Jamais marathon de série n'aura aussi bien porté son nom. À bout de souffle, un goût de fer dans la bouche, la saison 1 de Daredevil m'a mise K.O. Et comme une drogue dure, me donne l'irrémédiable envie d'enchaîner maintenant, tout de suite, sur la saison 2.
Daredevil serait-il en passe de devenir mon personnage Marvel préféré ? Pas impossible. Le postulat de départ promettait un héros à l'épreuve de tout : un aveugle badass qui sait mieux s'orienter dans un immeuble désaffecté que toi dans Paris avec un GPS. Il entend les balles arriver avant même qu'elles ne soient sorties du flingue, détecte les mensonges en écoutant les coeurs, escalade les toits avec la facilité d'un assassin de la franchise Ubisoft. Et pourtant, personne n'est plus humain que Matt Murdoch. Dès le 2e épisode, on le retrouve quasiment HS, le corps brisé. Il faut voir aussi les coups qu'il se prend. Gros point fort de la série, les combats chorégraphiés à la perfection sonnent vrais. Pas de méchant éliminé en un coup de poing fulgurant. Daredevil galère, malgré ses aptitudes uniques. Parfois c'est long. Très long. Le sang coule en gros plan. Les jambes tremblent un peu. Le corps prend appui contre un mur. La respiration se fait haletante. Le t-shirt prend cher. L'homme aussi.
Je me suis découvert une véritable empathie pendant le visionnage. Sursautant sur mon canapé pendant un combat vs un ninja (le bruit des chairs qui se déchirent, tout ça), le milieu du marathon se faisait éprouvant. Il faut dire que l'ambiance globale de la série y est pour beaucoup. Tout est sombre, au mieux verdâtre, comme pour nous mettre à la place du diable de Hell's Kitchen. Et en même temps, est-ce bien la peine de la voir, cette ville crasseuse et suintante comme la décrit si bien Wesley ?
Parlons du coup des autres personnages. Un galerie fournie, psychologiquement bien ficelée - même si on se serait bien passé de quelques flashbacks convenus - qui se fait dégommer au fur et à mesure. Pas beaucoup de renouvellement de casting prévu (et quel casting ! Aucune erreur là-dessus) et en même temps, pourrait-il en être autrement ? Tout à Hell's Kitchen est violent, les morts, les interrogatoires sauvages, les intrigues, les histoires d'amour naissantes aussi. Aucun temps de répit, aucun temps mort, même dans les conversations. Tout ce petit monde est empêtré dans ce quartier gluant et sinistre qui les tire vers le bas, et bien souvent, on se dit que personne ne va s'en sortir. Même pas nous, pauvre spectateur.
Au final, Daredevil est plus une série policière qu'un énième hymne aux super-pouvoirs. Et ça fait du bien. Pourtant, il en fallait de la virtuosité pour me faire accrocher à ce genre qui ne m'attire pas. Fort heureusement, les showrunners nous évitent le procedural que je craignais, à savoir "un épisode, une affaire pour le cabinet Nelson & Murdoch, Avocados in law." C'est encore et toujours la même histoire tentaculaire, qui s'insinue partout, jusqu'à une pauvre locataire hispanique qui n'a rien demandé à personne. La faute à ce méchant d'une crédibilité perturbante - seul bémol à mon sens, sa vraie motivation que je n'ai pas saisie - aussi brut que sensible. Le bougre se paye même une love story à laquelle Matt Murdoch n'aura lui jamais droit (pour l'instant)
Daredevil éclate tout sur son passage : le genre estampillé "super-héros" donc, mais aussi le mythe de la demoiselle en détresse, la bonne vieille moralité catholique, le comic relief qui prend en effet du relief, la super-virilité habituelle des protagonistes (a-t'on déjà vu un héros pleurer autant pour de vraies raisons ?) mais surtout la charte habituelle de Marvel qui se gave d'humour parfois passe-partout. On ne se marre pas dans Daredevil. On esquisse quelques rares sourires, aussi rares que ceux qui traversent le visage de son personnage principal.
Quelques défauts m'empêchent de mettre un franc 10/10 : la scène de Parkour un peu trop tape-à-l'oeil, l'ambiance sonore qui aurait pu être plus léchée, les flash-backs poussifs etc... Ah, et aussi le costume final. Mon dieu, que Daredevil en jetait dans ce costume noir commandé à la va-vite sur internet, le bandeau cachant ses yeux inutiles pour mieux dévoiler sa mâchoire serrée. La bouche de Charlie Cox, voilà mon ultime argument.