My Teen Romantic Comedy SNAFU
7.3
My Teen Romantic Comedy SNAFU

Anime (mangas) TBS (2013)

Voir la série

J'aime les romcom, vraiment. Y’a peu d’expériences plus satisfaisantes que de se poser seul (éventuellement avec une bière ou deux, pour augmenter le plaisir), un dimanche soir pluvieux, devant un enchaînement de dessins qui profitent à fond de leur existence insignifiante. En revanche, pour supporter une telle dissonance cognitive, la romcom doit être bonne. Sinon c’est la double peine… Si toutes les romcom ne se valent pas, il faut reconnaître à chacune des qualités propres, qui correspondent toujours à un usage particulier de la romance (et, cela va sans dire, de l’humour). Certaines nous dépriment agréablement (Clannad), d’autres sont irrésistibles d’auto-caricature (Kaguya-sama), d’autres encore n’utilisent la romance que comme prétexte pour parler de tout autre chose (Sakurasou), etc. Oregairu (ou My teenage romcom SNAFU) est sans doute ma préférée, parce qu’elle ne parle pas d’autre chose que de son sujet (non pas la romance, mais les relations en général) et qu'elle le fait particulièrement bien.

C’est l’histoire de Hachiman Hikigaya qui, solitaire, s'il en est, se retrouve embarqué dans le "club des volontaires", qui ne compte au départ que sa présidente, la froide mais géniale Yukino Yukinoshita. Ce recrutement est une machination de l'habile Hiratsuka-Sensei, personnage assez typique (vous savez, ces prof célibataires, un peu décalées, en blouse/trench coat qui jouent parfois un rôle de mentores). Hiratsuka est persuadée qu'en aidant des camarades à résoudre leurs problèmes personnels, Yukino et Hachiman finiront par réintégrer la société. Une troisième membre, Yui Yuigahama, vient parachever le triptyque central de la série.

La cohabitation au sein du club n'est pas simple, d'autant plus qu'elle est structurée par une sorte de compétition d'efficacité (amorcée par Hiratsuka) entre les deux solitaires. Hachiman, affichant son cynisme avec un style certain, entretient une conception pessimiste des relations humaines, qui, derrière un bonheur de façade, ne seraient qu'un entrelacs de rapports de pouvoir, menant à la soumission (et au conformisme obligatoire) des moins dotés. Aussi, son point de vue excentrique d’observateur renfrogné lui a permis de développer une connaissance précise des failles et petitesses humaines. De cette vision découle sa "méthode", qui lui permet de résoudre les problèmes des gens par une approche négative. En général, elle l'amène à se "sacrifier" socialement, dévoilant ainsi la réalité inique derrière les apparences, tout en affirmant implicitement sa supériorité (celle du perdant qui sait que le jeu est truqué, et qui jette cette vérité aux yeux des autres joueurs). A l’inverse, Yukino, isolée à cause de ses talents et de sa beauté (ah, la jalousie…), est une idéaliste. Profondément libérale, elle croit que le dur travail personnel permet de développer les forces et qualités de chacun. Elle est heurtée par le pessimisme de Hachiman qui, en insistant sur leur mesquinerie, tire les personnes et les groupes vers le bas. Yui, en revanche, contraste par son manque d’individualité. Tout se passe comme si elle ne pouvait exister qu’auprès des autres, presque à leur service. Sa quête à elle vise sans doute à trouver son « moi » encore indéfini, quitte à rompre avec sa tendance excessive à l’adaptation. Mais sa douceur et son orientation vers autrui sont le ferment du lien – miraculeux, vu la situation – qui se tisse peu à peu entre les trois « volontaires » du club, et même au-delà, avec un nombre croissant de personnes.

