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Echelle du spoil 7/10


Jessica Jones est la seconde série Netflix estampillée Marvel. J’avais été pas mal enthousiasmé par Daredevil car même si elle s’essoufflait légèrement sur la fin, la réalisation et le niveau d’action de celle-ci parlaient pour elle. Je me suis donc plongé sans trop d’appréhensions dans l’univers de Jessica Jones. Je ne sais pas s’il est utile de le préciser, mais je n’avais jamais entendu parler d’Alias, le comic dont la série s’inspire (mais après visionnage, j’ai tout de même une bonne envie de m’y plonger).


J’ai aimé Jessica Jones, la série est résolument originale dans son approche et donne à chaque personnage le temps de briller. Le seul problème pour ma part est que la série fonctionne mieux dans ses métaphores qu’en tant qu’histoire.
Je m’explique. Le thème principal de Jessica Jones est le traumatisme, petit ou non, qu’il nous aide à devenir de meilleures personnes ou nous détruise à jamais. Et si chaque personnage est un proxy pour présenter une manière d’aborder le trauma et fonctionne seul, le fait de les faire coexister entre eux affaiblit quelque peu le récit.


Toute la série est portée par la formidable Krysten Ritter. Elle joue Jessica Jones, notre héroïne dotée de super-force et profondément autodestructrice. Cela n’a pas toujours été le cas et cette volonté d’autodestruction trouve sa source dans le traumatisme qu’elle a subi face à Killgrave, un maniaque pervers capable de vous soumettre à sa volonté au son de sa voix. Jones est une approche rarement entrevue du super-héros, elle est autant capable de changer votre vie pour le meilleur que pour le pire. L’une des motivations pour continuer à regarder la série et de savoir comment Jessica va finalement composer avec son passé : va-t-elle le transformer en force pour continuer à avancer ou complètement sombrer ?


Chaque personnage rencontré sera une réponse possible à cette question. Et c’est peut-être ça que je reproche à Jessica Jones, une trop grande abondance d’étude de cas et une histoire qui a du mal à avancer. Certains, comme Malcolm, marchent parfaitement. Eka Darville livre une bonne performance en faisant évoluer ce junkie (qui aurait très bien pu être le personnage sacrifiable de base, mais non les scénaristes ont eu l’intelligence d’en décider autrement) vers la rédemption. Pour surpasser son trauma, Malcolm se transforme en travailleur social et médiateur d’un groupe de soutien. La sœur adoptive de Jessica, Trish Walker fonctionne aussi très bien, elle compense son enfance difficile en ayant en main sa vie (d’une manière dont Jessica peut seulement rêver). Elle est très intéressante d’une part comme cas d’étude : la manière dont nos parents sont vecteurs de traumatisme mais aussi comme personnage. J’adore cette dualité envie/admiration qu’elle possède face à Jessica, elle la pousse à devenir un héros car elle-même ne pourra jamais vraiment prétendre à ce rôle. Trish n’est pas seulement un outil pour les scénaristes afin de faire avancer l’histoire, on croit à sa vie en dehors de l’histoire de Jessica Jones.


Si j’insiste sur ce point, c’est parce que d’autres personnages n’ont pas cette combinaison pour eux. Soit ils échouent comme cas d’étude, soit ils ne sont que des outils pour l’intrigue. Luke Cage est par exemple un peu des deux. Je ne renie pas l’alchimie qu’il possède avec Jessica, on croit en leur relation et chaque moment partagé entre eux a ce petit quelque chose. Cependant, la manière dont il compose avec le deuil est à peine effleurée et il me semble parfois vraiment peu à sa place dans l’histoire (comme si on l’introduisait pour une série à venir, oh wait…). L’agent Will Simpson a quelque chose d’intéressant thématiquement parlant, après avoir été contrôlé par Killgrave, il sombre peu à peu dans la vengeance. Cela pourrait être intéressant mais je n’ai vraiment pas adhéré à cette histoire de pilule pour super soldat, ça faisait plus construction pour la saison 2 qu’autre chose.


Jessica Jones touche à pas mal de choses avec plus ou moins de réussite : consommation de drogues, trauma, viol, divorce… C’est d’une très grande richesse et un vrai pas en avant pour le monde des séries.


Killgrave aurait donc pu faire un peu tâche dans cette série forte en thématiques. C’est avant tout un méchant du Silver Age des comics, un peu ridicule et pas vraiment pensé à fond lors de sa création. Pour le coup, Melissa Rosenberg, la créatrice de la série, a totalement réinventé le personnage. Killgrave est le personnage qui fonctionne le mieux avec Jessica. Il est ce méchant manipulateur dans sa série mais je ne m’étonnerais pas si quelques spectatrices l’associent à leur ex-petit ami manipulateur et capable de chantage affectif. Killgrave c’est un stalker, une putain de métaphore qui s’inscrit parfaitement dans la série. Il n’est pas profondément méchant, il essaye juste de ``reconquérir’’ Jessica, de la pire des manières, en infiltrant sa vie, en manipulant ses proches et en confessant son grand amour pour elle de la manière la plus dérangeante qui soit. Quand il dit que tout ce qu’il a appris en matière de relation amoureuse lui vient de la télé (un peu comme nous), je me remets sacrément en question.


Ce méchant a aussi une construction très intéressante, passant de ce mal insidieux, immatériel à cet être tout à fait humain. Comme tous les personnages, Killgrave cherche à exorciser ses douleurs passées. On en vient presque à l’aimer et le comprendre… jusqu’à ce qu’il pète complètement les plombs sur la fin et deviennent salement, salement malade. C’est peut-être juste un point de détail, mais lorsqu’il se trouve dans une prison de verre, cela ne fait pas parti de son plan (coucou Loki et consorts), il doit s’adapter pour trouver un moyen de s’échapper, comme un humain.


Tennant est monstrueux dans le rôle, plein de charisme et délicieux avec son accent british. Il est aussi totalement creepy par moment et donne une vraie personnalité à Killgrave. Toutes les scènes qu’il passe avec Kristen Ritter dans la maison de son enfance sont odieusement malsaines et maintiennent en haleine. Le show va constamment questionner le spectateur. Comment arrêter Killgrave ? Le tuer sera-t-il la seule solution ? Le final donne une réponse satisfaisante de mon point de vue. J’ai dû m’y reprendre à deux fois pour bien comprendre mais j’étais globalement content.


Voilà pour le fond. Pour la forme j’ai été la plupart du temps séduit. Jessica Jones reprend les codes du noir de façon sérieuse et appliquée. Le tout est bien filmé, je reprocherai cependant aux scènes de combat d’être trop chaotiques. Certes Jessica et Luke Cage sont des tanks mais être plongé dans le chaos et être complètement perdu enlève une bonne part de plaisir. En terme de structure d’épisode, c’est aussi très bon. Chaque épisode commencera un nouvel arc qu’il conclura dans celui-ci, tout en faisant avancer la trame principale (chose de plus en plus rare j’ai l’impression). La série ne se prive pas de séquences fortes, je retiendrai particulièrement la scène dans le commissariat, plus que glaçante.


Jessica Jones offre donc beaucoup de promesses pour la suite. C’est une série moderne loin des clichés et très fun. Elle propose des thématiques peu vues d’habitude ou effleurées, on peut remercier grandement Melissa Rosenberg pour ça. Je retiens que par moment la série a été presque parfaite mais qu’en tant que tout elle a quelque peu peiné. Je recommande grandement son visionnage.

Arnaud_Mat
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le 29 déc. 2015

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Arnaud Mat

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