Au premier abord, Outcasts parvient à instaurer son atmosphère sans souci et à délimiter clairement son champ d'action : les décors de la série, tournée en Afrique du Sud, ne ressemblent à rien de vraiment connu à la télévision, aussi Carpathia parvient-elle immédiatement à nous dépayser et à gagner en caractère. Les personnages, en revanche, ne sont peut-être pas aussi développés, et surtout certaines de leurs réactions sont parfois limites : alors qu'ils parviennent à gérer les incroyables découvertes qu'ils font sur la planète, la plupart d'entre eux semblent tout bonnement incapables d'entretenir des relations sociales correctes, sans cacher leur passé ou passer leurs émotions sous silence - quand ils ne prennent pas l'autoroute à contresens, comme Tate qui ne cesse de répéter qu'il a perdu ses enfants, à croire que l'acteur Liam Cunningham a été forcé de raconter la tristesse de son personnage plutôt que de la jouer. La pire restant toutefois la fille de Stella qui change d'avis trois fois par épisode.
Pour autant, Outcasts est une série qui se suit sans problème, parvenant à maintenir une certaine tension et offrant quelques moments de bravoure. Là encore, les décors exceptionnels participent au plaisir du spectateur, d'autant que la ville de Forthaven a elle aussi été soignée et servie par des effets spéciaux respectables. On sent le budget de la BBC dans le moindre plan.
La série est intéressante pour peu qu'on adhère aux quelques raccourcis scénaristiques qu'elle emploie ; je vous en donne un exemple énorme pour bien vous rendre compte : un groupe de scientifiques, dont un jeune prodige des maths, captent un signal consistant en quatre lettres se répétant en des combinaisons qui semblent aléatoires. Ils passent la moitié de l'épisode à s'interroger sur sa nature, alors qu'il est évident pour quiconque se souvient un peu de ses cours de Science de la Vie/est un fan de science-fiction (rayez la mention inutile) que le signal code de l'ADN, combinant à l'infini ses quatre bases azotées (adénine, guanine, thymine, cytosine pour les bons élèves). Je restais stupéfait devant l'incapacité de ces soi-disant scientifiques à ne pas voir dans le signal ce qui reste un grand classique de la science-fiction.
Mais surtout, Outcasts nous ferait presque oublier, avec ses paysages grandioses et inédits, le petit air de déjà-vu qui plane sur de nombreux éléments du scénario. A commencer, pour parler technique, par la série Earth 2 (1994), avec laquelle elle partage la création d'une colonie et une maladie touchant les enfants ; d'autres éléments du scénario, que je ne vous dévoilerais pas, apportent de l'eau au moulin de la forte inspiration, sinon du plagiat. Mais c'est surtout à Lost que j'ai pensé : des survivants tombés du ciel, tâchant de s'adapter à leur environnement sauvage en s'organisant, et faisant face à une force inexplicable dont certains semblent pouvoir s'accommoder. On rajoutera une cuillère de Battlestar Galactica pour les faux-airs de New Caprica de Forthaven, et surtout pour le méchant de service, Julius Berger, un Gaïus Baltar bis avec beaucoup moins de présence que l'énormissime James Callis - mais qui parvient néanmoins à se rendre fortement détestable, c'est l'essentiel. On sent aussi des faux-airs de Virtuality, un pilote rejeté par la Fox et écrit par Ronald D. Moore (justement créateur de BSG 2004), dans la façon dont les évènements d'abord incompréhensibles s'imposent aux personnages ; l'entité mystérieuse conçue comme antagoniste dans le pilote oublié trouve une résonance dans Outcasts.
Le pire, c'est que je dois en oublier. Toujours est-il que, lorsqu'on connaît un peu l'univers des séries de science-fiction - je ne peux pas prétendre à une connaissance absolue sur le sujet mais j'en mange de plus en plus - on se rend tout de suite compte qu'Outcasts a tout du mashup (en moins drôle que celui-ci) ; la série est un mélange d'influences qui ne sont que rapidement recyclées et parfaitement identifiables. On peut penser que, la BBC ayant à financer une série lourde en termes d'investissement et de thématique (la science-fiction n'est pas exactement le principal intérêt de la ménagère de moins de 50 ans... or c'est à elle que s'adresse les encarts publicitaires), la chaîne a choisi de jouer la sécurité en privilégiant les motifs connus. Mais les scénaristes ne semblent pas encore parvenus à les recycler convenablement, à se les approprier.
Outcasts, malgré son manque d'ambition, reste une marque de l'intérêt pour la science fiction dont font preuve les chaînes britanniques : en terme de production, de réalisation et de thématique - pardonnez-moi d'aborder ce lieu commun - la série reste à mille lieues de ce qui se fait de notre côté de la Manche, où même ce recyclage un peu limite n'est pas à notre portée. Outcasts vaut donc le détour, si ce n'est pour sa qualité, au moins pour son point de vue plus européen, ses problématiques pas toujours fines mais souvent intéressantes. Et je le répète, ses décors incroyables. S'il y a une chose à laquelle je crois dans cette série, c'est à la qualité du repérage des extérieurs. C'est déjà ça !
Son annulation était néanmoins attendue, la BBC ne rigolant pas avec ses audiences. Dommage. Outcasts avait peut-être besoin de plus de temps pour s'affirmer et s'approprier les thèmes de science-fiction qu'elle brasse, mais la loi des nombres a ses limites. Nous ne saurons jamais vraiment comment tout cela aurait pu se terminer. Reste donc une saison anecdotique de huit épisodes, à la fin jamais résolue, mais aux décors exceptionnels. Une curiosité, en somme, pour tout fan de science-fiction.
[...]