Murder s'ouvre à nous comme une partie de Cluedo: un meurtre a été commis. Ce n'est pas le Manoir Tudor mais dans cette nuit aux reflets verts glauques, on pourrait presque s'y croire. A ceci près qu'il ne s'agit pas vraiment de démasquer le meurtrier du docteur mais plutôt d'éviter aux invités de passer par la case prison. Heureusement pour nos petits pions, Annalise Keating a une vision toute personnelle de l'éthique, forgée par des années à arpenter les tribunaux essentiellement pour tirer d'affaire des gens fort peu recommandables. La vérité est ce que l'on décide de dire, la justice ce que l'on décidera d'en faire...
Dès le départ, la volonté de Murder de se démarquer des autres séries du genre est claire. Policière, certes. Mais en se plaçant du point de vue des avocats de la défense, s'installe immédiatement une frontière plus floue entre le bien et le mal, une vision plus cynique de la justice. Il en va ainsi dans le monde d'Annalise Keating: tous coupables. La série cherche à provoquer chez le spectateur quelque chose de similaire à l’ambiguïté qui se dégageait de personnage comme Dexter, mettant sans cesse en balance conventions sociales et convictions personnelles. Curieusement pourtant, Murder n'échappe pas au manichéisme - tout comme ce cher Dexter, d'ailleurs - à l'image de l'icône de la justice aveugle s'abattant sur le sale bonhomme qu'on ne pleurera guère.
Pari - en partie - réussi malgré tout, en développant un fil rouge tout au long des saisons en parallèle des affaires qui défilent d'épisode en épisode, poussant à visionner la suite pour avoir le fin mot de l'histoire
Pour autant, la réussite n'est pas totale. Murder s'inscrit en effet dans une catégorie de séries bien précise. Expédiant une affaire par épisode elle passe par les raccourcis quasiment obligatoires inhérents aux séries policières abandonnant au passage tout idée de crédibilité.
Elle mise donc d'avantage sur des personnage forts et la suite d’événements qui les poussera à se mettre dans une situation peu enviable, pour se démarquer et happer le public. Organisé sous forme de flashforward puis de flashback - le climax étant généralement atteint au deux tiers de la saison - cette narration a tout des montagnes russes. A grand renfort d'effets de styles sur fond de basses sourdes, les événements défilent dans un savant désordre. De quoi maintenir un soupçon de tension autour d'un scénario volontairement alambiqué pour masquer une trame somme toute bien mince. De quoi lasser, aussi. Car malgré une narration tronqué censée égarer le spectateur, un schéma tant visuel que narratif ne se dégage que trop nettement.
Et les personnages ne peuvent non plus suffire à hisser Murder au-dessus du standard des séries policières. Bâtie autour de son personnage central, imbuvable et censément magnétique, on ne peut qu’irrésistiblement penser à Dr House. Et comme ce bon docteur, Annalise Keating poussera ses assistants, cinq (mal)heureux élus parmi les étudiants de sa classe de droit, au-delà de toutes limites sous couvert de cet adage bien connu que nécessité fait loi.
On a d'ailleurs bien du mal à se rappeler le statut estudiantin de nos avocats en herbe tant ils semblent avoir du temps à perdre en galipettes et mesquineries. Car c'est bien là l'essentiel des rebondissements: coucheries, tromperies, coups bas et trahisons, quel que soit le côté de la barre où l'on se place...
Mais faut-il attendre plus d'une production estampillée Shondland qu'un divertissement facile? En la matière, Murder n'est certainement pas le pire et s'avère étrangement addictive.
Un petit plaisir coupable qui se regarde d'un œil distrait quand on a les mains occupées par toutes ces petites choses ennuyeuses du quotidien.