Enième "Fatality" dans la tronche ou... petite lueur d'espoir ?
Mortal Kombat, ou la grosse bastonnade à base d'arrachage d'échine. Une série de jeux-vidéo à succès dont je n'ai, assez étrangement, jamais été fan bien qu'elle ait déjà pu, jadis, rassasier ma soif d'hémoglobine. Donc oui : quelques petits sourires sadiques devant l'amoncellement de bouts de crâne à chaque "Fatality" mais le plaisir ne va pas plus loin.
Voilà : ça c'était pour l'interlude vidéoludique. Faut-il maintenant rappeler le passé cinématographique de la saga au risque de réveiller de douloureux souvenirs dans les mémoires ? Plutôt que de vous proposer d'aller voir ou revoir le nanardesque Mortal Kombat (1995) de Paul W.S. Anderson ou de vous auto-infliger une fatalité digne d'un Sub Zero ou d'un Raiden en regardant Mortal Kombat : Destruction Finale (1997) de John R. Leonetti, on dira simplement que le portage de la saga de jeux de baston sur grand écran n'a jamais été une très franche réussite. Et on préfèrera ne pas parler des adaptations télévisées avec les différentes séries sorties à ce jour comme le fameux Mortal Kombat: Conquest (1998) dont la nullité dépasse l'entendement...
Après tous ces naufrages donc, ce fut le désert total sur nos écrans… jusqu’à ce qu’un certain Mortal Kombat : Rebirth fasse son apparition sur le web en 2010. Réalisé par un fan amateur du nom de Kevin Tancharoen, ce court-métrage sorti de nulle-part offrait une vision sombre et moderne de la série vidéoludique dont les personnages emblématiques semblaient alors avoir perdu tout mysticisme au profit d’un certain réalisme. Et pour un travail amateur, ce petit film était étonnamment assez plaisant à regarder. En tout cas, il laissait présager un éventuel long-métrage plutôt prometteur. Après avoir créé le buzz, Kevin Tancharoen a finalement obtenu l’autorisation de produire une web-série Mortal Kombat. Et il est grand temps de s’y attarder.
La série Mortal Kombat: Legacy se décline donc pour l’instant en 19 épisodes séparés en deux saisons. Les deux premiers épisodes mettent en scène les personnages de Kano, Jax et Sonya. Jax Briggs, agent de police de profession, débarque avec un commando armé juste aux dents dans une usine qu’on devine illégale afin de libérer l’espionne Sonya Blade des griffes du terroriste Kano. Malheureusement, celui-ci les attend avec ses sbires et sa technologie de pointe. S’en suit alors une fusillade générale et une bagarre entre Jax et Kano. Le troisième épisode est, quant à lui, centré sur le personnage de Johnny Cage, acteur de séries B d’arts-martiaux et sorte de Jean-Claude Van Damme en moins lourdingue. En trois fois dix minutes environ, la recette est donnée : chaque épisode de la saison 1 va narrer les origines d’un ou de plusieurs personnages. C’est sûr, on aurait pu s’attendre à une entrée directe et fracassante dans le tournoi de Mortal Kombat avec une boucherie absolue mais le réalisateur a préalablement décidé d’apporter plus de profondeur à son univers. Soit. Voilà pour le fond, maintenant passons à la forme.
L’histoire de chaque personnage nous est essentiellement contée grâce à l’utilisation de flashbacks qui montrent une enfance tumultueuse ou un évènement traumatisant. Bon, ces récits dégoulinent souvent de naïveté. Certes, on ne peut reprocher aux personnages d’être aussi plats qu’un combattant de VS fighting lambda sur console (d’autant qu’en 10 minutes, c’est très dur de faire plus profond) mais cette première saison donne quand même l’impression de n’être qu’un casting géant sans but concret. Les histoires s’enchainent sans réelle suite logique tels trois épisodes d’une sitcom sur M6 un dimanche matin et alternent allègrement entre remakes des films d’action des années 80 et incursions dans le monde fantastique. Car oui, le réalisateur a abandonné tout le côté réaliste de son teaser initial. Ainsi, exit le Baraka chirurgien disjoncté ou le Shang Tsung baron de la pègre : ces derniers ont respectivement cédé leur place à une sorte d’orc qu’on croirait tout droit sorti du Seigneur des Anneaux et à un sorcier mystique féru d’ésotérisme. Ce qui est à mon sens un peu dommage, mais bon…
Pourtant, après avoir visionné cette première saison de Mortal Kombat: Legacy… eh bien force est de constater que ce n’est pas mauvais du tout. Techniquement, le manque de budget se fait souvent sentir. Mais ce n’est toutefois pas pour autant que la série va immédiatement plonger dans la surenchère de CGI mal léchés à la moindre scène. Même s’il y a inévitablement quelques ratés, il faut quand même admettre que Mortal Kombat : Legacy fait l’effort d’éviter au maximum les fautes de goûts. Ça ne marche pas toujours car l’apparence de certains personnages comme Kitana ou Mileena laisse parfois à désirer ; mais globalement on se situe très loin des cosplays de série Z des deux longs métrages de 95 et 97. Mieux encore, certains personnages sont plutôt pas mal fichus comme les deux robots Cyrax et Sektor, sortent de mix entre le masterchief de Halo et Iron Man. Au niveau des réussites artistiques, on pourra également citer les décors du film vraiment bien choisis. Si on met de côté les incrustations douteuses d’éléments en 3D, le cadre reste quand même bien mis en valeur par une photographie propre et un travail de mise en scène tout à fait satisfaisant compte tenu du budget dérisoire du projet. Mais l’un des gros points forts de cette web-série demeure le beau coup de pinceau apporté aux scènes de flashback façon Kill Bill : un bon petit plus très agréable à l’œil.
Alors finalement, que reprocher à ce projet ? Eh bien, on pourrait peut-être bien retourner ce qui constitue les qualités de ce Mortal Kombat : Legacy directement contre son créateur. La seconde saison rappelle d’ailleurs que cette web-série n’est avant tout qu’un travail amateur. En plus d’un grand chamboulement dans le casting et l’apparition notable de Casper Van Dien dans le rôle de Johnny Cage (bien vu !), cette deuxième partie va aller très vite à l’essentiel en mettant en place l’arrivée des protagonistes dans le tournoi de Mortal Kombat. Et devant tout cet amas de deus ex machina, on a clairement l’impression que le réalisateur se prend au piège à son propre jeu en se perdant dans ses explications. On croirait même que celui-ci finit peu à peu par abandonner toute logique et tout semblant de scénario au profit de la baston pure et dure. D’ailleurs, il a même rajouté des « Fatality » à foison histoire de rappeler que tout est tiré d’un jeu de combat à la base. Mais au final, est-ce vraiment un défaut notable pour quelque chose sans prétention tourné par un apprenti cinéaste ? Après tout, les acteurs ne surjouent jamais et demeurent toujours très enthousiasmes dans leur rôle respectif. Et puis… on ne s’ennuie jamais : ce qui est le plus important au final.
Pour conclure, il m’est difficile de noter cette web-série à sa juste valeur. Pour celui qui aime l’univers vidéoludique initial et qui cherche le divertissement sans prise de tête (et gratuit), alors ces deux premières saisons sauront lui faire passer le temps. Même si comme tous ses prédécesseurs, Kevin Tancharoen ne cède jamais à la violence gratuite du jeu-vidéo, il signe néanmoins la meilleure adaptation de Mortal Kombat sortie à ce jour… en attendant de voir la suite...
A voir comme une curiosité de plus sur le web.