Sequence killers
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Engagé dans le monopole du streaming, Netflix frappe de nouveau et nous livre une lecture à la fois sociale et glauque, de la déviance et de la personnalité. Joe Penhall est aux commandes d’un rouleau compresseur, dont un producteur impose vivement sa patte. Ainsi, David Fincher induit un style très oppressant, dans un univers où la vie constitue tout bonnement un drame inévitable. Le métier du FBI de savoir poser les bonnes questions, mais il fallait une mèche et une étincelle afin que la mise au point du profilage fasse ses preuves. Ici, Fincher détient les deux et n’hésite pas à user de la cruauté des discours, afin de mieux illustrer ses propos, aussi crus soient-ils.
L’état d’esprit dans les métiers de la criminalité fut très réducteur à une époque où le manichéisme fut enraciné dans la culture populaire. On comparerait presque ces figures à des caricatures mythologiques où il fallait absolument avoir l’opposé naturel du bien, que l’on discernait instinctivement dans les actes de chacun. Or, la vie évolue et cette vision sera progressivement supplantée par une approche moins orthodoxe, mais beaucoup plus psychologique. Holden Ford (Jonathan Groff) témoigne de son engagement afin de relancer la société à prendre du recul sur des situation qui dépassent l’entendement. Il en faut peut pour qu’un délit ne soit exécuté et il en faut encore moins pour que cette idée devient une contagion cérébrale. Le tout jeune agent persiste à démontrer ses dires et tout le soutien qu’il aura besoin, passe par le plus proche collègue qui semble s’intéresser de près au nouveau concept. Bill Tench (Holt McCallany) l’accompagne ainsi dans un road trip des plus mémorables et des plus claustrophobiques. Tout n’est pas qu’esthétique dans l’univers de Fincher, la technique passe également par des répliques qui ont l’art de saisir chaque moment fort et d’en faire jaillir tout le potentiel en l’instant de quelques punchlines.
Il faudra patienter un moment avant que l’on introduise correctement la spécialiste Wendy (Anna Torv), dont une intrigue secondaire se détache clairement du récit, mais qui, inévitablement, pèse sur le sujet qui nous préoccupe, à savoir comment et pourquoi devient-on un destructeur de vie ? Les pulsions, elles nous dirigent et nous préservent de l’extérieur. On entend par là, tout ce qui peut nous faire perdre nos repères, ce qui est ironiquement le cas d’une société qui piétine sur ses principes, laissant l’instinct primaire dicter leur conduite. Le débat est féroce, et l’enjeu grandit d’épisode en épisode, mêlant plusieurs axes de lecture que l’on prendra un malin plaisir à décortiquer par la suite.
Par ailleurs, on explore un conflit qui existe entre le milieu professionnel et privé de Ford. Sa passion l’incite instinctivement à étudier tout ce que le comportement humain pourra lui enseigner. Observer est un exercice difficile, tout autant que pour l’extraction et la synthèse. Cette chasse qu’il entreprend essentiellement en duo est des plus complexe. Il tente de dresser un portrait via l’effet miroir. S’introduire dans l’esprit d’un autre et de saisir sa sensibilité, c’est une perspective qui rapproche deux êtres diamétralement opposés. Et ce qui alerte davantage, c’est cette banalité qui nous est servi. Elle est inerte dans chaque plan et elle incarne une parfaite transparence, avant que l’on comprenne, tardivement, la portée de ce qu’elle induit au sein d’une personne.
« Mindhunter » est une démonstration de l’écriture de Fincher en matière de compréhension. Il installe la dimension de l’inconnu à une démarche, basée sur la psychologie et les enjeux humains. Les serial killers sont les supports de prédilection pour un homme qui trouve fascination dans ces personnalités uniques. Il sculpte alors une fresque de profils en tout genre, chose que la culture des seventies. Il n’est donc pas étonnant de retrouver des passerelles qui lie étroitement la série à son bijou « Zodiac », qui a secoué de nombreux Américain. Le schéma se caque évidemment sur le même thème, mais l’avantage de la série, c’est qu’on peut exploiter plus de nuances alors que l’on slalome constamment entre des personnalités tous aussi imprévisible que l’agent Ford. Après avoir été servi côté horreur, le cinéaste lâche un peu de lest pour une rétrospective dont on prend le temps d’écouter et d’assimiler.
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Créée
le 23 avr. 2018
Critique lue 367 fois
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