Oregairu contient tous les ingrédients basiques de la romcom animée (school life, héros impopulaire, voyages scolaires, festivals, triangle amoureux, et j’en passe), mais elle en fait un ensemble d’une finesse bien supérieure à la moyenne. Elle est une belle tranche de vie, déjà. A l’exception des cours proprement dits, elle laisse beaucoup de place aux scènes de la vie quotidienne (comme le symbolisent, par exemple, les canettes de café sucré). Bien sûr, la série traite avec une ironie cruellement juste de ce qui semble exister dans tous les lycées du monde, comme la hiérarchie implicite, basée sur des critères obscures, entre les élèves (je pense notamment à la manière dont Hachiman se déteste de sourire bêtement lorsqu’il s’adresse à des camarades plus « populaires » que lui). De ce point de vue il faut noter une évolutions très positive au cours de l'anime. Il faut également remarquer le changement d’ambiance qui a suivi le changement de réalisateur (et de studio) entre la première saison (Ai Yoshimura/Brain’s Base) et la deuxième saison (Kei Oikawa/feel). Sans se départir de son humour pince-sans-rire, la série adopte un ton plus tragique (vraiment trop, pour ce qui est de la saison 2, où ça frise parfois le mélodrame un peu ridicule, mais heureusement, ça se rééquilibre après) qui doit beaucoup aux changements graphiques, même si le scénario n’y est pas pour rien. Toujours marqués par leurs difficultés à communiquer, les membres du trio acceptent de plus en plus l'épreuve de la parole. Si leur amitié est vraie, il ne faut pas faire comme les autres, c'est-à-dire refouler ce gênerait la quiétude du quotidien dans le faux inconscient des non-dits. Pour savoir si leur relation est authentique (本物), il faut courir le risque d'exprimer ce qui dérange. De ces tâtonnements, résultent des échanges parfois difficilement compréhensibles, reposant sur beaucoup d'implicite (et imaginez, avec des personnages qui ont déjà du mal avec l'explicite…). Les comportements évoluent également. Yukino tente d'incarner plus fermement ses principes, Hachiman parvient peu à peu à mettre des mots sur ce qu’il recherche. Quant à Yui, elle se fait, avec un certain déchirement, l’avocate de ce qui a tout rendu possible : le lien unique qu’ils ont tissé entre eux.

Le gros point fort de la série réside dans la richesse générale de ses personnages. On échappe à l'habituelle nuée de figurants autour des 3-4 héros. Ici, chaque personnage a droit à son développement, y compris, à leur niveau, les personnages plus secondaires. C'est sympa, parce qu’on découvre une complexité, des ambivalences, même chez les plus archétypiques : Hayama, Ebina, Totsuka, Isshiki… Cette palette de personnalités fait de cette série une sorte de référence en son genre (plus encore : à côté de la subtilité d'Oregairu, 99% des romcom lycéennes apparaissent comme des empilements médiocres de clichés, de fan-service, et de personnages vides). Finalement, la romance y apparaît comme un souci parmi d'autres. Si le thème, c’est la fabrique du lien, le parti-pris est celui d’un réenchantement réaliste : rien n’est simple dès qu’il est questions d’autres que soi, mais, d’une part, on ne peut pas faire l’économie de ces « autres », et, d’autre part, ils sont ce grâce à quoi les événements prennent, parfois, une tournure intéressante. Sur ces paroles optimistes, je souhaite un bon visionnage à ceux qui auraient eu l’outrecuidance de ne pas regarder cette pièce de maître.

Ray_Moval
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Animés "tranche de vie" incontournables

Créée

le 17 nov. 2022

Critique lue 232 fois

Ray_Moval

Écrit par

Critique lue 232 fois

D'autres avis sur My Teen Romantic Comedy SNAFU

My Teen Romantic Comedy SNAFU
Sanjy_Andriamis
9

Terriblement atypique!!

Et ainsi persista leur absurde jeunesse Yahari Ore no Seishun Love come wa machigatteiru ou Oregairu ou Hamachi ou encore My Teen Romantic Comedy SNAFU mais peu importe son nom, la vérité a plusieurs...

le 3 avr. 2015

20 j'aime

3

My Teen Romantic Comedy SNAFU
Farmatyr
8

Le monde selon Hachiman Hikigaya

Cet anime réussirait presque à décortiquer l'utilisation des différents types de personnages stéréotypés dans les animes. Hichiman Hikigaya est le personnage central de cet anime. Sa personnalité...

le 20 sept. 2015

10 j'aime

5

My Teen Romantic Comedy SNAFU
Dr_Stein
3

Au moins j'aurais essayé.

Je ne compte pas trop m'attarder sur cette critique, je l'ai faite en partie car je me suis promis d'en faire une sur chaque genre d'anime différent (stupide n'est-ce pas ?). Vous l'aurez donc...

le 3 mai 2014

8 j'aime

7

Du même critique

March Comes in Like a Lion
Ray_Moval
9

Trouver sa place

L’animé Sangatsu no Lion (ou March Comes in like a Lion), réalisé par Akiyuki Shinbo (adapatant le manga de Chica Umino) relate l’histoire d’un jeune prodige du shōgi (les échecs japonais). Rei...

le 2 déc. 2022

Grand Blue Dreaming
Ray_Moval
8

Plongée en Eau-de-Vie

Je me souviens de mes vacances en demi-teinte, en Août dernier, a Arcachon. La première semaine était sympa, malgré quelques engueulades. Mais la deuxième, on était 3 sur 6 potes à être malades...

le 11 nov. 2022