Anti série médicale par excellence, Nurse Jackie s'inscrit dans le registre de la dramédie addictive, pics et descentes compris. La force de cette histoire d'infirmière junkie réside dans le jeu impeccable de son héroïne: Jackie, alias Edie Falco ( décidément abonnée aux productions de bonne facture - Les Sopranos ou Oz-). La star des urgences arbore successivement de multiples visages, excelle dans l'art de la manipulation et du mensonge symptomatiques des toxicomanes. On sent l'écriture quasi autobiographique des auteurs- qui ont également eu leur période d'addiction- qui rend le personnage plus qu'entier, à la fois attendrissant et antipathique.
La série distille ainsi un humour célébrant le politiquement incorrect, cocktail speed de Dr House et Scrubs à mille lieues du larmoyant Greys Anatomy. A All Saints, on plaisante avec les patients en soin intensif, on jubile d'avoir à soigner une blessure par balle et on commère en mangeant beaucoup trop d'oursons en gélatine. Cette ambiance loufoque est entre autre alimentée par une ribambelle de soignants déjantés et attachants: la géniale Merit Weaver dans le rôle de Zoé,l'infirmière perchée bien plus lucide qu'elle n'y parait, le Dr O Hara, fashionista égocentrique mais grande amie fidèle de Jackie, Eddie, le pharmacien et dealer qui s'ignore ou Coop le médecin siphonné et 6 ans d'âge mental.
Là où la comparaison avec le scénario délirant de Scrubs s'arrête, Nurse Jackie entrecoupe habilement les scènes comiques de séquences dramatiques, révélant la réelle gravité du sujet ( la toxicomanie) et la progressive descente aux enfers qui en résulte. La série prend en effet une tournure suivant la logique de tout cheminement d'un drogué: une période euphorique suivie d'une chute abrupte et la dégradation progressive de l'environnement et des liens sociaux. Si la première saison adopte un ton léger et cabotin suivant la routine d'une accro aux médocs qui sauve des vies, la sixième saison ( l'avant dernière donc, une 7ème est attendue cette année) glisse dans l'amertume voire le désespoir d'une malade en déni, comme en écho à l'état de Jackie, qui néglige désormais sa propre vie en dépit de s'occuper à merveille de celles des autres.
Une série bien dosée qui pourrait bien vous réconcilier avec les séries médicales ( qui ne sont habituellement pas franchement mon truc) qui donne envie de chanter du Aretha Franklin dans les brancards.