Mobile Suit Gundam
7.8
Mobile Suit Gundam

Anime (mangas) TV Asahi (1979)

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Restée longtemps inédite en France, 42 ans pour être précis, la série fondatrice de l’univers Gundam n’est arrivée chez le public français que sur le site américain Crunchyroll (et encore, seulement la diffusion américaine avec un épisode en moins). Ce qui peut laisser songeur. Gundam est un univers quasi-vénéré au Japon, connu parmi les fans d’anime, considéré comme une révolution pour le genre populaire du « mecha »… mais est resté longtemps assez introuvable en France (ainsi que ses suites).


Il faut dire que la série a mal commencé ne serait-ce que dans son pays d’origine. Elle est arrivée à la toute fin des années 70 quand le public Nippon s’est lassé de ces histoires de science-fiction mettant en scène un robot aussi immense qu’invincible affrontant les forces du mal, qu’il soit doué de conscience ou piloté. A titre d’exemple, Goldorak, malgré le nom prestigieux de Go Nagai, ne rencontrera pas le succès habituel (contrairement en France, où le genre était totalement nouveau). La série qui nous intéresse aura une part d’audience décevante, sera raccourcie de sept épisodes et aurait dû être oubliée sans le bouche-à-oreille d’un chœur de fans, ainsi que la vente des jouets, qui aurait conduit à une rediffusion de la série qui rencontrera cette fois-ci le succès.


Vient donc Yoshiyuki Tomino. Ayant débuté comme storyboarder notamment sur la première série concernant le personnage mythique d’Osamu Tezuka, Astro Boy, sa première réalisation sera justement une adaptation d’un des mangas de celui que l’on surnomme le « dieu du manga ». Il poursuivra sa carrière et créera justement une série de mecha pour le studio Sunrise, pour lequel il réalisa quatre ans plus tard la série qui nous intéresse : Mobile Suit Gundam.


L’idée de base est simple : des mecha réalistes. Pas de robot d’un demi-kilomètre qui fait face à une menace que lui seul peut régler. Cette fois, les mecha, appelés Mobile Suit, sont des armes militaires produites en série et seul le Gundam du titre sort du lot sans être invincible pour autant. Aidé par un collectif de Sunrise, connu sous le nom de Hajime Yatate, Tomino pourra écrire et réaliser ce qu’il souhaite.


Le speech de la série est aussi innovant. Ce n’est plus la gentille planète Terre qui va devoir se mesurer au grand méchant extraterrestre conquérant de galaxie ou simple destructeur cosmique et qui va se heurter à la résistance humaine. Séries dont les scénaristes doivent suivent un code strict, appelé vieille école. Il y a déjà eu quelques nouveautés, notamment encore une fois Goldorak où le champion de l’humanité est un extraterrestre anthropomorphique et où les grands méchants ne sont pas tous unilatéraux (la fille du Grand Stragéguerre amoureuse d’Actarus, les deux lieutenants s’affrontant politiquement…)
Maintenant, ça concerne uniquement l’humanité et sa capacité à s’autodétruire. Dans une nouvelle ère appelée « Calendrier Universel », l’humanité a quitté en grande partie la Terre pour s’installer dans les « Sides », des ensembles de colonies spatiales en formes de cylindre O’Neill (pour ceux se rappelant la fin d’Interstellar de Christopher Nolan). Au nombre de sept, dont la plus lointaine, Side 3, dépasse la Lune. Ces entités, ayant apparemment droit à leur propre pouvoir et façon de gouverner, sont cependant soumises à l’autorité du gouvernement de la Terre, appelée la Fédération de la Terre. Mais cette humanité séparée entre « Earthnoïdes » et « Spacenoïdes » ne va pas longtemps connaître la paix.
En l’an 79 de ce calendrier, Side 3, est devenu une dictature connue sous le nom du « Duché de Zeon » (ou principauté, selon les traductions), dirigée d’une main de fer par la famille Zabi, héritière de Zeon Daikun, ancien président ayant mené une révolution sur le Side avant de mourir mystérieusement et désigné Degwin Zabi comme successeur.
Zeon déclare son indépendance, bien qu’ayant derrière la tête l’idée de diriger l’humanité à la place de la Fédération. Or, dans cet univers, croiseurs et cuirassiers ont beau être devenus des vaisseaux spatiaux tout ce qui y a de plus classique, la découverte de particule baptisées Minovsky brouille le plus puissant des radars, ce qui empêche les canons longue portée de tirer. Les flottes adverses sont donc réduites à s’approcher et à tirer à vue conduisant à d’immenses pertes pour les deux camps. Mais Zeon, se sachant militairement moins puissant que l’ensemble de la Fédération, crée une nouvelle arme, le Mobile Suit, robot oscillant entre 20 et 40 mètres, dirigé par un pilote. Agile et pas assez grand pour être correctement aligné par les canons d’un vaisseau spatial, c’est une arme parfaite pour une nouvelle façon de faire la guerre.
Un pilote de Zeon, Char Aznable (oui, nom inspiré de Charles Aznavour), surnommé la Comète Rouge, devient le plus redouté des pilotes de MS. Avec ces nouvelles armes, Zeon réussit à rivaliser avec les forces de la Fédération, jusqu’à s’emparer d’une partie du continent Eurasien et d’Amérique du Nord. Mais la Fédération va rattraper son retard et produire ses propres Mobile Suit, dont le Gundam.


