Law and order
Il y a des oeuvres où les maigres défauts sont littéralement écrasés sous d'énormes qualités. C'est le cas d'Oz. Car des défauts, il y en a. Commençons par cela. D'abord, une fausse bonne idée :...
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le 16 oct. 2012
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Passé le choc radical de la découverte (tardive pour ma part) de "Oz" avec sa première saison, on entre à partir de la seconde saison dans une sorte de routine de la série, avec ses exagérations, ses personnages plus ou moins crédibles, ses situations choquantes ou non, ses acteurs en sur-régime permanent... "Oz" peut donc fasciner et fatiguer à la fois, mais au moins ne nous ennuiera jamais. "Oz" n'est pas une grande série donc, mais quelque chose de fondateur pour la forme sérielle s'est passé ici. Respect à Tom Fontana et son équipe !
Saison 1 :
On n'a pas forcément envie de découvrir - presque 20 ans plus tard, 20 ans trop tard ? - "Oz", série historique de chez HBO qui a contribué avec les "Soprano" à la naissance de la nouvelle série TV moderne. Quelques minutes suffisent pour réaliser que "Oz" joue dans une autre catégorie que celle du pur déclenchement de réflexes pavloviens comme bien des séries actuelles (et je ne parle même pas de "Prison Break", tant la comparaison est dure) : comme chez les "Soprano", on assiste à une réflexion ambitieuse sur les fondements du lien social, qui n'hésite pas à remettre en question nos idées reçues. Sur la peine de mort, sur l'islam, sur l'homosexualité, sur la religion (ce dernier sujet, très américain, pouvant d'ailleurs s'avérer pesant dans une paire d'épisodes de cette première saison)... "Oz" ose tout, passant avec une facilité déconcertante des stéréotypes du "film de prison" à la réflexion politique (rôle des médias, démagogie des autorités), psychologique (l'étonnant basculement de notre perception de nombre de personnages au fil des épisodes), voire philosophique (d'Orwell à Malcom X, les références ambitieuses abondent). Un vrai choc donc, pour de vraies bonnes raisons, en dépit de l'indéniable vieillissement d'une mise en scène qui multiplie un peu trop les effets dépassés (zooms, basculements, etc.). [Critique écrite en 2007 et retouchée en 2014]
Saison 2 :
Une fois retombée la poussière de l'émeute qui ensanglantait le final de la saison précédente, rien n'a vraiment changé dans le microcosme expérimental de Emerald City : nous sommes toujours devant un échantillon - extrême, mais indéniablement représentatif - de la société américaine (et pas si loin de la nôtre, d'ailleurs !), avec sa préoccupation permanente pour le pouvoir (lié avant tout à l'asservissement sadique de l'autre, à sa possession radicale, à sa transformation en objet), la consommation (de drogue, d'alcool, de sexe) et la violence. Les valeurs morales ne sont souvent que des leurres servant à habiller le cadavre bien putréfié du lien social, et l'amour lui-même est toujours le début de la fin, ne conduisant qu'au crime ou au suicide. Une vision affreusement pessimiste - lucide ? - de l'humanité. [Critique écrite en 2007]
Saison 3 :
La troisième saison de l'extraordinaire série "historique" "Oz" apparaît comme la tentative de renouveler les différentes fictions s'entrecroisant dans l'univers carcéral d'Emerald City, non en y injectant d'autres personnages - même s'il y a évidemment de nouveaux arrivants, et pas de mal de "départs" par mort brutale -, mais en redéfinissant fondamentalement ce que nous percevons et pensons de chacun. L'exercice est périlleux, surtout lorsque l'on enchaîne les saisons au rythme élevé que permet leur édition en DVD, et que le passage du temps - normalement 1 an entre les saisons - est ainsi "artificiellement" comprimé. Globalement, l'exercice est convaincant (Beecher est devenu d'une cruauté insigne, avant de basculer dans l'Islam, Saïd révèle sa fascination pour les Blanches et chute de son piédestal de leader charismatique...), même si l'on échappe pas aux invraisemblances (les retournements d'Adebisi, le "segment psychologique" avec la rencontre entre bourreau et victimes et la séduction perverse de Keller), ni au sentiment qu'il s'agit avant tout d'une saison "de transition". On appréciera également la perspective "raciale" des conflits entre détenus comme au sein même du personnel de la prison, dans la mesure où il s'agit sans doute d'une vision lucide de la "lutte des classes" version US. A noter par contre la fin péniblement suspendue, puisque la saison s’interrompt en pleine montée de tension ! [Critique écrite en 2008, retouchée en 2015]
