OVNI(s)
7.3
OVNI(s)

Série Canal+ (2021)

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Désolé, j’ai GEPAN ? Mieux qu’une matinée piscine, une journée ufologie ? Entre sélénophobie et (grosse) boule à facettes, le plaisir d’OVNI(s) tient surtout à ce décalage entre l’explicable et l’inexplicable. Pourtant, point de petits hommes verts ou d’affaire Roswell dans cette série qui sent bon les seventies. Seulement le récit d’une petite troupe d’humains, faillibles et singuliers, cherchant à donner un sens à ce qui en semble dépourvu. Car bien avant que Mulder et Scully ne sillonnent les terres du paranormal, il y aurait eu Didier Mathure, ingénieur spatial dans une mauvaise passe suite à l’explosion d’une fusée, contraint de prendre la direction d’un bureau d’enquête du CNES : le « groupe d'étude des phénomènes aérospatiaux non identifiés ». Evidemment, ses certitudes scientifiques vont en prendre pour leur grade face à des affaires aussi extravagantes que cocasses. C’est à se demander si Bill Gates n’aurait pas caché quelques puces 5G dans cette forêt où chaussure rime avec état liquide ; de quoi recréer un nouvel incident de Rendlesham dans cette série qui n’a pas peur de mêler le normal à l’absurdité paranormale. On y parle alors de conspiration et de relativité temporelle, d’abduction et de saveur cerise. Peut-être est-ce encore là un chemin vers une voie lactée et un univers au goût de framboise ? La série elle-même est une douceur, à déguster avec ou sans Cacolac.


Comme dans 3615 Monique, il est question d’une revisite du passé ; entre ère giscardienne et passage à tonton Mitterrand, entre Casimir et Minitel (rose), entre Pin’s et Rubik’s Cube. Ici, même la bonne grosse moustache semble tout droit sortie d’un convecteur temporel. Puisque c’est de la France des 30 glorieuses dont il est question ici, d’une France où l’on clope la vie à pleines dents. Face à ce retour en arrière, la série semble vouloir retravailler cette mémoire collective pour réinventer un présent qui ne nous fait plus rêver et ainsi donner un nouveau souffle à un espace créatif légèrement stérile. A vrai dire, on n’est pas loin de toucher au « reverse engineering » dans cette création aussi actuelle qu’elle est inactuelle. Et si OVNI(s) s’impose comme une série aussi féconde qu’attachante, c’est aussi parce qu’elle réaffirme la toute puissance de la fiction face à l’inévidence du monde. Aux problématiques du réel répondent ainsi des mystères et de l’absurde. Flamant rose disparu, pin’s volant, soucoupe disco, énigmatiques esquimaux, montres instables, tout est bon pour générer de l’inattendu et de l’égarement.


Le renouvellement par le recyclage ? C’est un peu cela ; mais parlons plutôt de dépoussiérage. Ainsi, si OVNI(s) convoque des images familières, c’est aussi pour continuer d’alimenter les fantasmes tout en les réinventant autour de problématiques postmodernes : de La Mort aux Trousses à Brazil, il n’y a qu’un pas ; car oui, il est toujours bon de revisiter ses classiques au détour d’un plan ou d’un élément de décor. C’est ainsi jouer à être Hitchcock sur le bord d’une route ou en appeler à Spielberg le temps d’une rencontre. Dans cette logique, le dynamisme de la réalisation d’Antony Cordier contribue beaucoup à la réussite formelle de la série ; portée par la photographie soignée de Nicolas Gaurin. Déjà avec La dernière vie de Simon l’année dernière, Léo Karmann avait réussi l’exploit de fédérer autour d’un premier film à haute teneur spielbergienne. Biberonné par les mêmes influences, OVNI(s) s’inscrit dans cette lignée ; de la science-fiction à la française plus proche d’un rejeton enfantin de La Nouvelle Vague que d’une superproduction à l’américaine. Mais le plaisir de la citation ne fait pas tout.