La série commence sur Side 7, la plus récente colonie, où la Fédération va en secret produire ses MS. Mais Char Aznable, devenu commandant d’un croiseur, va envoyer des MS espionner le Side. Ils confirment ce que Zeon craint. Un des pilotes, rêvant de gloire, va attaquer la colonie ce qui va conduire le jeune Amuro Ray, fils du concepteur du Gundam, à prendre les commandes de l’appareil. Acte qui l’obligera à servir dans la (ou le, selon les traductions) White Base, croiseur fédéral d’un genre nouveau, conçu pour abriter des MS.
S’ensuit une courte mais intense odyssée pour l’équipage du croiseur, composé de très jeunes recrues obligées de participer à une guerre qui les avait jusqu’à maintenant épargnés. L’équipage est en effet harcelé par les forces de Zeon et notamment Char, qui développe une intense rivalité avec Amuro et son Gundam, seul MS qu’il n’a pas vaincu.


Ça saute aux yeux, l’univers comme l’histoire sont plus originaux que les productions de l’époque et confronte l’humanité à ses pires instincts.
La série est sombre. On suit une troupe de soldats trop jeunes. Amuro n’a que seize ans et un coup de malchance prive la White Base de son capitaine, remplacé par le volontaire Bright Noah qui n’a cependant à peine la vingtaine. Et parmi les civils de Side 7 évacués, un trio de jeunes enfants d’à peine sept ans resteront à bord du vaisseau, ayant perdu leur famille.
Et cette noirceur se traduit par une vision de la guerre tous sauf romancée. Des vaisseaux remplis de soldat qui explosent sans que l’équipage n’ait put se défendre, des fusillades meurtrières, des sacrifices et évidemment des combats de MS où de gros plans sur des pilotes paniqués au moment de la destruction de leur module nous empêchent d’oublier qu’un humain meurt à chaque explosion.
Et Tomino ne se prive pas pour nous rappeler que les protagonistes sont des jeunes n’ayant jamais connu la guerre. Là où voir un jeune protagoniste porter les couleurs du camp du bien face à celui du mal était une convention, le manichéisme est absent de la série.
En effet, si Amuro saute sans hésiter dans le cockpit du Gundam, c’est avant tout pour protéger ses voisins, surtout après avoir été témoin du massacre de la famille de son amie Fraw Bow, tué par une balle perdue d’un MS.


Mais quand on lui demande de tirer sur des soldats en fuite, il hésite, car ce n’est pas pareil que de combattre un robot d’acier.


