fint.

La saison vient tout juste de se terminer sur arte, et on peut dire que les deux derniers épisodes permettent de donner à la série toute sa puissance.

La force de cette série, c'est son intelligence qui vient justifier le scénario conspirationniste. Bien que le contexte soit réel, ou réaliste, les évènements s'enchaînent à une telle vitesse qu'on oublie très vite qu'il s'agissait peut-être de notre monde pour contempler la gestation d'un conflit majeur crédible.
Je ne reviens donc pas sur les prétextes, ou la bonne dose de précision a été trouvée pour le rendre ni simpliste ni incohérent.

Ce qu'on retient, c'est la réaction des personnages dans une situation que l'on envisage jamais (c'est bien l'intérêt des scénarios catastrophes). Et là, elle est travaillée à merveille. Ils sont tiraillés en permanence entre des positions contradictoires. L'opposition n'est pas simplement celle de la Norvège contre la Russie ou le reste du monde, mais plutôt celles entre bellicistes et diplomacistes. En fait, chaque personnage contient ses propres problématiques et sa propre grille de lecture que le spectateur est amené à comprendre de manière progressive. A chaque choix, on aura tendance à le catégoriser dans le "bon" ou le "mauvais", si on y arrive, mais on se rend bien compte qu'un même personnage oscille bien souvent entre les deux catégories. Les frontières sont à la fois floues et mouvantes. On est décontenancé de ne pas retrouver la prévisibilité qui est habituelle, sans que les décisions soient dues au hasard. Une rapide analyse nous permet de vérifier la logique des personnages. Il faut se rendre à l'évidence, ils ont beaucoup plus pensé à la question que nous. Ils sont plus intelligents que nous.

Accessoirement, ces comportements créent une intrigue bien ficelée qui se laisse suivre avec avidité. On notera aussi, il me semble, l'influence de la (bien moins bonne en terme d'explication de la politique) célèbre série Game of Thrones avec la mort inattendue de personnages phares. Mais contrairement à cette dernière, cette mort n'est pas simplement une lubie de l'écrivain/scénariste, mais quelque chose qui fait sens dans un univers réaliste. En outre, le personnage en question en réchappe parfois. Entre trop de morts et des héros invincibles, la série évite les excès.

Très norvégien me direz vous (ou pas). En fait, on retrouve peu des clichés télévisuels scandinaves auxquels nous ont habitués des séries comme Borgen, d'après ma maigre connaissance. Il y a bien une femme atteinte d'un cancer, un couple homo, une famille recomposée, des cadres surchargés, des conflits d'intérêts dans les couples, des looks biens bobos ... Mais c'est fait de manière assez naturelle, discrète et crédible.

Un petit bémol quand même pour conclure cette critique dithyrambique: on regrette qu'une série politique tournée en 2015 prenne si peu en compte la société civile. Certes, on parle des médias de masse et d'internet (d'ailleurs très bien inséré dans la réalisation), mais de manière symbolique et diffuse. On ne voit pas, par exemple, de mobilisation citoyenne au sens strict. Quelques uns rejoignent des groupes armés ou discutent des événements, mais il n'y a pas d'évocation de grand débats ou de grands rassemblements tels qu'on les connait aujourd'hui.

Bref, on attend avec impatience la suite, même si la première saison se suffit largement à elle-même. C'est de la gourmandise.