*contient du spoil*
Successeuse spirituelle de Band of Brother et The Pacific, la mini-série produite par Tom Hanks et Spielberg se concentre cette fois les équipages des bombardiers B-17, chargés depuis le Royaume-Uni de bombarder des cibles stratégique en Europe.
Globalement correcte, la série est imparfaite et inégale dans sa mise en scène, même si les scènes en avions sont lisibles et efficaces. Les personnages ressemblent parfois à des caricatures de personnage de films de guerre des années 1940-1950. Surtout, le récit donne souvent l'impression d'une série de vignettes déconnectées, montrant tous les passages obligés lorsqu'on évoque ce sujet scolairement (Missions, deuil, PTSD, captivité, Shoa, filières d'évasions, explication de la "grande stratégie" à un personnage censé l'ignorer...) parfois au mépris de la cohérence du récit. On a un peu plus le sentiment de suivre une même unité que dans The Pacific, mais nettement moins que dans Band of Brother. A cela s'ajoute quelques bizarreries narratives. Par exemple, le 5ème épisode (le meilleur à mon avis) prends le temps de montrer par une longue scène introductive, comment fonctionne un B-17 en vol, et qui y tiens quel rôle. C'est très bien, mais pourquoi ce n'est pas dans l'épisode 1 ?
Pour la première fois devant une œuvre, j'ai eu le sentiment de faire face à la "diversité forcé" qui obsède les incels contempteurs de Netflix. Enfants handicapés physiques et mentaux, soldats racisés, femmes fortes... Tout est là, parfois de manière caricaturale, surtout compte tenu de la réalité peu inclusive de la société des années 1940.
Ainsi, les Tuskegee airmens, seule unité de pilotes noirs dans une US army soumise à la ségrégation raciale, tombent comme un cheveux sur la soupe au milieu de la série. Ils sont vaguement introduits lors d'un épisode, puis raccrochés à la trame principale au chausse-pied (à ce compte là on aimerais une série qui leur est consacré, et qui puisse traité en profondeur du sujet). Le dernier Stalags allemands regorgent de troupes coloniales Indienne ou Africaine (notamment de Tirailleurs sénégalais, historiquement détenus hors du territoire du Reich). De même que l'amante britannique de Crossby, mystérieuse femme forte à la répartie acerbe, se révèle être une espionne, et non une simple auxiliaire féminine de l'armée. Révélation faite le temps d'une scène en France, aussi hors-sujet qu'expédiée, et plutôt ridicule quand on maitrise le Français, parce que ce n'est clairement pas le cas de notre espionne. Les autres Britanniques, pour une raison qui m'échappe, en prennent pour leurs grades. Ingrats, moqueurs ou méprisant vis à vis des braves boys venu les sortir de là. Il faut dire qu'ils bombardent de nuit ces imbéciles, pour éviter les pertes, donc ils sont nettement moins précis dans leurs bombardements.
Sur la précision justement. Le bombardement stratégique est aujourd'hui l'un des plus contestable aspect de la guerre mené par les alliées occidentaux, tant en terme d'efficacité que de victimes collatérales. La question est évoqué de loin en loin dans la série, notamment via le personnage de John Egan. D'abord dans une scène de coucheries avec une pin-up polonaise (à l'esthétique douteuse) ou dans ces déambulations dans Londres récemment bombardé. Plus loin, un autre pilote proteste auprès de lui, quant au bombardement d'une gare allemande, située prêt d'une cathédrale, un dimanche en fin de mâtiné, donc en pleine sortie de la messe. Lorsqu'il est abattu au dessus de l'Allemagne, Egan traverse une ville bombardé, observe les dégâts sur les populations civiles, puis est lynché avec ces camarades par une foule de civils allemands en colère...
Le dernier épisode, en guise de conclusion envoi valdinguer tout ça. Après avoir été abattu au dessus de Berlin début 45, le personnage de Rosenthal atterri derrière les lignes soviétiques. Récupéré par l’Armée Rouge, il découvre alors la réalité des camps de la mort (en 3 minute montre en main, la ou Band of Brother y consacrait presque un épisode). Revenu dans sa base américaine en Angleterre, Rosenthal discute avec un collègue confronté à la naissance de son futur enfant. Ce dernier cite Nietzche en regardant un feu de cheminé, bourbon à la main (oui, je sais...) et exprime ses doutes sur "tous ces morts" qu'ils ont causés. Rosenthal le reprends, certes ils ont combattus avec "la méthode dure" mais ils combattaient des monstres donc c’était justifié: "Mais il le fallait. Il n'y a pas d'autre voie. crois moi. Vu les horreurs qu'ils commettent. Ils l'ont bien mérité [...] Crois moi". Pas de réplique, fondu, fin de la scène, on en reparlera plus jamais. Nuls doutes que la fillette, réduite à l'état de pantin désarticulé, sortie des ruines d'un ville allemande quelques épisodes plus tôt a sa part de responsabilité dans la Solution finale. A partir de là, pas de traversée de villes européenne en ruines, ou d'évocation du destin de Dresde. Le sujet est clos jusqu'à la fin de l'épisode, et donc de la série.
On relit alors différemment l’ellipse comique de l'épisode traitant des bombardement au dessus de la France en préparation du D-DAY. Comment justifier les 570 730 tonnes de bombes et les 72 000 civils morts sous les bombes alliés, en France, quand on ne peut pas sortir la Shoa en Joker. Et de fait, la série ne montre que des bombardement au dessus de l'Allemagne (à l'exception d'une cible purement militaire en Norvège, à l'épisode 2).
Il ne s'agit pas d'espérer un brûlot anti-américain, ni même une critique acerbe du bombardement stratégique, mais au moins, 80 ans après les faits, une réflexion, une ambiguïté morale, ou simplement le traitement de la question.
Que nenni ! On se retrouve avec un énième hommage mielleux à la Greatest generation, ou les enfants hollandais reçoivent l'aide alimentaire larguée par avion en écrivant "Thanks yanks' dans les champs de tulipes. C'est beau. Et tout ça se termine, comme attendu, par un powerpoint mémoriel sur une musique mélancolique pour nous expliquer la vie et le destin de chacun de ces personnages après guerre.
Une belle occasion manquée de traiter la question donc, étouffé par un mémorialiste déférent, que rappel autant la dernière scène dans le stalag que le générique d'intro un peu ridicule. Dommage.