Amuro n’est pas un adolescent patriotique, il sera qualifié assez tard dans la série de « sans famille et ni patrie », il ne cache même pas son mépris face au fait d’être devenu soldat sans l’avoir voulu, encore moins quand il commencera à se mutiner au début de la série. C’est un personnage qui évolue, confronté à plusieurs traumatismes, fera même une crise de panique… Il sera plus mature à la fin de la série et se consacrera totalement à la chute de Zeon, qui est une dictature prévoyant d’asservir l’humanité. Bien qu’il n’apprécie pas la Fédération, il se battra pour préserver le genre humain.
Mais encore une fois, les frontières ne sont pas clairement définies. On verra à l’occasion des soldats fédérés maltraitant des civils de leur propre camp sous le prétexte qu’ils les protègent, même Amuro sera à son grand dam (uhu Gundam, grand dam…) obligé d’abattre un chasseur de Zeon dont le seul tort est de l’avoir repéré… après être littéralement venu en aide à une veuve et son orphelin. Sans oublier Char Aznable, un des personnages préférés des fans, qui est sincèrement affecté quand un de ses soldats se fait occire par Amuro.


Il sera durement affecté à la mort de Lalah (j’y reviendrai), pleura même dans les films. Aussi, il se préoccupe sincèrement de sa petite sœur. Sans oublier qu’il n’est d’autre que Casval Daikun, fils de l’ancien président de Side 3, dont la mort n’est d’autre que le fait des Zabi.


Et la famille Zabi n’est pas en reste.
Représenté par le duc fatigué et regrettant amèrement cette guerre, le pouvoir est aux mains de son fils aîné, l’ambitieux Gihren. Leur relation est tout sauf tendre, le duc Degwin comparera même son fils à un certain autrichien moustachu s’étant rendu tristement célèbre lors de la première moitié du XXème siècle.
Viennent ensuite Dozle, soldat bourru mais non sans honneur, qui ne risquera pas inutilement la vie de ses hommes et aimant son bébé Mineva ; Kycilia, seule femme de la fratrie, aussi intelligente que Gihren mais moins machiavélique.


elle sera la seule à découvrir la véritable identité de Char


Et enfin le jeune officier romantique Garma.


Quand ce dernier sera trahi et mortellement piégé par Char, on assistera au premier signe de dislocation de cette famille.


Cette famille sert aussi au personnage de Char, montrant un peu plus en quoi cet antagoniste est plus intéressant que l’on pourrait croire.


Les Zabi se sont attirés son inimitié, et l’on découvre assez vite qu’il opère pour Zeon seulement pour mieux les atteindre avant même la révélation sur son identité.


Ce personnage est donc un des plus complexes de la série. La partie supérieure du visage constamment masquée, véritable stratège mais ayant juré la destruction des Zabi, le spectateur découvre très tôt dans la série qu’il est le frère de Sayla, une des membres du White Base.


Ce vaisseau, pierre angulaire de la série dans le sens où il est le centre de la stratégie de la Fédération et des canons de Zeon, a un équipage assez attachant. Bright, son capitaine qui doit constamment jongler entre les ordres parfois absurdes du haut-commandement, les attaques ennemies intempestives et le moral de l’équipage, constamment en berne. Un personnage qui malgré une certaine brutalité quand la situation l’exige, reste compréhensif, comprenant notamment qu’Amuro est bien trop jeune pour participer à cette guerre, mais n’ayant pas d’autre choix que de l’utiliser.
Vient ensuite Mirai Yashima, jeune fille issue d’une famille prestigieuse catapultée timonière du croiseur avant devenir le second auprès de Bright.
Avec Amuro, les autres pilotes seront Ryu Jose, seul soldat d’origine, pilote en apprentissage, Kai Shiden, jeune homme sarcastique que l’on pourrait de prime abord prendre pour un lâche, et Hayato Kobayashi, jeune homme courageux mais assez impulsif.
Vient encore Sayla Mass, jeune femme mystérieuse qui cache un lien fraternel avec Char, pourtant ennemi juré du White Base. Elle passera d’opératrice à pilote de chasse. Puis vient enfin Fraw Bow, l’amie d’enfance d’Amuro, qui remplacera Sayla comme opératrice, quand elle ne materne pas les trois mioches que sont Katz, Letz et Kika.
Ces trois personnages, que j’ai d’abord trouvés assez agaçants avant de mine de rien m’y attacher, représentent l’enfance sacrifiée sur l’autel de la guerre. Ironiquement, malgré l’évacuation des civils, ils resteront dans le croiseur, devenu leur maison d’adoption. Il faut dire que seul l’équipage les apprécie comme des enfants. Dans une scène assez surprenante, des gradés fédéraux veulent les mettre dans un orphelinat uniquement car ce sont de « futurs soldats de la Fédération ». Quand je vous parle du flou entre les méchants et les gentils…
Il y a d’autres membres de l’équipage du White Base, qui reste un croiseur qui dépasse en taille nos porte-avions actuels, mais ils sont plus anecdotiques. Il y a les deux navigateurs qui préviennent Bright sur la topographie du terrain ou quand les ennemis approchent, quelques mécaniciens ou opérateurs qui s’occupent des rampes de lancement des MS… mais sinon, surtout des figurants dont le nombre diminue à chaque attaque de Zeon.
Mais nous avons déjà une belle ribambelle de personnage dans les deux camps qui apporte des nuances à cette histoire.


