Occupation
7.1
Occupation

Série BBC One (2009)

Occupation est une mini-série BBC de 2009 en trois parties et qui pourrait faire office de post-Generation Kill. Si elle semble, en premier lieu porter sur les problèmes de la réintégration sociale, grand thème de séries s'il en est, pas de repos pour le guerrier et les trois personnages principaux (James Nesbitt, Stephen Graham, Warren Brown) à peine rentrés au bercail après la bataille de Bassorah en 2003 vont pourtant dare-dare y retourner. Pour l'argent, pour faire ce que leur dicte notre honneur, par simple ennui — le pascalien. De toute façon, savent-ils faire autre chose ?


En trois épisodes Occupation se hâte, entasse les ellipses et n'a pas réellement le temps de saisir les petits moments de flottements, la langueur et les interstices. Sans trop de misérabilisme, souvent fine et juste mais avec, comme souvent, des petits éléments grotesques et un peu trop de pathos la fin. Elle reste loin à mon sens de la série de David Simon et Ed Burns mais sait rester pertinente et apporter, probablement un peu tard, son petit grain de sel. (ou de sable dans la machinerie)


La série se déroule donc durant l'après, cette période toute sensible de l'occupation, autrement dit comment faire tenir ce véritable nid de pétaudières avec des cataplasmes sur jambes de bois et, par-dessus tout, comment parvenir à voir plus loin que le bout de ce nez cassé ?


Tôt dans le premier épisode, une docteur irakienne évoque au personnage de Nesbitt l'épopée de Gilgamesh et son plus fameux passage :



Gilgamesh, où donc cours-tu ? La vie que tu poursuis, tu ne la
trouveras pas. Quand les dieux ont créé l’humanité, c’est la mort
qu’ils ont réservée aux hommes.



La vie ils l’ont retenue pour eux entre leurs mains. Toi Gilgamesh,
que ton ventre soit repu, Jour et nuit réjouis-toi, Chaque jour fais
la fête, Jour et nuit danse et joue de la musique ; Que tes vêtements
soient immaculés ; La tête bien lavée, baigne-toi à grande eau ;
Contemple le petit qui te tient par la main, Que la bien-aimée se
réjouisse en ton sein ! Cela, c’est l’occupation des hommes.



Elle continue la première phrase si célèbre, elle croit en une reconstruction difficile mais possible, retrouver dans un futur pas si éloigné l'Irak idyllique de son enfance. On situe parfois l'Eden biblique dans le Sud de ce pays. Ho... mais... Cette citation, là tronquée de sa belle seconde partie, reviendra vers la fin en un écho funèbre. Ils ne le citent certes pas mais un autre bout : "L'angoisse m'est entrée au ventre ! C'est par peur de la mort que je cours la steppe !" est là en filigrane tout du long. Ces petits soldats de plomb qui vont fuir dans le désert. Avant Sisyphe, qui a au moins la chance de se savoir canné, il y avait cette fuite en avant.



"Monte donc sur le rempart d'Uruk [...] examine les fondations"



Mais aujourd'hui, forcément, près de 10 ans plus tard, plus que cette mini-série, tout ça (me) prend un reflet et un écho d'autant plus funestes.


Une vieille histoire irakienne dit-elle...


Il ne faut pas oublier que, dès 2003, le riche patrimoine local aura été amplement abîmé et pillé. En grande partie par la soldatesque, d'ailleurs, qui y allait joyeusement à la pelleteuse pour remplir leur sacs de sable quitte à broyer quelques tablettes de terre cuite au passage. Ils auront même occupé le site antique d'Ur. On avait alors distribué aux soldats des jeux de cartes illustrés par des antiquités pour leur apprendre à les reconnaître. Par la suite, on a rendu et retrouvé pas mal de choses, recollé des bouts.


Mais là ça fait déjà un petit bout de temps que l'on a changé d'échelle. Reconstruire sur des ruines, oui, encore et encore, on garde trace, mémoire faisant poids, mais sur des miettes ?


Triste période qui a vu en quelques mois à peine Hatra minée, Palmyre occupée, les musées et les textes, non pas simplement pillés, mais systématiquement et méthodiquement détruits, brûlés et les bas-reliefs de Nimrod et les lamassu de Mossoul passer avec une minutie glaçante sous les ponceuses de l'EI. De la damnatio memoriae à la chaîne, industrielle. Martelez, c'est rasé. Circulez, (plus) rien à voir. Seul demeurent l'outrage, l'affliction, l'infinie colère et la tristesse.
Où donc courrons-nous ?

Nushku
7
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le 12 août 2015

Critique lue 641 fois

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Nushku

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