Comment gifler violemment le spectateur avec quelques épisodes sortis de nulle part?
Ca, c'est manifestement un truc que maitrise Netflix. Déjà House of Cards s'est imposé en un ou deux épisodes comme un incontournable total, et Daredevil nous refait le même coup.
Qui ne connait pas Daredevil ? Beaucoup de monde ? Ah ? Bon. Matt Murdock, alors enfant, perd la vue dans un tragique accident, et acquiert par la magie des substances radioactives qui peuplent l'univers Marvel une acuité surnaturelle des autres sens. Devenu adulte, ayant perdu son père dans des circonstances tragiques, il décide de nettoyer Hell's Kitchen du crime qui gangrène le quartier, le jour en tant qu'avocat... la nuit comme justicier. Et il aura fort à faire, les différents cartels étant aux mains d'une seule et même personne, Wilson Fisk, impitoyable et suffisamment riche pour avoir la moitié de la ville à sa botte...
Je n'ai pas encore eu l'occasion de m'intéresser au travail de Frank Miller sur le personnage, qui l'a complètement redéfini à l'époque alors qu'il était parmi les moins populaires de Marvel pour en faire un personnage torturé évoluant dans un monde noir. Du Frank Miller donc. Mais je le ferai dès que je peux, nul doute que ça en vaut la peine.
Donc, les premiers épisodes, comme beaucoup de gens, m'ont conquis, en particulier un superbe (probablement faux mais on s'en fout) plan-séquence fin du deuxième épisode qui est d'une classe folle. Happé par la série, j'ai donc continué, frissonnant devant l'interprétation toujours au top de Vincent D'Onofrio campant un Wilson Fisk inquiétant (mais curieusement un peu trop unidimensionnel). Et... bah y a quand même des trucs qui gênent.
Déjà, c'est flou. Par là j'entends que vous avez intérêt à pas manquer une ligne de dialogue (et la série est très bavarde), sous peine de ne plus comprendre ce qui se passe. Les fourberies de Wilson Fisk ne sont pas simples à comprendre (je suis toujours pas sûr d'avoir capté son master plan d'ailleurs mais bon), et l'on se tape de longues séquences de gestion de cartels, de discussions juridiques... sans que ça semble vraiment se justifier en fait, et c'est ça qui est vraiment le problème. S'il y avait vraiment quelque chose à capter, de la subtilité, d'accord, mais fondamentalement il se passe pas grand chose. Beaucoup de bla-bla inutile, donc. Choix étonnant. Dommage, l'idée de suivre Matt Murdock en tant qu'avocat n'est pas mauvaise du tout, c'est infiniment plus intéressant que de supporter chez la concurrence Oliver Queen se taper des potiches et broyer du noir sur son passé qui se rallonge sans cesse. Mais voilà, c'est mal géré.
Autre chose, les combats. Passé les premiers épisodes, les scènes d'action deviennent vite fades et génériques, au grand désarroi du spectateur qui se sent dès lors un peu grugé. Okay le cascadeur qui fait Daredevil nous livre quelques pirouettes ridiculement aériennes, mais ça accroche pas. La faute à un cadrage sans doute un peu trop descriptif, et à un script vraiment trop simpliste pour ces scènes. Étonnant.
Ce qui est triste c'est que ce n'est pas le cas de toutes les scènes d'action, y en a des belles, très belles. Mais une sur deux, facilement, est juste parfaitement oubliable et oubliée.
Néanmoins, Daredevil marche bien. Très bien même. Les personnages, bons comme mauvais, sont attachants et assez crédibles, les dialogues sont généralement bien écrits (mention spéciale au prêtre qui réussit à casser intelligemment les stéréotypes et à complexifier à lui seul le personnage de Daredevil), et puis quel plaisir d'avoir une série de super-héros enfin correctement réalisée (parce que généralement c'est surtout des bouses sous-financées cherchant à capitaliser à bas frais sur la fanbase).
C'est amusant car Daredevil porte bien son nom. Le défi qu'a relevé Frank Miller en modernisant le personnage était très audacieux, et réutiliser le personnage en 2015 pour une série à budget conséquent était également un gros défi de la part de Netflix. Finalement, c'est peut-être bien la philosophie de la série : il faut oser.