C’est une histoire qui n’est pas racontée de manière « classique ». Je mets des guillemets car, en termes d’anime/manga, je connais surtout des œuvres plus modernes. Le manga le plus vieux que j’ai lu date des années 50, mais sinon je m’y connais plus qu’à partir des années 80, où une narration basée sur les pensées des personnages que seul le spectateur/lecteur entend vient nous éclaircir sur plusieurs points du récit. Pas de ça dans Mobile Suit Gundam.
Sûrement car c’était moins conventionnel à l’époque (ou parce que c’est le style Tomino), les personnages gardent leurs pensées, se contentant de marmonner dans leur coin et pas tout le temps. Si on n’est pas habitués à cette narration, parfois, on aura l’impression que les personnages se comportent de manière assez irrationnelle, voire blessants les uns envers les autres. A nous de faire l’effort de comprendre que telle phrase a été prononcée dans un moment d’exaspération ou de provocation ou pourquoi tel personnage agit ainsi. Nous avons suffisamment d’indices pour ça.


Je pense notamment au moment où Sayla s’empare sans permission du Gundam afin de capturer un ennemi pour qu’il puisse lui donner des informations sur Char, qu’elle soupçonne à ce moment de l’histoire d’être son frère.
Mais je pense surtout aux épisodes 16 à 19, où Amuro, après avoir entendu par inadvertance que Britgh comptait lui retirer le commandement du Gundam, déserte en prenant le MS avec lui. C’est au spectateur de comprendre que ce jeune homme de seize ans, de plus en plus meurtri par la guerre, est persuadé de n’être bon qu’à tuer et que donc, lui retirer le Gundam sera comme lui retirer une raison de vivre.


Ensuite, si j’ai moi-même compris le pourquoi du comment, alors ce n’est pas difficile. Mais ça peut surprendre, surtout pour un public contemporain moins averti.
La manière de raconter est aussi peu banale : un épisode se suffit à lui-seul dans le sens où il n’y a rarement, si ce n’est jamais, de cliffhanger. Un problème survenu dans un épisode est en général réglé à la fin mais sans laisser de répit. Par exemple s’il y a des répercussions, ils perdureront dans les prochains épisodes.


Bright, tombant malade suite à la mort de Ryu, sera alité le temps de deux épisodes, laissant une Mirai peu sûre d’elle devoir commander le White Base… une fois blessé lors de la bataille de Salomon, Hayato ne pourra pas se battre jusqu’à la bataille finale…


Mais il faut tout de même des dizaines d’épisodes pour débloquer les situations périlleuse du White Base, notamment sur sa fuite.


