Enquête grotesque dans le Nord
Difficile de noter P'tit Quinquin pour ce qu'il est et non ce qu'il représente, tant la série de Bruno Dumont ne ressemble en rien au reste de la production télévisuelle francophone et ouvre une nouvelle voie que je ne peux qu'espérer prospère.
Déjà, ce qui dénote dans P'tit Quinquin, c'est la mise en scène. Pour ceux qui ne connaissent pas la filmographie de Dumont , le choc esthétique peut etre violent, surtout comparé a ce qui se fait d'autre sur le petit écran. La composition des cadres est impressionnante de minutie, la photographie d'une grande qualité magnifie les paysages nordiques, enfin le montage d'une lenteur lancinante tranche avec l'efficacité recherchée (et souvent bien artificielle) des autres séries dites policières.
Si Dumont se distingue par ses talent d’esthète, il en fait tout autant avec sa direction d'acteur. Composé d'un casting intégralement amateur, l'interprétation ne peut laisser indifférent, elle peut autant impressionner par ses trouvailles démentielles (les tics sur le visage du commandant Van der Weyden) qu'exaspérer à cause de certaines dérives (les prêtres qui passent leurs temps a rire lors de la scène de l'enterrement : on dirait une scène de bêtisier qui serait resté dans le montage final par accident). Si la pertinence d'un tel choix artistique peut prêter a discussion, la démarche stimule, intéresse et, une fois de plus, Dumont se démarque nettement de ses semblables : point d'acteur banquable ici, mais des trognes inoubliables, qui s'expriment avec une élocution incertaine, donc riche en potentiel comique. Ca tombe bien, le Ptit Quinquin est une comédie déguisée en série policière .
Une comédie drôle en plus, pour ne rien gâcher. Personnellement, je retiendrai Chtit'derman, les reflexions philosophiques du duo Van der Weyden/Carpentier, et la scène du restaurant. Tout ne fonctionne pas, certains gags étirés en longueur agacent (je le redis : la scène de l'enterrement est vraiment LOURDINGUE et a failli me faire arrêter la série au premier épisode) mais en faisant le bilan, c'est quand même positif. Le bat blesse plutot du coté de l'intrigue policière, qui aboutit sur une non-résolution, voire une non-fin. C'est bien simple, en étant sévère, on pourrait se demander quand est-ce que sortira le cinquième épisode tant on reste sur notre faim après cette succession d'interrogatoires burlesques, de meurtres a la chaine et d'indices parsemés sans logique aucune (mais bordel, qui est ce foutu motard ?). Bruno Dumont visiblement s'en fout, mais le spectateur risque de se sentir lésé. Alors que certains s'amusent à comparer cette série a Twin Peaks, il est bon de rappeler que la réussite de cette série policière burlesque tenait de l'équilibre entre la bizarrerie de Lynch et la rigueur de Mark Foster, du coup il y avait un vrai coupable qui tenait la route. Rien de ça pour le P'tit Quiquin, en résulte une série ni vraiment élitiste, ni vraiment accessible. Une série d'auteur un peu divertissante, mais pas trop non plus.
Je me rends compte que je n'ai pas vraiment parlé du personnage du Ptit Quinquin, de son amoureuse et de sa bande d'amis, alors que paradoxalement ce sont eux qui sont utilisés pour le titre et l'affiche. Les scènes avec les enfants sont moins burlesques, mettent l’enquête de coté, et poussent davantage a l'empathie, ce qui les rend moins mémorables mais pas moins intéressantes. Le racisme ordinaire, l'ombre de la guerre, la violence menacent et semblent envahir ces enfants dès le plus jeune age. Neanmoins, tout n'est pas perdu : Quinquin et Eve vivent une belle et simple histoire d'amour, à l'inverse des adultes qui ne parlent que de tromperies, d'amants et de maitresses.