Attention aux spoils (Saison 1)
Ah, une série qui parle d'un hacker et où l'informatique est omniprésente.
C'est pas la première fois qu'on me vend ça : "série pour geek et geekettes", "mettez-vous dans la peau d'un vrai hacker", etc. ; pour ensuite me montrer des personnages avec des lunettes, martelant leurs claviers éclairés uniquement par leur dual-monitor (sûrement à la recherche du caractère 'É'), pendant qu'un "ls --color /" tourne sur 2 terminaux.
Heureusement ce n'est pas le cas ici. Se permettre d'esquisser le débat Gnome VS KDE (épisode 1) à la télé, c'est quand même la classe, surtout que c'est tout bénef : les néophytes n'y verront que du jargon de hackerz, et ceux qui connaissent ne manqueront pas de sourire.
J'étais absolument bluffé par les premiers épisodes, au point d'avoir eu l'impression d'être - enfin ! - devant une série sur l'informatique qui s'y connais et qui est intéressante.
Les plans sont beaux, posés et jouent sur les grands angles et plans rapprochés. On y trouve une esthétique originale qui donne sa propre personnalité à la série. Et puis on commence par une voix off qui nous parle (au sens propre) et attend de nous des réponses. Difficile de ne pas accrocher à un tel setup et à une intrigue qui promet de secouer le WWW.
Malheureusement, petit à petit j'ai commencé à remarquer toutes ses failles qui m'étaient passé sous nez à cause de l'éblouissement initial. Toutes ces originalités de Mr. Robot ne semblent pas suffire au réalisateur, et il continue à déverser des nouvelles choses qui ont fonctionné dans d'autres séries.
Toutes ces idées curieuses et d'une certaine façon rafraîchissantes, au lieu de donner leur cachet à Mr. Robot, deviennent Mr. Robot.
Le résultat ? un monstre de Frankenstein, composé de ce qui a le plus marché chez les autres ou ce que l'auteur a trouvé de plus joli dans ses visionnages.
On comprend évidement que l'intention y est. L'envie de tout donner dans ses premières créations et y mettre le meilleur. Tristement éloignée du pot-pourris, l'analogie se trouve en cuisine : mélangez vos ingrédients préférés (sushi ? pizza ? Nutella ?) et vous obtiendrez difficilement un bon résultat. Par contre ce sera original, je vous le garanti.
Par exemple, c'est surtout vers le milieu de la Saison 1 que ces plans qui collent les personnages au bordures ont commencé à me lasser. Ce principe fondamental est tiré du cinéma (et donc à la photographie par transitivité) et consiste à lier sens et disposition : mettre en image un personnage qui regarde un mur physique (le bord de la vidéo) ou artificiel (l'interlocuteur est caché derrière un obstacle). Déjà, dans un film, ce procédé est utilisé avec précaution et uniquement lorsqu'il est vraiment pertinent. On montre un personnage acculé à une paroi lorsqu'il est face à un problème et n'en voit pas l'issue. Dans Mr. Robot, cette pratique est utilisée ad nauseam et perd totalement de son sens.
Idem, si les retournements de situation sont de manière générale assez appréciés, en abuser est clairement une mauvaise idée. Pire que le mauvais choix de cadrage, ça a pour effet de sortir le spectateur de l'intrigue. On se sent moins impliqués puisqu'on ne peut plus se baser sur cette confiance au contexte de base. Le twist est une exceptions qu'on prend plaisir à pardonner. Le transformer en un outil comme un autre a le même désavantage que la magie dans le Fantasy : puisque tout peut arriver, on est dissuadés à s'engager. J'exagère juste un peu, la schizophrénie étant le seul gros twist qui a un effet global sur la série.
Au final Mr. Robot est une série que j'ai apprécié malgré tous ces reproches. D'ailleurs si j'ai pris le temps de les rédiger, c'est pour m'en débarrasser (à vous de voir si vous souhaitez les porter à votre tour).
Mon indicateur d'appréciation a glissé lentement, tout le long de la saison, et s'est arrêté sur "bonne série". Un bon petit chemin depuis le piédestal érigé par mes premières impressions.