Bon, ensuite, l’histoire n’est pas parfaite. On ressent que la fin aurait dû être plus longue, mais certains pans de l’histoire semblent être étranges. Les épisodes sont souvent ponctués de courtes scènes mettant en vedette les trois gamins qui n’apportent rien d’autre qu’un peu de légèreté (mais Tomino ne maîtrise pas vraiment l’humour). Il y a aussi, au milieu de la série, un nouveau membre de l’équipage qui ne m’a pas vraiment convaincu


Surtout que Mirai en tombe amoureuse… alors que ce même personnage l’a giflé un épisode plus tôt pour lui reprocher de mal se comporter vis-à-vis de son fiancé… hein ? Ensuite, d’après ce que j’ai compris, la gifle est un moyen de communication très répandu dans les séries de Tomino, donc…


Il y a aussi les Newtypes qui arrivent un peu comme un cheveu sur la soupe. Humains qui après des années passées dans le vide spatial que sont les cylindres O’Neill, développent des pouvoirs plus ou moins psychiques mais surtout des réflexes et un instinct accrus, une meilleure compréhension des choses et (d’après ce que j’ai compris) une empathie naturelle envers les autres Newtype (et le genre humain en général). Sans parler d’une compréhension rapide de la mécanique voire la télépathie (principalement entre Newtypes). On apprend à même pas dix épisodes de la fin, qu’Amuro en est un, si ce n’est pas tous les membres du White Base, que Zeon en entraîne pour en faire des soldats et que même Char pourrait en être un et possède des plans les concernant.
Vient donc le dernier personnage introduit, Lalah, jeune fille d’origine indienne (je crois ?), Newtype puissante, amoureuse de Char mais qu’Amuro appréciera quand il la rencontrera (ce qui me fait penser qu’il y a vraiment une empathie naturelle entre les membres de cette nouvelle évolution de l’être humain).
Malgré leur arrivée très tardive, le côté métaphysique dont la série est dotée grâce aux Newtypes donne un véritable plus. Ensuite, on peut dire qu’il y a des indices sur les capacités surhumaines d’Amuro, entre le fait qu’il comprenne tout du Gundam en feuilletant à peine son mode d’emploi et surtout qu’il sache toujours quand Char fait partie de ses adversaires (oui bon, le fait que Char pilote toujours un MS peint en rouge aide un peu…)
Ensuite, au vu du succès que connut la série suite à sa deuxième diffusion, Tomino put entre 81 et 82 remonter sa série en une trilogie qui rajoute dès le début de l’histoire le fait que Zeon et la Fédération soupçonne l’existence des Newtype, prophétisée par Zeon Daikun et qu’Amuro apprend qu’il peut en être un…


Passons à l’univers, qui est une des clés du succès de la série. Réaliste et innovant, on n’est pas dans un space opéra plus classique où un Empire Intergalactique a des rapports conflictuels avec une République, chacun d'eux possédant des milliers de planètes. Non, l’humanité a à peine quitté son berceau que déjà, elle recommence à se foutre sur la gueule. Alors certes, le duché ennemi flotte derrière la Lune, ce qui donne un immense rayon où évoluent les Sides et donc les combats (sans parler de la Terre, théâtre de 25/26 épisodes sur 42/43). Mais cette épopée spatiale mine de rien peu évoluée (de ce que j’ai compris, l’avant-poste humain le plus éloigné se trouve non loin de Jupiter) permet de mieux saisir l’espace où se déroule l’histoire.
Mais ce qui a le plus conquis le public, c’est le réalisme : les mecha, moins surpuissants que leurs anciennes représentations, sont avant tout des machines de guerre qui doivent répondre à un cahier des charges pour leur camp respectif. On voit donc les stratégies différentes entre Zeon et la Fédération. Zeon accélérera la création d’autres modèles de MS (avec les Zaku, viennent ensuite les Gouf puis les Dom…), là où la Fédération créera des MS moins performants mais à la chaine, tout en favorisant le Gundam, leur seul véritable fleuron.
Les munitions ou l’énergie des modules sont importantes à surveiller, ainsi que la stratégie militaire, l’espionnage… De nouveaux équipements feront leur apparition, les MS brandiront comme armes de corps à corps des épées laser (la série date de 1979, quel film sorti deux ans auparavant a fait un tabac mondial ?) ou alors des rayons surpuissants nécessitant d’immenses architectures (1979 encore)…
Toujours dans l’optique militaire, la Terre étant encore au centre de l’humanité, il est normal qu’avec les vaisseaux spatiaux et les MS, des sous-marins et bateaux bien marins continuent la lutte sur les océans…
Ce sens du détail dépasse aussi le cadre des Mobiles Suits. Une dualité atmosphère/vide spatial se ressent tout le temps : d’abord dans le scénario (les Earthnoïdes seront condamnés à rester des Oldtypes contrairement aux Spacenoïdes évoluant progressivement en Newtypes). Mais pas que : ainsi, les occupants d’un vaisseau spatial connaissent des différences selon qu’ils sont dans l’espace ou au sein d’une colonie ou de la Terre, car les vaisseaux sont munis d’une une faible gravité (ce qui permet aux personnages de d’effectuer des bonds prodigieux, de se déplacer surtout grâce à un système de levier les menant à travers les couloirs. Sans oublier les combinaisons spatiales, à mettre impérativement lors d’engagement martial dans le vide, mais inutile dans l’atmosphère terrestre).
Cette dualité est souvent mise en scène. Amuro passe ses premières sorties en Gundam dans l’espace, mais lors de sa première sortie sur Terre, il a besoin d’un temps d’adaptation. Quand un vaisseau de Zeon poursuit le White Base qui se cache dans une tempête, les Spacenoïdes des deux camps craignent les éclairs qu’ils prennent pour des armes d’un nouveau type, etc.


