Evangelion 3.0+1.0 Thrice Upon a Time est censé être la fin d’une œuvre dont nul adjectif ne saurait qualifier la grandeur et la portée. Voici ce que j’en ai pensé (sans autre prétention que de donner mon sentiment).
Traumatisé par les événements précédents, Shinji vit une profonde dépression dans un village que les survivants du « Quasi-Third impact » ont constitué à l’aide de la WILLE de Misato. Asuka, l’actuelle Ayanami, ainsi que ses anciens amis tentent de lui redonner goût à la vie, en lui témoignant, chacun à sa manière, de l’affection. Ce calme paradis n’est cependant qu’un oasis de répit, tant au niveau de la géographie imaginaire que du scénario lui-même. Shinji à un dernier combat à mener, un combat qu’il ne pourra – ni ne voudra – fuir, contre Gendô, son père.
J’ai beaucoup aimé cette conclusion. C’est certainement mon préféré de la tétralogie : il a une forme de complétude que j’ai eu du mal à trouver dans les trois autres. On peut avoir le mauvais – mais naturel – réflexe de comparer les Rebuild à Neon Genesis (et au film The End), et, alors, on sera frustré par l’absence de l’ambiance si particulière de la série, de son côté « adulte », de ses charmantes imperfections, et du parfum « 90’s ». Mais, dans Thrice Upon a Time, j’ai le sentiment que Hideaki Anno a enfin fait ce qu’il voulait faire. En fait, c’est peut-être précisément parce qu’il voulait, au moment de la réalisation, faire autre chose que dans les trois autres films. L’animation, par exemple, a un aspect moins « vidéoludique » (qui provenait sans doute, notamment dans le premier, de l’introduction des images de synthèse). Et le scénario permet de poser les personnages dans des situations voire des genres différents, ce qui rend l’œuvre diverse et surprenante. Ainsi, l’entrée est délirante, avec une charge à la Tour Eiffel (je ne vous en dit pas plus) dès les premières minutes, puis l’on est transporté dans une sorte de Tranche de Vie post-apocalyptique, avant d’être entraîné dans des combats spectaculaires, et, enfin, plongé dans des séances d’introspection tout à fait evangelionesques. Sans être dépaysé, on ne s’enlise pas non plus dans du déjà,vu.
Ce qui me frustre avec Evangelion, c’est sa « quasi-métaphysique », dont ce final est particulièrement bourré. Pas besoin d’être un lecteur fou de Guénon ou même de Jung pour remarquer que Anno nous bombarde de symboles traditionnels (en particulier bibliques, d’un point de vue apparemment gnostique). Mais – peut-être est-ce mon intelligence qui n’est pas à la hauteur – cet ésotérisme n’est qu’une façade à but purement esthétique. Finalement, pour reprendre les mots piquants d’Antonin Artaud, Evangelion « pue l’homme », manquant sur ce point d’originalité. À la rigueur, la question « philosophique » est réglée par l’auteur à travers un message nietzschéen (la « lance de la volonté » qui annonce le dépassement des dieux par l’humanité) doublée d’une petite pichenette contre l’existentialisme « autiste » (penser que « l’enfer c’est les autres » peut mener à la catastrophe).
Mais, au fond, je sais que mon reproche est injuste et que, s’il y a un problème, ce n’est pas dans l’auteur ou son œuvre, mais dans mon propre point de vue. D’ailleurs, en prenant de la distance avec mes propres attentes, j’ai apprécié cette humanité si « odorante ». Pour leur dernière performance, les personnages nous apparaissent tous sympathiques, sensibles. On finit par aimer ce brave Shinji (on est là aux antipodes de The End) et même par ressentir de l’empathie pour son père. Rei (qu’importe laquelle) connaît un développement terriblement touchant, Asuka est plus charismatique que jamais…
Si je devais mettre des mots sur l’impression que m’a procuré cet opus, je dirais que c’est un apaisement doublé d’un élan d’optimisme… Si l’on prend Evangelion comme une « œuvre d’auteur », on peut la considérer comme la quête de résilience d’Anno (qui aurait eu l’idée la série alors qu’il traversait une grave dépression, peut-être due à son trouble borderline supposé). Je crois qu’à travers Thrice Upon a Time, le réalisateur veut nous partager son succès. Vive l’espoir (ou la Volonté ?), donc.