche devant mes pâtés impériaux. Il y a trois autres problèmes.
Le scénario d'abord. Le premier épisode est laborieux, essayant de ramasser trois ans de voyage et d'initiation en espèce de spot pour inciter à faire des treks en Asie Centrale. Ensuite, une fois arrivé dans la capitale du grand Khan, l'intrigue se ressert essentiellement sur des complots dans des salles mal éclairées avec quelques chevauchées au milieu pour rappeler que la Mongolie c'est plat, grand et herbeux. En terme d'intrigues, le suspens n'est jamais intenable et les intrigues ont tendance à se dégonfler rapidement par des résolutions étranges et un peu stupides pour des personnages supposés comploter habilement depuis toujours (SPOILER : la tentative d'assassinat de l'impératrice par exemple). Le milieu de la série ressemble à une partie de Cluedo pas très passionnante, pour savoir qui tire les ficelles, intrigue qui se résorbera d'elle-même à la plus grande frustration du spectateur.

Le deuxième problème, et le plus déconcertant, est que la plupart des personnages secondaires sont construits sur des clichés d'asiatiques tout droit sortis de Tigre et Dragon et autres Secret des Poignards volants. Ils sont tous là : le bonze maître d'arts martiaux aveugle bien évidemment, la perfide putain qui tue les gens avec des épingles à chignon (il manque l'éventail plein de fléchettes empoisonnées), des ninjas pas très causant, la princesse combattante du désert toute de cuir vétue, le perfide chancelier qui joue avec des mantes religieuses et qui caresse sa collection de coquetiers en porcelaine pour un oui ou pour un non, la princesse en détresse en kimono, et mon petit préféré, le prince héritier avec son petit air de Michael Jackson héberlué croisé avec un personnage de shojo manga... Le prétexte de découverte historique de l'ensemble s'efface bien vite pour retourner en terrain connu de combats sur tatami et autres conciliabules en chignon autour d'une tasse de thé vert.

Enfin, le troisième problème, c'est la faiblesse du personnage principal, le bien nommé Marco Polo qui nous sert de point d'ancrage. S'intégrant trop vite au monde mongol (en même temps si tout le monde parle anglais, c'est normal), maitrisant sans trop de problèmes les arts martiaux et la calligraphie, son rôle est de servir d'observateur pour le Grand Khan mais dans les faits, il passe plus son temps à dire des platitudes et à pleurnicher sur son père qui l'a laissé en rade en échange d'une carte de télépéage en or pour aller échanger des verroteries contre des soieries... C'est dommage, le jeune oison aurait mérité d'être un peu plus roublard. Il est vénitien que diable, il a l'habitude de rançonner les touristes pour dix minutes de gondole...

Voilà, une série sympathique, pleines de qualités esthétiques avec de très bons acteurs, mais demanderait encore un peu plus d'originalité et plus d'ambiguité dans le traitement de ses personnages. On n'a plus qu'à espérer qu'elle puisse s'étoffer pour la deuxième saison, c'est quand même le minimum pour une série qui traite du commerce de la soie...