Merlin
6.2
Merlin

Série NBC (1998)

Derrière ses défauts, un conte poétique et mélancolique

Étrange parcours que j’ai eu avec ce téléfilm.


Je l’ai d’abord découvert durant mon adolescence, attiré, il faut bien le reconnaître, par l’épée sur la jaquette du DVD. Et ça avait été un de mes plus gros coups de cœur de l’époque. Une fresque magnifique à la musique inoubliable que j’ai dû visionner autant de fois que j’ai pu avant de devoir le rendre le cœur serré à la médiathèque où je l’avais déniché.


Plus de dix ans plus tard, me voilà qui retombe par hasard sur ce long-métrage. Tout joyeux de pouvoir retrouver mes émotions de jeunesse, je lance le film... et c’est la douche froide. Il faut dire que ce Merlin a plein de problèmes. Les personnages sont des caricatures de mauvaise fantasy, avec une méchante qui parle avec une voix de méchante et qui a un sbire grand-guignolesque, un héros paysan appelé à un grand destin, une histoire d’amour qui commence de la façon la plus clichée et artificielle qui soit, des rois méchants très très méchants qui tuent leurs serviteurs à la pelle, un autre antagoniste de taille qui a la gueule d’un métalleux, là où sa némésis a une gueule de hyppie (oui oui)... Il faut dire que l’histoire à raconter est très dense, puisqu’elle relate en seulement trois heures les événements de la légende arthurienne depuis la prise du pouvoir de Vortigern jusqu’à la chute de Mordred, et ce en n’oubliant pas la Quête du Graal ou l’histoire de Lancelot et Guenièvre ; c’est dire à quel point il faut aller vite et ne pas perdre de temps à developper ses personnages secondaires. Non honnêtement quand on prend Helena Bonham Carter en Fée Morgane on sait qu’on va pas forcément aller dans la subtilité. Quant à la réalisation, elle est du niveau de ce que l’on peut attendre d’un bon téléfilm de la BBC de la fin des années 90. Disons qu’elle fait ce qu’elle peut, tente parfois des choses, profite au maximum de décors naturels parfois somptueux, mais son manque de moyens la rend immanquablement souvent très kitch.


Tout cela a fait que je n’ai tenu qu’une heure avant de lâcher le film, persuadé qu’il y a des amours de jeunesses qu’il vaut mieux ne pas gâcher avec un œil plus aguerris. Et pourtant... Pourtant, malgré tout ces défauts j’étais persuadé qu’il y avait une raison qui m’avait tant fait aimer ce film à l’époque. Je ne devais pas avoir rêvé ! C’est pourquoi, deux ans après ma mauvaise expérience, me voilà qui retente une nouvelle fois ma chance avec Merlin.


Et là je suis retombé sous le charme. Pas que les problèmes que j’ai cité aient disparus : ils sont toujours là, même si j’en nuancerais certains. Mais ils sont compensés par des qualités bien plus grandes qui ont su ravir mon cœur.


Derrière ses atours kitsch et faussement naïfs, Merlin nous raconte une histoire bien plus triste et mélancolique qu’il n’y parait. L’histoire raconte l’affrontement à travers les rois et les époques de deux magiciens que tout oppose. La première, la Reine Mab, est une ancienne divinité qui est sur le point d’être oubliée, et donc de disparaître avec ce qui reste de son peuple, à cause de l’arrivée de la nouvelle religion chrétienne en Grande-Bretagne. Déterminée à ne pas mourir, sa lutte désespérée pour imposer un roi païen sur le Trône l’a rendue cruelle et insensible aux malheurs des autres. Le second, l’enchanteur Merlin, n’est autre que le propre fils de la Reine Mab, qu’elle a conçu par magie pour dominer les hommes, mais qui s’est retourné contre elle quand il a découvert les exactions qu’elle avait été amenée à commettre pour le bien de ses plans. Ayant choisi de ne jamais servir les intérêts de sa mère, il a décidé de tout mettre en œuvre pour placer un homme bon et juste sur le Trône de Bretagne, capable de faire régner la paix dans le pays. C’est dans cette opposition que le film trouve son identité, entre un monde magique et enchanteur confronté à sa disparition prochaine, capable de nous proposer des séquences poétiques et hors du temps, comme cette scène où la Dame du Lac conduit Merlin à l’île de Lancelot, et un monde des hommes plus matériel, héritier d’un avenir que l’on voudrait radieux, mais dont les espoirs que l’on place en eux sont continuellement détruits par leurs pulsions, par leurs failles, bref, par leur humanité.


Et que serait une bonne histoire sans de bons personnages ? Je ne les ai évoqué tout à l’heure que pour parler de leur aspect très archétypale. Assurément ils le sont ; comme je le disais, le scénario est souvent trop rapide pour leur permettre de sortir de leurs archétypes, quand bien même ils sont portés par des acteurs très talentueux, comme Lena Headey pour le rôle de la reine Guenièvre. Cela n’empêche pas certains de nous surprendre là où on s’y attend le moins par leur humanité. C’est le cas par exemple du gnome Frik, larbin de la Reine Mab, qui saura se montrer d’une chaleur et d’une douceur inattendue. Ou Mab elle-même qui ira au-delà de la simple antagoniste. Mais le cœur émotionnel de la série restera la romance entre Merlin et Nimuë qui, si elle commence de façon artificielle, prendra qu bout du premier tiers du récit un virage particulièrement triste et mélancolique.


Au final, Merlin est un conte qui s’assume pleinement comme tel, aussi bien dans sa poésie, sa douceur, et son émerveillement, que dans ses clichés simplistes, ses personnages secondaires qui évoluent trop brusquement et ses rencontres parfois peu crédibles. Au XIIème siècle, le poète français Jean Bodel qualifiait la littérature arthurienne « d’irréelle et séduisante », en opposition à la littérature médiévale prenant place dans le monde greco-romain, « savante et pleine d’enseignements » et aux chansons de geste, qu’il louait pour leur authenticité et leur réalisme.


Irréel et séduisant, voilà ce qui a dû ravir mon cœur devant ce téléfilm.

DragZo
7
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le 5 janv. 2021

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DragZo

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