Comme un petit air de Philip
Fascinante et dotée d'un humour que d'aucun décrirait de « WTF » - comme de nombreux collègues de senscritique l'ont déjà fait avant moi – Paranoia Agent est d'abord l'histoire du bruit qui court et qui enfle : Sagi Tsukiko, dessinatrice et designeuse de l'illustre Mamiro, petit Hello Kitty canin au succès important, doit se renouveler. Elle doit trouver – et fissa – une nouvelle idée pour remplir à nouveau les poches de ses patrons. Et, alors que la pression augmente sur ses fines épaules de petite japonaise coincée, un soir, voilà la (mal)heureuse qui se fait agresser par un étrange garçon aux patins à roulettes d'or et à la batte de base-ball tordue.
La construction de Paranoia Agent, loin de n'être qu'une succession d'intenses déballages de n'importe quoi, se comporte même avec une maîtrise qui se dévoile progressivement : oui, l'anime multiplie les personnages, les situations et semble même être parfaitement décousu jusqu'à ce qu'il révèle le rapport, infime mais d'importance, qui lie ses personnages et rend le tout d'une cohérence presque cruelle. Nombreux sont les épisodes qui disloquent un peu plus l'histoire et présentent de nouveaux protagonistes, de nouvelles situations... de nouveaux tabous.
Parce qu'entre l'humour acéré et décalé de l'anime, il faut bien comprendre que rien n'est réellement drôle ici bas : les personnages se succèdent et ont tous l'air particulièrement gratiné... La force du récit est alors de ne jamais se fondre dans un jugement. Personne ne vous fera la morale, c'est l'aspect le plus intéressant de cet aspect WTFiquisant qui traverse toute l'œuvre : le délire n'est pas gratuit, il est là pour disséquer le plus précisément possible la peur, l'obsession, les phobies qui habitent la société japonaise.
Et Dieu sait si la société japonaise est connue pour être joliment sclérosée ! Sans jamais tomber dans une critique sociale trop aisée, sans offrir ses morceaux de réflexion, Paranoia Agent mène son intrigue lentement mais sûrement et multiplie drastiquement les situations. Et ici, pas de contemplation masturbatoire et pseudo-intellectuelle sur des interrogations existentielles esquissées à la serpette ! D'ailleurs, à l'exception du dernier épisode – et encore – l'univers est très coloré, joue beaucoup sur ses contrastes.
Enfin, et comme une cerise sur un déjà plutôt bon gâteau, le tout fleure bon l'esprit dickien mâchonné, digéré et restitué sans lourdeur ni emprunt trop facile. On sent le Phil Dick de la grande époque, la peur de la réalité, la fuite vers l'imaginaire, la perte progressive des repères et la petite force revendicatrice qui s'ignore peut-être.