Un avertissement plus qu'un divertissement
L'histoire n'est pas sans rappeler Eagle Eye ou Conspiracy. Il serait néanmoins stupide de la résumer à ces films tant l'échelle et la manière de traiter le sujet sont différents. À l'inverse des deux films cités qui viennent quelque peu ridiculiser l'idée de surveillance et faire croire que les héros sont récompensés dans les Etats-Unis réels (allez dire ça à Snowden), cette série remet la réalité à sa place : le « méchant » n'est jamais la machine, toujours potentiellement celui qui s'en sert. Deux étoiles pour cette vérité.
Faire des personnages originaux est devenu la norme, au point que l'original soit devenu la normalité, le cliché. Cette série n'y échappe malheureusement pas. John, froid, insensible, dont la connaissance stratégique et combattante est infuse, réunit toutes les caractéristiques du personnage mystérieux et profondément blessé, typique de l'idéal du « héros qui se sacrifie » américain. Pour vite conclure sur ce point noir, on reste en somme dans la désespérante fainéantise scénaristique américaine du « sait tout faire », « a des contacts toujours au bon endroit », de l'argent tombant du ciel, des ressources inespérées. Moins deux étoiles pour cette lassante dimension.
Un plus et à la fois un moins, le côté tordu de la trame des derniers épisodes, qui a autant le don de surprendre pas ses coups de théâtre, que de « blaser » par ses issues et soulagements in-extremis. Une étoile pour la recherche, moins une pour l'irréalisme.
Les 4 dernières étoiles reviennent au point le plus intéressant de cette série, la réflexion autour de la surveillance et sa mise en place. En effet, le réel intérêt de cette série réside dans l'aspect technologique et philosophique. L'inlassable lutte étasunienne contre le terrorisme est toujours présentée par les voies officielles comme une lutte pour le peuple, une sécurité nationale. Dans la série, le gouvernement se fout royalement de savoir qu'un citoyen lambda est en danger (la fonction de the machine), mais ne s'intéresse qu'aux attaques terroristes. En lisant entre les lignes, il apparaît clairement que cette lutte ne sert qu'à préserver le système mis en place, au diable la sécurité nationale. Ce semblant de dénonciation n'est en fait qu'une description des plus véritables de la réalité, ce qui mérite un sacré levé de chapeau. Outre cette fine retranscription, c'est le procédé en lui même qui est d'une grande cohérence tout en étant à la fois « possible ». Les données nécessaires à l'élaboration de cette machine sont d'ores et déjà entre les mains d'intérêts privés, où d'organismes étatiques un soupçon occultés. Des ersatz de cette machine fictive existent actuellement déjà, il semble n'être qu'une question de temps pour qu'elle puisse permettre d'atteindre des résultats semblables à ce que l'on peut retrouver ici. Impossible cependant d'imaginer une machine unique et autonome pouvant faire cela ne serait-ce que sur toute une ville. Alors bien que « the machine » reste et restera à jamais une fiction, elle joue le rôle d'une caricature : une exagération certes, mais un avertissement quand même.
Les « anticipations raisonnables » sont fondées sur des spéculation de ce que pourraient devenir les germes du « progrès » d'aujourd'hui. Si les idées pures et les inventions que l'on croit sorties de nulle part n'existent pas, l'histoire nous montre que certains de ces spéculateurs, tels Orwell ou Huxley ont tapé très juste et ce de manière terrifiante. Sans comparer Nolan frère à un Orwell ou un Huxley, sa fiction doit à mon sens plutôt être prise au sens pur de l'interprétation, l'histoire et les personnages sont superficiels et superflus. Ce n'est peut-être pas du tout ce qu'il a voulu faire, mais voilà dans sa série la seule perspective réellement pertinente et novatrice à mon goût.