OVNI(s)
7.3
OVNI(s)

Série Canal+ (2021)

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1978. Didier Mathure, brillant ingénieur spatial, voit son rêve partir en fumée lorsque sa fusée explose au décollage. Alors qu'il pensait avoir touché le fond, il est muté à la tête d'un bureau d'enquête spécialisé sur les ovnis géré par une équipe qui donne effectivement l'impression de vivre sur une autre planète. Voilà le point de départ de cette production Canal qui est entrée dans ma vie alors ma partenaire et moi vagabondions sur internet à la recherche d’une série qui pourrait nous divertir. Maladroitement vendue comme une parodie à la française de X-Files et de Stranger Thing, OVNI(s) se révèle être un véritable bijoux.

Toute la série repose sur quatre axes majeurs : La direction artistique, l'humour, les acteurs et l'intrigue générale.


La première chose qui nous saute aux yeux quand on commence OVNI(s) c’est sa direction artistique prononcée. Nous sommes directement plongés dans une déclaration d’amour aux années 70. L’esthétisme des seventies est poussé au maximum, les couleurs sont chaudes, les acteurs dégagent une classe et un style typiques de cette époque. Le tour de force des créateurs de la série est d’ancrer la série dans une époque résolument rétro, tout en réussissant à lui donner un coté étrangement futuriste. La production design globale est délicieusement rétro futuriste et nous renvoie parfois au futur fantasmé dans les oeuvres de science-fiction qui pululaient à cette époque.

Ovni(s) est une série délicieusement drôle. Nous ne sommes jamais dans le potache ou la lourdeur. La grande force de la série est d’être drôle sans jamais chercher à forcer le rire où à tout faire pour le provoquer.  Le ton est absurde, décalé, mais tout en restant rattaché à une forme de sérieux et de réalisme. Les situations et les cas que l'équipe du GEPAN doit traiter sont très souvent loufoques mais ne terminent jamais sans explication. C’est d’ailleurs l’un des premiers ressorts comiques de la série. Si un évènement se produit et semble magique, c’est peut être parce que nous ne sommes simplement pas encore en mesure de le comprendre. Commence ainsi une folle quête de compréhension, au delà des limites du savoir, provoquant ainsi de nombreuses situations cocasse et bouleversante. L'humour de la série ne repose pas que sur ça, puisqu'il est aussi et surtout servi par des interactions géniales entre les personnages, chacun avec leurs caractères particuliers et marqués, donnant un mélange explosif d'humour. 

Melvil Poupaud est incroyable dans ce rôle de scientifique cartésien qui se retrouve à devoir remettre ses certitudes en question, mais la palme revient à la touchante Daphné Patakia. Son extravagance, et son jeu très singulier lui donnant parfois un air ingénu, apportent un aspect perché, empathique et lunaire on ne peut plus magnétique. Elle est le coeur poétique de cette oeuvre. Nous suivons ainsi avec plaisir les aventures de cette bande de personnages atypiques qui sont, selon les critères de la société, des "ratés" aux parcours chaotiques, convaincus et intuitifs, prêts à braver vents et marrées pour se sentir vivant. La série ne se moque jamais d’eux, et amène plutôt à se demander si les “ratés” ne sont pas plutôt ceux qui restent enfermés dans leurs cases. 

L’intrigue est portée par une écriture, subtile et riche, pleine de jeux de mots et de références tantôt culturelles ( Le CNES, Ariane, Jean-Pierre Luminet, Steven Spielberg), tantôt poétiques. Le moins que l’on puisse dire c’est que l’histoire est captivante. Alors qu’au début nous sommes tentés d’aborder la posture terre à terre du professeur Mathure, surtout face au manque de rigueur scientifique des membres du GEPAN, on se prend rapidement au jeu. Plus on avance dans les épisodes, plus on doute. Le monde est étrange, parfois inexplicable. Il s’y passe des choses bizarres, que l’on peut parfois expliquer et d’autres fois non. La confusion nous gagne en même temps que le personnage incarné par Melvil Poupaud. Est-ce que tout ce qui se passe est juste un gros délire provoqué par une hystérique collective ? Tout n'est-il qu'un complot militaire pour cacher des magouilles ? Y a-t-il vraiment un phénomène extraterrestre ? Et si il y a un phénomène extra terrestre, peut il être autre chose que la vision caricaturale nous promettant l’arrivée de petits hommes verts dans des soucoupes de métal ? L’approche de la science fiction y est résolument originale, parfois surréaliste, en témoigne la pluie de flamants rose au premier épisode. Le déroulement du récit est fluide, sans anicroche. Toutes les découvertes sont cohérentes avec les éléments mystérieux restés en suspens dans les épisodes précédents. Les épisodes sont riches en détails qui trouvent toujours une utilité. La série manie l’art subtile du cliffhanger en trouvant toujours d’habiles moyens de relancer l’intrigue sans jamais tomber dans le putassier. 

La série est une véritable déclaration d’amour à la science et au monde qui nous entoure. L’apport de Luminet comme conseiller sur la série se sent car elle utilise parfaitement bien les codes et l’usage des discours scientifiques. Plus qu’une série sur la science, c’est un travail artistique intelligent qui mêle à la perfection le monde des maths et celui de la poésie. Si la science est vitale au progrès humain, c’est la poésie qui nous relie tous. La logique du doute permet d’arriver à des niveaux d’abstraction qui mélange le registre scientifique à la philosophie et à la foi. Il y a une expression de décalage du réel qui permet de le trouer afin de trouver dans les fondements de l'existence et de l'univers une forme de poésie ennivrante. La musique cosmique composée par Thylacine apporte énormément de cachet. Le compositeur réinvente tout simplement la synthpop, ce qui contribue à nous donner envie de planer parmis les étoiles. OVNI(s) nous rappelle la nécessité absolue du doute comme moteur de l’humanité. On peut croire à tout, et l’imaginaire peut être un moteur inépuisable pour des découvertes incroyables. Nous avons tous envie de croire en des choses extraordinaires. C’est une invitation à se remettre en question, à se poser des questions, à ne pas s'emballer, tout en s’autorisant toutes les hypothèses afin de se laisser rêver. Il faut apporter des réponses aux questionnements des gens. Faire preuve d'esprit critique et de scepticisme, mais en toute bienveillance, sans juger les croyances. La science dégage une magie qui peut tous nous réunir.  En suivant ce scientifique terre à terre qui apprend à s’ouvrir à d’autres dimensions métaphysiques et humaines, nous embarquons dans un voyage qui nous bouscule dans nos certitudes. 

Brian_Le_Duigou
9
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le 24 août 2022

Critique lue 47 fois

Brian Le Duigou

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