Peaky Blinders par Antevre
Il y a des séries, comme ça, on se dit qu'on ne les regardera pas. Moi et les histoires de gangs/mafieux, ça fait deux. Ca ne me dérange pas en soi, mais trop souvent on a l'impression de regarder toujours la même histoire, encore et encore, raison pour laquelle je n'ai jamais pu continuer Boardwalk Empire après son pilote. Et puis, souvent faut se taper une apologie de la violence déguisée qui est dérangeante. Du coup, moi, Peaky Blinders ça ne m'a pas tenté quand c'est arrivé. Et puis, ça a fait le buzz sur SC. Bon, en soi le genre est très populaire, donc pourquoi pas, logique. Mais ça faisait quand même un très gros buzz. Puis je me suis renseigné un peu. Tiens, c'est anglais en fait, ça change, et puis ils ont tellement plus de sens esthétique que les Américains la plupart du temps. Oh, et puis les Peaky Blinders ont l'air intéressant, des bookmakers à la base, et puis cette histoire de lames de rasoir cousues sur la casquette, ça me disait quelque chose (ça me rappelait furieusement Speedwagon dans JoJo's Bizarre Adventure, notamment, et je suppose que c'est bien de là que vient l'idée de son chapeau hérissé de lames). Puis j'ai vu des images. Wouah, c'est super beau quand même. Rooh, et puis zut. Je me suis lancé. Et puis, forcément, après avoir vu le pilote, il m'était tout simplement impossible de m'arrêter.
Le gang des Peaky Blinders, à Birmingham, en 1919, est dirigé par la famille Shelby. Bookmakers féroces, connus pour leur grande brutalité, ce sont des exclus de partout, étant d'origine gitane. Curieusement, la famille est dirigée par Thomas Shelby, le deuxième frère, et pas l'ainé, Arthur. C'est que ce dernier n'est pas très malin, contrairement à Thomas, deux fois décoré pour ses exploits durant la guerre et doté d'un sens des affaires certains. Mais aussi d'une grande rage. Thomas veut grimper. Il ne lui manque qu'une chose: une opportunité. Et quand il met par hasard la main sur une caisse d'armes militaires à la valeur immense, il tient enfin l'opportunité qu'il attendait tant. Dans un milieu ouvrier habité par les communistes et l'IRA, chassé par un nouveau chef de la police désigné spécialement pour remettre la main sur la cargaison, coincé entre la gestion de sa famille et les nombreuses embûches d'une telle entreprise, Thomas aura fort à faire s'il veut sortir vainqueur de la mêlée.
C'est... génial. Cillian Murphy, que l'on connait notamment pour être l'Épouvantail des Batman de Nolan et la cible dans l'histoire d'Inception (me demandez pas son nom) est... j'allais dire méconnaissable, mais son physique si caractéristique n'a pas vraiment changé. Il est transfiguré, d'un naturel remarquable dans son rôle. Les autres ne sont pas en reste, et on se régale de tous ces accents bigarrés.
La seule vraie faiblesse de tout cela, c'est peut-être le scénario. Il est peu original. Mais on se prend d'une étonnante sympathie pour ces outsiders qui ont décidé de se construire un destin. Ce qui distingue finalement Peaky Blinders des histoires classiques de gang, c'est le focus à la fois détaché mais intimiste vis-à-vis des Shelby. On ne les juge pas, on ne les glorifie pas non plus (si ce n'est la grande aptitude de Thomas a fomenté des plans et à improviser si nécessaire). C'est plus l'histoire de destins individuels que la reconstitution historique d'un parcours criminel (jamais d'ailleurs l'on ne ressent une volonté forte de réalisme; l'histoire est première). Et ça rend l'ensemble curieusement touchant.
Bon, parlons vite fait du gros point fort de la série, tout l'aspect artistique. Les thèmes musicaux sont remarquables, décalés par rapport à l'époque, mais on s'en fout, ça fonctionne, et ça apporte le décalage nécessaire d'ailleurs. Certains diront que c'est un peu à la louche, c'est pas faux. Mais peu importe, on sent la série qui veut faire plaisir avant tout, et ça marche. L'esthétique est époustouflante, la photographie remarquable. Curieusement, on n'y croit pas une seule seconde. Je veux dire, outre la qualité remarquable des décours et des costumes, et le très grand soin dans les détails, on se fiche de savoir si on est bien au Birmingham du début XXe ou non. La qualité esthétique est telle qu'on est instantanément plongé dans le scénario, sans réfléchir au reste.
Peaky Blinders est remarquable. On lui pardonnera aisément ses quelques faiblesses au vu de la générosité dont la série fait preuve à l'égard des téléspectateurs.