Comme dans X-Files, la série joue beaucoup sur l’opposition entre le certain et l’incertain, entre le rationnel et le surnaturel ; une manière de questionner le personnage sur ses certitudes scientifiques et cartésiennes. Car si le monde a son lot de phénomènes inexpliqués et de situations nonsensiques, c’est aussi peut-être pour nous en faire voir la beauté, la grâce et le lyrisme de sa création. On cherche alors des rébus, entre Bowie fugace et boussoles foireuses. Car oui, OVNI(s) est une série pour ceux qui n’ont pas les yeux en face de la Lune. Savoir rêver, voilà le maître mot de cette série. Le réenchantement de la fiction passe alors peut-être par la reprise d’une mélodie à siffloter, entêtante et connue de tous. Un sifflement comme un parcours erratique, aussi léger qu’obsédant. Morricone ou Bachelet, qu’importe : la musique porte en elle un nouveau rêve, celui d’un possible parce qu’impossible. Celui d’un Coup de Tête ou d’une montre Leonienne. Et si OVNI(s) se permet quelques envolées – effectives et réussies –, c’est toujours pour toucher à l’intime, à la tendresse derrière l’émerveillement.


Beaucoup plus terrestre qu’extra tout court, OVNI(s) affirme sa capacité à mêler habilement différentes tonalités, tantôt décalées tantôt touchantes, toujours humaines. Ordinaire, oui, la série l’est. Elle s’intéresse davantage à ce qui anime des hommes, à l’incompréhension qu’ils ont de leur propre monde, à l’étrangeté qui peut régner dans le réel quitte à le faire basculer dans l’irréel. Puisque le besoin d’un ailleurs, c’est le besoin du rêve. Ainsi, il suffit parfois d’un lombric des profondeurs, d’objets en suspension, de disparition, réapparition ou téléportation pour encore voir un message derrière ce qui semble ne pas en avoir. Seul l’incertain permet alors l’épanouissement ; car il est source d’inconnu et donc d’infinies ou potentielles découvertes. Et là encore, la distribution aux petits oignons permet de donner du corps à ces doutes, à ces (en)quêtes, à ces crises existentielles, à ces rêves. Avec cette belle attention aux gestes et aux regards, Melvil Poupaud impressionne en version franchouillarde du Richard Dreyfuss allant à la rencontre d’un « third kind » ; quand Daphné Patakia rayonne au milieu des autres phénomènes : Michel Vuillermoz, Quentin Dolmaire, Géraldine Pailhas, Laurent Poitrenaux ou encore Nicole Garcia, tous admirables, sans exception.


OVNI(s), c’est ce truc fantaisiste issu de l’imaginaire de Clémence Dargent et Martin Douaire, tout deux issus du département « série » de la FEMIS. Leur écriture se révèle ainsi toujours précise, équilibrée et intelligente, jouant aussi bien avec le Chat de Schrödinger qu’avec la mode des gourous. Mais pour une série qui questionne le progrès, il est parfois paradoxal de l’abandonner au profit d’une simple variation minimaliste d’un Stranger Things à la française. OVNI(s) nous entraine tout de même dans son univers, suffisamment osé pour détonner et convaincre. Mais difficile d’être totalement emporté dans l’absurde quand la série elle-même ne s’écarte jamais du sentier balisé qu’elle s’est tracé ; et ce, quitte à regretter parfois que la série n’aille pas un peu plus loin dans ses ambitions surréalistes. Sans réel éclat, la série manque peut-être de force de frappe pour pleinement nous embarquer à bord de son vaisseau. On sent pourtant dans OVNI(s) des envies de cinéma à la De Broca où les quêtes « tintinesques » se mêleraient à un lâcher-prise dans la mise en scène. Ici, tout reste bien trop propre et inoffensif ; même si les synthés de Thylacine contribuent largement au dynamisme de l’ensemble. Et face à l’absence de ce je-ne-sais-quoi, on se surprend à rêver de cet instant où la série pourrait tutoyer des sphères bien plus élevées, bien plus étoilées et bien plus lointaines. En attendant, continuons de regarder vers le ciel, vers son infini et ses défis.


Critique à lire également sur Le Blog du Cinéma

blacktide
7
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le 22 janv. 2021

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blacktide

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