On remarque que Tomino maîtrise son univers : par exemple, le premier Side que l’on visite dès le premier épisode, Side 7, est récent. Il ne possède ainsi qu’une colonie, qui ressemble plus à un quartier pavillonnaire et quelque usines, entourées (littéralement) par de la verdure. L’autre Side visité, le sixième, plus récent, s’est déclaré neutre lors du conflit. Aussi, bien que ne possédant lui aussi qu’une seule colonie, celle-ci est plus développée ; notamment une ville avec un grand centre-ville…
Toujours dans un souci du détail, des surnoms interviendront à travers les camps. Zeon, ne connaissant pas le nom de la White Base la surnommera tout au long de la série le « Cheval de Troie » et les fédéraux surnomment les Dom les « MS à jupette »… ça n’a pas l’air d’être grand-chose mais ça rend cet univers crédible et vivant.
Ce réalisme est aussi là pour dépeindre l’horreur de la guerre. Mobile Suit Gundam ne nous épargne pas les veuves, les orphelins ou les parents ayant perdu leurs enfants, ni les villes en ruines ou des colonies spatiales détruites (à nous de mesurer le bilan des pertes humaines). Tomino ne nous épargne pas non plus la naïveté que l’on peut ressentir lors de conflits. On peut être tenté de penser pouvoir faire la différence, d’être le gentil, or il n’en est rien.


Notamment ce pauvre Amuro, qui tire devant les yeux horrifiés de sa mère sur un soldat de Zeon l’ayant repéré, ou choqué que l’amoureuse de Garma veuille le tuer car elle l’accuse d’avoir assassiné le fils du duc. « Je ne connais même pas son nom, mais pourtant elle voulait me tuer… ». Allez, pour lui remonter le moral, on va lui montrer que son père est devenu totalement fou à cause du Gundam… La série nous fait bien comprendre la fragilité de la vie et la destruction quasi-psychologique qu’une guerre peut produire. « J’ai commis l’irréparable » dira Amuro en pleurant après avoir tué Lalah, en voulant viser Char.


La mort est au rendez-vous, même dans le camps des gentils.


Ryu se sacrifie pour sauver Amuro, une jeune espionne de Zeon dont Kai tombe amoureux meurt en tentant de réparer ses fautes.


