Pas besoin de grands effets spéciaux pour faire une série de grand calibre. Mr Robot,c'est donc le résultat d'une ambiance véritable, de dialogues savamment pesés et de jeux d'acteurs consistants. Déjà accroc au bout de deux épisodes.Ce qui intéresse d'emblée est le dilemme intérieur d'Eliott, déchiré entre le désir d'une vie normale comme sa copine Angela (bossant dans la même boîte que lui baptisée ironiquement "Allsafe") et la tentation de basarder le système avec ses talents de hackeur. En plus, son vrai job est de protéger des données alors qu'il prend plaisir dans le privé à cataloguer ses proches en les surveillant d'un oeil plus protecteur que mal avisé. La rencontre avec Mr Robot ( Christian Slater que je suis content de retrouver après un bail!) est aussi à la fois une crainte et une révélation pour Elliot. Le spectateur est en droit de se demander si la singularité de ce jeune homme surdoué est compatible avec un idéalisme 2.0? A coups de morphine, peut-être. En tous cas, j'ai envie de poursuivre car le tempo est bon, le scénario est bien ficelé sans trop ballader et la relation contrariée entre Elliot et Mr Robot promet des moments paradoxaux énormes. L'épisode 3 montre une façade peut flatteuse du type qui vise le haut poste à Evil Corp ( Wellick) tandis que l'épisode 4 est un bad trip généralisé pour Elliot. La série atteint un premier pic de noirceur assez surprenant car c'est une donnée plausible de l'univers des hackers. Comme le dit l'un d'entre eux comme un clin d'oeil du showrunner: "Un type est en train de bosser sur une série sur les hackers comme on ne les a jamais vus."
Les épisodes 5 et 6 sont moins pénibles à suivre que les précédents. Les passages sur la vie privée d'Angela font d'elle un Elliot au féminin et la révèlent d'autant plus comme une jeune femme en quête de sens dans sa vie. Le duel à distance puis plus proche avec le dealer de Sheila rappellera à Elliot qu'il ne doit pas baisser la garde car le pire peut lui arriver aussi.
Révélations de taille à la fin de l'épisode huit. L'implication d'Elliot contre Evil corp prend tout son sens et l'envie de voir la suite est forcément énorme.
Les deux derniers épisodes de la saison 1 révèlent le trouble mental sévère d'Elliot et toutes les distortions de la réalité que cela implique.Son combat contre ses hallucinations et ses phases d'inconscience apparaît éprouvant au grand jour et le fait d'arriver à ses fins avec le hack mondial ne le comble pas du tout à la différence de Darlène, qui croit à un nouveau modèle de société. Reste à voir comment la saison 2 va rebondir avec ces situations de chaos généralisés.
Saison 2
Changement de décor, de tonalité avec le showrunner qui part sur une nouvelle donne. Sam Esmail repart avec un Eliott qui lutte contre l'hallucination de son père avec ses armes. Il est à la fois déterminé et émouvant. Angela est devenue une killeuse à Evil Corp et réaliserait presque la prophétie de son nouveau patron si ce n'est que son regard est encore rempli d'incertitudes. Tyrell est un fantôme qui réaffirme parfois sa présence auprès de sa femme et de son bébé. Surprendre, multiplier les ruptures de ton, introduire de nouveaux personnages ( comme Ray qui essaye de communiquer avec Eliott ou encore deux femmes dont Susan Jacobs ). Pas de doute que Mr Robot a encore de la matière sous le pied et est une série qui va nous emmener ailleurs avec ce souci de décontenancer et pousser le curseur toujours plus loin.
Le troisième épisode est un modèle de mise en scène en commençant par l'histoire de la Fun society (le local de jeu qu'on associait jusque là à la bande de hackers) pour finir sur la découverte de l'enquêtrice qui remonte la piste de la F society suite à sa visite chez Madame Romero. Un épisode aussi qui insiste sur la solitude des génies qui connaissent des moments pas évidents ou parlent dans le vide à un groupe de prières ou une intelligence artificielle. Esmail aime encore à cultiver les passerelles entre ses personnages pour monter que leurs destins ne diffèrent pas tant que ça.
L'épisode 4, une fois n'est pas coutume, dépasse la durée d'une heure. C'est un moment important où Eliott commence à se figurer de bons moments avec son entourage même si certaines probabilités (celle de perdre les combats de sa vie, symbolique appropriée du jeu d'échecs, ou le fait que le FBI découvre le poteau rose sur le hack total) le hantent toujours et le font passer à l'action.
A la fin de l'épisode cinq, Eliott est en mauvaise posture suite à son intervention informatique chez Ray dont le business est finalement en contradiction avec sa façon d'être. Ensuite, Sam Esmail a encore un coup de génie avec la mise en scène décalée d'un sitcom des années 90, qui reflète l'inconscient contrarié D'Eliott. Pendant quinze minutes, le spectateur flotte avant de percevoir le sens de cette scène loin d'être gratuite. Esmail assemble ses puzzles et met au défi une fois de plus de comprendre leurs cohérences. Génial. Les avancements sur le sol chinois confirment la présence d'une bande rivale de hackers qui veut jouer sur l'échiquier. Et l'agente du FBI comme Angela ont des intuitions assez remarquables.Avec un épisode 7 assez anecdotique, c'est plutôt l'épisode 8 qui révèle le côté obscur de Darlène à deux reprises et que les hackers n'auraient pas du sous estimer Di Piero ( scène avec le flyer qui confond l'un d'entre eux). Le contrôle est une illusion. ;-)
Sur les épisodes de 9 à 12, Sam Esmail synthétise toutes les intrigues: la Dark Army et ce fameux plan 2, E Corp et ses avoirs virtuels ainsi que les doutes d'Eliot sur Wellick. La scène la plus hallucinante se trouvant à l'épisode 11 quand Angela se retrouve face au ministre chinois déguisé en femme ( dont elle ne connait pas la déviance) après avoir préalablement passé un test de personnalité assez perturbant avec une enfant. Le pouvoir,les instincts primaires des uns et des autres pour désarmer ou aboutir continuent crescendo. Mister Robot a encore désarçonné,rendu perplexe et que va encore inventer pour la saison 3,potentiel bouquet final de la franchise? Saison 3. Là encore, la série se permet de nouer ses intrigues avec ce qui advient dans le contexte international ( avènement du bit coin, élection de Trump entre autres). Sam Esmail semble organiser le combat final entre factions de hackers.Difficile de dire qui mène la partie tant cette partie d’échec se joue au coup pour coup.