Des séries (Marvel) que je binge-watch sur Netflix, Marvel's Luke Cage est celle dont j'attendais le plus. Celle qui, tout en dépeignant un Harlem de fiction, devait refléter les difficultés d'un jeune noir-américain vivant dans notre monde bien réel, à une époque où porter un sweat à capuche peut (entre autres choses) signifier être une cible de plus pour un crime bien souvent impuni. Une série qui, après Jessica Jones et son rejet d'un univers patriarcal qui l'étouffe ou Daredevil combattant aveuglément les crimes que beaucoup se refusent à voir, se devait de dévoiler la réalité d'un monde injuste où être noir signifie aux yeux de certains être dangereux (et/ou coupable). Pari à moitié réussi.
"I don't need a gun. I am the gun." Les séries n'ayant pas vocation à être politiques (pas même sur Netflix), Luke Cage n'a, aux dires de ses créateurs, pas été conçu comme un personnage "Black Lives Matter". Dans un contexte social où toute une génération d'afro-américains se dit fatiguée de se demander si une panne d'essence sur l'autoroute les mènera à la morgue sans passer par la case bénéfice du doute, la série ne se fait d'ailleurs que timidement l'écho de leurs frustrations. Le showrunner, Cheo Hodari Coker, présente son personnage ainsi : "He's just a black man who's bulletproof". On ne se demande jamais vraiment s'il mérite ces balles qui le criblent, on sait seulement qu'il y réchappe. Encore, et encore. Bilan pour Luke Cage : aucune contribution dans le débat, aucune symbolique, beaucoup de clichés... Entre un protagoniste fuyant et des méchants timorés, difficile pour le spectateur de se sentir concerné.
La saison 1 nous offre d'ailleurs pléthore d'antagonistes. D'un côté le trio Cottonmouth-Mariah Dillard-Shades, de l'autre, le rancunier Diamondback. Ajoutez à ça des flics ripoux, des flics soupçonneux mais à côté de la plaque et des flics attentistes — dans le désordre Misty Knight, Rafael Scarfe, Priscilla Ridley — et vous obtenez des personnages inégaux, qui ne valent pas grand chose les uns sans les autres, et guère beaucoup plus une fois les uns avec/contre les autres. À trop se tirer dans les pattes, ils n'en laissent que très peu à Luke, qui lui s'en sort souvent (pas toujours, donc) un peu trop facilement : "You can't fix me. I'm unbreakable.". En effet. Ces méchants sont d'ailleurs à plusieurs reprises la cause de lenteurs et de confusions. Entre des flashbacks peu éloquents (+1 malgré tout pour la chanson Son of a Preacherman glissée in extremis dans l'un d'entre eux), des dialogues à n'en plus finir (environ 3 minutes pour chaque scène), et des clichés qui auraient facilement pu être évités (Un barbershop à Harlem ? Abel et Caïn ?), il semblerait que la narration tourne en rond.
Il reste bien sûr à Luke Cage quelques éléments intéressants, suffisamment en tout cas pour justifier mon 6/10 malgré des épisodes relativement inégaux entre eux, et en eux. Comme dans Daredevil (qui ne m'avait pas convaincue non plus, il faut l'avouer), le personnage de Claire Temple est juste ce qu'il faut de loyal et de touchant. Le casting est très bon, avec Mike Colter, Mahershala Ali, Alfre Woodard en tête de peloton. La mise en scène est elle aussi surprenante — surtout en intérieur : ce portrait rouge sang de Biggie portant une couronne vaut bien quelques applaudissements. La B.O, enfin, tombe juste à chaque fois ou presque.
(Mention spéciale pour les caméos de Raphael Saadiq, Method Man et Jidenna.)
Pas sûr ce que je donne une chance à la saison 2, mais d'ici là, Marvel et Netflix ont Iron Fist pour me convaincre... La suite en Mars, donc.