On finit donc par vraiment s’inquiéter de chaque obus qui se fraye un chemin jusqu’au blindage du White Base.
Certes, c’est pas non plus le jeu-vidéo This War of Mine en termes de désespoir constant. La série est assez colorée, Tomino nous fait part de quelques moments légers (mais pas toujours bien maîtrisée, surtout avec les gamins, ou d’humour à base de « holala, personnage féminin dépoitraillé qu’Amuro n’avait pas vu avant d’entrer dans la salle de bain pour aider les mioches à réparer tel objet »). Tomino gère mieux l’humour sarcastique de Kai, ou même la mascotte mignonne que se doit d’avoir tout anime, Haro, un petit automate.
La fin, malgré son lot de massacres et de destructions,


Le Gundam ainsi que la White Base seront détruits, Char après un dernier duel mano a mano contre Amuro où ils s’entre-blesseront, sera présumé mort dans une explosion après avoir tué la dernière Zabi (ce qui me fait penser que Tomino voulait vraiment que son univers s’arrête là),


sera assez lumineuse, voire optimiste,


Malgré sa blessure, Amuro utilise ses pouvoirs télépathiques afin de guider les survivants du White Base et les sauver, avant d’utiliser ce qui reste du Gundam pour s’enfuir de la dernière base de Zeon sur le point d’exploser. Une voix off nous annonce que nous entrons dans la 80ème année du Calendrier Universel et qu’un armistice est sur le point d’être signé entre Zeon et la Fédération…


L’animation a évidemment vieilli mais est loin d’être irregardable. Les musiques, assez répétitives, restent agréables à l’oreille et on se surprend à chantonner les thèmes musicaux sur le point d’être joués (notamment quand le Gundam sort du White Base ou est en difficulté). Son univers sonore est aussi efficace, que ce soit le bruit des MS ou l’alarme du White Base.
Autre chose qui a vieilli, la technologie représentée dans la série. Assez étrange de dire ça de la part d’une série de science-fiction 100% fictionnelle, mais entre les téléphones filaires, les livres toujours en format papier et les télés pas très plates, on se dit que si l’humanité réussit à créer des cylindres O’Neill, nos téléphones seront un peu plus évolués.


En conclusion, je dirais c’est une série imparfaite, notamment sur le raccourcissement de l’intrigue qui rend l’introduction des Newtypes (qui est tout de même un élément central de l’univers) un peu forcé. Sans oublier une fin pas rushée ni même bâclée mais rapide. J’imagine tout de fois qu’un adolescent Japonais qui serait tombé sur cette épopée spatiale jonglant entre combats épiques, stratégies, un peu de logistique et d’intrigues politiques, aurait aux anges.
Cette série a su moderniser le genre du mecha jusqu’à même devenir (sans le vouloir) un sous-genre auquel beaucoup d’auteur s’essayeront : le « real robot » à l’opposé du « super robot » … L’animation est vieillotte, certes, mais reste toujours agréable à l’œil.


le duel final entre Ramba Ral et Amuro, dans l’épisode 18, est par exemple excellent.


Dans l’ensemble, ça a bien vieillie. Seule cette narration où les personnages n’expliquent jamais aux spectateurs leurs actions (avec par exemple des discours introspectifs) pourrait en perdre certains.
La série est culte au Japon, si ce n’est mythique et ce n’est pas pour rien. Certaines de ses répliques sont demeurées célèbres .


dont le fameux « même mon père ne m’a jamais frappé ! »


Avant de terminer, un dernier mot sur la trilogie (The Movie, Soldiers of Sorrow et Space Encouters) sortie du 1er janvier 81 au 1er janvier 82. Commercialisée physiquement en France, certains diront que ce sont ces films la véritable version canonique à regarder avant d’attaquer la suite car ils introduisent les Newtypes plus tôt, rajoutent de court moment et en corrigent d’autres


la rencontre entre Char et Sayla sur la colonie Texas, totalement refaite par rapport à l’original, ou bien le moment où Char tombe littéralement le masque devant une Kycilia peu impressionnée. Sans oublier un indice sur la survie de Char lors du générique de fin.


D’autre diront que la série est bien meilleure, avec des sous-intrigues intéressantes et du développement de personnage plus présent, malgré des maladresses dues aux soucis de productions et de manque d’audience. Moi ? Je me suis assez amusé à regarder les films après avoir vu la série et constaté les différences, avec parfois certains dialogues totalement retravaillés…


J’espère peut-être tomber sur une édition non officielle qui mélange les apports des films à la série, ce qui la rendra bien meilleure.

Blaviken
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le 20 août 2021

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