"Le destin se moque de nous !"
Je ne sais plus où j'ai entendu cette expression : "Tout comme il y a une poésie de la bougie, il y a une poésie du néon." Hé bien, dans Mawaru - Penguindrum, il y a une poésie du quotidien. Deux gobelets avec des brosses à dents et vous avez la vie. Un robinet qui goutte, c'est une fillette qui pleure. Quelques plaques de tôle peinturlurée et vous avez un foyer. Une écharpe reliant deux cous, voilà une famille...
Mais c'est si dommage que tout cela soit noyé dans une prétention peut-être un peu trop grande.
Alors, Penguindrum. Pour ceux qui l'ignoreraient, le titre complet signifie "Rotation autour du tambourin du pingouin". Autant dire, rien du tout. C'est bien pratique, puisque l'anime tout entier, à première vue, est incompréhensible. Autant visuellement que narrativement. Les thèmes brassés sont trop nombreux, la complexité trop grande. Et le final qui se veut en apothéose ne résout rien. Alors, autant lancer à fond les petites cellules grises. Et c'est parti, que commence la stratégie de survie face à l'un des anime les plus audacieux de la décennie.
Je pourrais citer, dans les thèmes abordés, le destin, bien sûr, qui est sans doute le mot le plus répété de la série (mais ce n'est qu'un prétexte), mais aussi la dénonciation de la condition des femmes au Japon (Oginome Ringo veut devenir femme au foyer - c'est le destin - elle suivra la voie tracée par sa sœur - jusqu'à l'horreur la plus indicible ?), les enfants non désirés et l'avortement ("voici le broyeur d'enfants. Ici vont les enfants dont personne ne veut. Que deviendront-il ? Ils deviendront invisibles. Ils n'existeront pas."), le nihilisme ("ce monde met les gens dans des boîtes. Il faut détruire le monde."), et surtout la plus importante...la famille.
J'ai vu, pour la première fois, un anime prendre au sérieux un thème profondément et typiquement contemporain. La famille, éclatée, fantasmée, rêvée, réalisée, et, dans le fond, il pose la question, en tentant d'apporter quelques pauvres réponses : il est beau, ce refuge d'amour, mais qu'est-ce qu'une famille ? Et puis, est-ce que ça peut tenir le coup face aux assauts de la vie ?
Le résultat est en demi-teinte. Parfois, il y a une ou deux fulgurances vraiment réussies, et la réalisation, en plus d'être irréprochable, est très audacieuse. Mais le problème reste le même.
Penguindum tente à tout prix de donner une cohérence à son patchwork de questions, et relie donc tous les personnages entre eux à l'aide d'un petit objet, dont je vous tairai l'identité...l'artifice est décelable, mais au moins la cohérence est sauvée. Ce qui est très loin d'être toujours le cas, puisque, par exemple, les personnages de Yuri et Tabuki sont totalement laissés de côté, que nous avons une intrigue secondaire, une intrigue tertiaire, une intrigue quaternaire.. et que, de façon générale, l''ensemble aurait gagné à être raccourci de dix bons épisodes. 'voyez le problème.
Et sinon ? Visuellement, Mawaru - Penguindrum est un rendu de noir, de blanc, de rouge, de diagonales tranchantes et de fulgurantes traversées de l'univers moderne. Comme ce métro, qui sert de fil conducteur à la série. Le métro de la destinée, bien sûr. Il file tout droit, laisse monter et descendre les voyageurs à des endroits bien précis. Mais il n'empêche qu'il n'a qu'une destination...
Je recommande de bonne grâce Mawaru - Penguindrum pour son potentiel lacrymal non nul, sa grande délicatesse, sa symbolique, son intelligence (que oui) et sa réalisation splendide et élégante. Mais il y a un problème. Trois phrases devraient suffire pour le résumer.
Trop de thématiques tuent la narration.
Trop de symbolique tue la compréhension.
Trop de prétention détruit l'émotion.
Mais bon, il reste les pingouins.