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Normal People nous fait revivre les joies et peines des premières fois, avec ces regards, ces sourires, ces baisers, ces messages attendus accrochés à notre téléphone et qui ne viennent pas. La série épingle aussi nos mauvaises décisions, prises sans réfléchir, nous mettant nous-mêmes une pression sur les épaules, par peur du regard des autres, de ce que le groupe social dirait de nous si on osait seulement ouvrir sa gueule contre la violence du monde. Cette absence de décision qui faisait (et fait) parfois de nous des lâches, incapables d’être au diapason de notre morale intérieure, et d'assumer nos actes, est au coeur de ce récit d'apprentissage.


Normal People nous replonge dans ces sentiments douloureux et magnifiques que l’on peut vivre lors de notre passage à l’école secondaire, puis en supérieur, à travers ces deux personnages (Marianne et Connell) qui essayent de découvrir qui ils sont, ce qu’ils aimeraient devenir, qui ils ont été, blessant involontairement les autres par des actes quotidiens, par peur d’être complètement eux-mêmes.


La caméra ne lâche pas d’une semelle les deux protagonistes (Daisy Edgar-Jones, Paul Mescal), qui se donnent corps et âme à l’objectif, aux spectateurs, à l’histoire. Leurs corps font partie du matériel filmique et de l’alchimie découlant de cette série, ils se mettent littéralement à nu, leur relation nous est transmise par un érotisme doux et non une pornographie du regard, protégés par cette bienveillance posée en permanence sur eux.


Nous sommes loin du flow rythmique et des clichés bazardés jusqu’à plus soif par l’imaginaire américain. La série prend son temps, s’attarde (un peu comme dans Better Call Saul, mais pas avec le même but narratif ou la même visée formelle), se concentre sur le quotidien, le banal que les acteurs électrifient de leur présence. Ici, ça sent le vécu.


Cette banalité réaliste nous est transmise par une foule de petits détails dans lesquels on peut se reconnaître : l’énergie sexuelle de la découverte du corps de l’autre, l’indécision sur notre choix d’études, la colocation, les jobs étudiants, les passages à la bibliothèque, les soirées, les cours en amphis, les questions que l’on se pose sur la vie d’adulte dans laquelle nous sommes forcés d’entrer.


Comme dans Friday Night Lights, les personnages posent un regard sur leur petite ville où ils ont grandi, satisfaits de l'avoir laissée derrière eux ou mélancoliques de tout ce qu'ils ont perdu. Ils doivent maintenant s’adapter à cette vie nouvelle qui leur fait face, pleine de responsabilités à assumer cette fois.


Ils sont imparfaits. Ils ont des défauts. Ils sont normaux. La caméra filme souvent leurs visages en plongée, capturés en gros plan, voire très gros plan, comme si on tentait de pénétrer leurs esprits. On ne comprend pas toujours leurs motifs, leurs rébellions, leurs désirs. Ils commettent des actes surprenants, qui peuvent lassés par leur côté auto-destructeur. Ils sont jeunes, ils cherchent la voie qui donnera sens à leur existence. Aucun jugement n’est porté sur leur histoire commune, leur vie. On les accompagne, dans leurs silences, dans leurs paroles, dans les mots qu’ils ne trouvent pas pour exprimer ce qu'ils ressentent, dans leur recherche d’eux-mêmes, dans leur relation à l'autre.

Cambroa
8
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le 11 mai 2020

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Cambroa

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