Aitor Gabilondo adapte le livre de Fernando Aramburu sorti en 2016 et applaudi par la critique, pour une page d'histoire qui s'est achevée il y a presque 10 ans mais qui divise encore aujourd'hui. Un sujet aussi délicat que tabou qu'est la lutte armée menée par l'ETA, qui, de la résistance au Franquisme se dirigera vers le terrorisme pour asseoir leur lutte pour l'indépendance. On pense inévitablement à l'IRA et à ses groupuscules révolutionnaires, à ces jeunes en quête d'idéal, et à tous ces conflits finalement inutiles en termes de résultats.
Comme souvent c'est bien une fois que les choses sont tassées que l'on décide de mettre en lumière un pan de l'histoire, bien facile aujourd'hui pour parler de réconciliation. Il faudra lire le livre pour en vérifier le propos, mais on s'attend ici à un écheveau bien construit, nous permettant de suivre les étapes, les différents groupes et meneurs, la lente déclinaison vers la rupture d'un pays partagé, la sauvegarde de la culture basque et les manipulations politiques, ou encore les liens entre l'ETA et les ouvriers qui se sont joints dans un mouvement solidaire pour nous offrir un tour historique nous permettant de saisir les enjeux d'une guerre opaque et radicale.
Mais ce sera plutôt le genre saga familiale par le portrait de deux familles désunies par le conflit pour tenter de révéler les dégâts tant humains que moraux, qu'a suscité cette guerre fratricide. La peur de représailles, le silence, le déni et la lâcheté des uns, et le combat pour un pays libre pour les autres. Le cinéaste brosse sans complaisance toute la dérive des actions de l'ETA finissant par s'en prendre à n'importe qui, pour nombre de victimes collatérales, tout autant que les violences policières, mais reste sur un panel de personnages réduits ne nous permettant pas d'avoir matière à réflexion, axant son récit sur les conflits familiaux, laissant l'ETA en toile de fond.
On n'échappe pas à des grands sentiments souvent mal intégrés, venant en porte à faux des deux personnages centraux et c'est là que le bât blesse. Par le portrait des deux mères de familles, symbole appuyé de toutes ces femmes devenues veuves, et de toutes ces mères de terroristes, complices ou pas, le cinéaste s'embourbe dans la caricature. Bittori qui revient en quête de vérité, près de vingt ans plus tard à la dissolution de l'ETA sur les lieux de l'assassinat de son mari, adepte de la remarque assassine à chaque phrase, malmenant ses enfants et à l'égoïsme récurrent n'arrive pas à nous insuffler la moindre empathie. Quant à Miren, la matriarche revancharde, se voilant la face sur les actions irréfléchies et fantasmées de son fils happé par la mécanique meurtrière, c'est la haine ordinaire qui déborde à chaque dialogue, jusqu'à l'overdose, et nous font craindre chaque nouvelle scène à venir, comme un moment éprouvant supplémentaire.
On pourra apprécier une ambiance grisâtre, terne et bien pluvieuse, pour marquer les affres dans lesquels se débattent les protagonistes et les chemins que chacun empruntera à sa propre sauvegarde, mais l'exercice est proche du mauvais téléfilm à la mise en scène sans sursaut, et aux défauts de rythme récurrents, qui n'offre aucune émotion. Plans de caméra répétitifs s'attachant aux visages constamment fermés de ses personnages, revenant sur les mêmes expressions sans subtilité. Les décors se répètent à l'envi, même village, même rue, même scènes revues sous différents angles de vues par de multiples flashbacks, ou interposant les différents points de vue des personnages impliqués, toujours dans la redondance et sans jamais ouvrir le récit à plus d'ampleur.
Même une tentative de légèreté par un soupçon de décalage pour Bittori discutant avec son défunt mari, ne trouve pas son ancrage par le personnage même qui nous est présenté.
Essayant de sortir la tête de l'eau, quelques personnages secondaires tentent d'apporter de la profondeur au récit. De la sœur au lourd handicap ce sera le symbole de l'unité, de celle en quête d'affranchissement familiale, en prise avec un frère psycho-rigide et s'auto-flagellant depuis la mort du père, c'est la lutte pour la survie, de l'ami de la famille dépassé, c'est la lâcheté et la culpabilité, ou pour l'un des fils artiste ce sera l'homosexualité qui se révèle à lui par une rencontre salvatrice et le choix de la rupture familiale. Reste une intrigue qui tourne en boucle et survole tous ses enjeux pour se concentrer dans un portrait bien pauvre de caractères contraires.
Première production HBO en Europe, qui nous invite à nous faire notre propre idée...