L'homme qui en savait trop en produits dérivés

Cette série bâtarde, mi docu, mi fiction raconte l'histoire de Paul Finkelman, un divorcé maladroit qui réalise que son jeune mariage n'est qu'une farce dans l'esprit de sa femme. Une arnaque destinée à lui soutirer son pognon. Après une enquête rudimentaire, il réalise que sa compagne est toujours en "étroites relations" avec un ex-amant, un certain Royce Rocco.

Et cette histoire de trahison, pas si extraordinaire que cela, va faire germer le fertile imaginaire de Paul. Dans un premier temps, il décide de raconter son histoire dans un livre auto édité : "Duplicity", dont la promotion bourrine sur Twitter va attirer l'attention du réalisateur Jason Woliner.

A la façon de Pierre Brochand dans le dîner de con, Seth Rogen et Woliner flairent le Schmuck de niveau mondial. Car son livre signé sous le nom Paul T Goldman, ne se contente pas de restituer tant bien que mal ce simulacre de mariage. Goldman/ Finkelman profite de cette occasion pour injecter une bonne dose de romanesque hollywoodien et faire tanguer l'histoire du côté de film d'action à la Jason Bourne.

Et l'intérêt de la série réside moins dans l'histoire qu'elle raconte que dans la mise en scène de sa figure centrale. En gros, l'idée de faire jouer au "schmuck" son propre rôle. C'est le fil conducteur comique d'une grande efficacité... à la condition d'être client de ce gars-là. Un monsieur tout le monde à la bonhomie inégalable et aux mimiques constantes (yeux exorbités, jeu avec la bouche, étonnement enfantin perpétuel). Finkelman est donc une sorte de gosse, sympathique mais aussi complètement mégalo, avide & dénué du moindre talent dramatique.

Ce qui donne son lot de décisions prises sans le moindre discernement, et de projets de piteux produits dérivés (le t-shirt Fast as you can, slam the man !) et même une déclinaison S.F de son "histoire". Car Paul est convaincu que son récit est extraordinaire et qu'il va captiver tout le monde. Et après des années d'indifférence, tant du public que des autorités judiciaires, il se voit dans l'obligation de fantasmer à fond les ballons la fin de son histoire.

La véritable audace de la série, est de lui avoir donné carte blanche pour tout. D'une partie de la mise en scène aux dialogues, Paul peut dire au réalisateur "non mais j'ai une super idée je vais regarder la caméra et dire cette phrase" et le réalisateur en face de céder mollement "ok vas-y". Ça donne des effets comiques irrésistibles si on est amusé par le personnage, car dans le cas contraire la série sera un long parcours douloureux. On peut dès lors faire un parallèle avec Tommy Wiseau, un autre personnage hors des clous, dont l'histoire a été portée à l'écran par James Franco et.... Seth Rogen.

Car si vous plongez dans Paul T Goldman avec l'intention de dévorer une histoire palpitante, vous serez obligatoirement déçus. La série est une gigantesque excuse pour le filmer sous toutes les coutures.

On peut bien sûr y voir un intérêt formel, une critique de cette mode des docus criminels racoleurs via le générique. On peut être aussi gêné pour le malheureux Finkelman d'être ainsi tourné en dérision sans qu'il s'en aperçoive, tel un sujet de l'émission Striptease.

Mais ce serait une erreur, car tout le monde y trouve son compte, Rogen & Woliner ont leur show meta, les quelques spectateurs à la recherche d'une proposition narrative différente ont leur héros, et surtout Goodman, a enfin son récit porté à la télévision. Vu la qualité du matériau de base, c'est inespéré pour ce Gary-Stu, et on ne saurait le voir en victime totale. Surtout au regard du dernier épisode, car ses torts sont énormes.