Saison 4 - 1ère partie :
La (première partie de la) quatrième saison de "Oz" a été visiblement conçue pour rattraper l'impression mitigée laissée par la précédente, et le scénario de ces 8 épisodes littéralement infernaux a été boosté de testostérone : les cartes ont été redistribuées à Em-city, nombre de personnages principaux sont morts ou ont été écartés, et les jeux de pouvoir entre les différentes communautés qui s'affrontent atteignent ici une sorte de paroxysme, pendant que la narration redouble de pessimisme : toute bonne action se retournera immanquablement contre vous, toute mauvaise action entraînera elle le départ d'un nouveau cycle haine-vengeance-mort. No future donc, et les commentaires off qui détaillent sans merci les tares du système carcéral ne laissent aucun espoir. Un dernier épisode remarquable, et on ressort de là à nouveau passionnés par "Oz". [Critique écrite en 2009}
Saison 4 - 2ème partie :
Si six mois après la mort d'Adebisi et le retour de McManus, rien ne va plus à Em City, pas sûr que les scénaristes de Oz se sentent très bien non plus ! Multipliant complots et morts violentes à chaque épisode, introduisant de nouvelles idées à la limite du ridicule (la palme revenant au "sérum de vieillissement"), grossissant sans cesse le trait, "Oz" semble loucher vers le succès de ses jeunes séries concurrentes, plus accrocheuses, moins préoccupées de crédibilité. Ces huit épisodes sont certainement excitants, mais "Oz", machine littéralement emballée, ne serait-elle pas en train de perdre ce qui faisait sa particularité, cette tension permanente et cette dramaturgie toute en non-dits, sacrifiées ici sur l'autel de la télévision-spectacle ?
Saison 5 :
La cinquième saison de "Oz" commence par un très bel épisode, à la construction classique, que l'on qualifiera de très "cinématographique", qui prouve le niveau auquel peut s'élever la série quand elle s'en donne les moyens. Les 7 épisodes suivants avancent avec l'habituelle férocité frontale sur le chemin tracé depuis 2 saisons : foisonnement d'intrigues violentes - dont aucune ne sera véritablement dénouée durant cette saison - et escalade dans l'horreur (gageons que pour la plus part d'entre nous, l'histoire des "gencives" restera l'un des grands moments insoutenables de "Oz" !). On déplorera un peu qu'après 5 saisons, les personnages n'évoluent plus vraiment (même le formidable Karim Saïd semble ici avoir trouvé une sorte d'équilibre...), mais il est indiscutable que le plaisir et l'excitation de la série perdurent, même dans une saison qui apparaît plutôt comme "de transition". La liquidation inattendue d'un personnage central dans le dernier épisode relance d'ailleurs notre curiosité. [Critique écrite en 2009]
Saison 6 :
La dernière saison d'une "grande série TV" représente inévitablement une gageure, on le sait , et les créateurs et leurs scénaristes se trouvent typiquement pris entre le désir - bien humain - de conclure, au risque de l'artificialité, tous les scénarios - qui ont souvent souvent proliféré au-delà du raisonnable - ouverts au cours des saisons précédentes, et celui, né d'un attachement intime aux personnages, de laisser "la vie continuer" hors champ. "Oz" a l'élégance de choisir une voie médiane : si cette conclusion, et en particulier le très long épisode final, est riche en rebondissements "terminaux" - dans tous les sens du terme -, elle nous offre aussi le plaisir de la "rédemption" de certains personnages-clé (que l'on croyait pourtant irrécupérables, mais c'est là le charme de la grande fiction américaine, que de croire en l'homme au delà du raisonnable...), échappant ainsi à la noirceur étouffante des saisons précédentes, sans pourtant nous mentir : aucune boucle n'est bouclée, rien n'est réglé, dans le fond, et tout continue. Ailleurs. Loin de Oz. Sans nous. [Critique écrite en 2009, complétée en 2016]
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Créée
le 20 août 2014
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