Quel étrange projet. Tellement de fric investi pour produire ces décors et effets spéciaux hollywoodiens, tellement de fric investi sur un concept si peu consistant et maturé.
Cela me rappelle certaines bandes dessinées SF qui ont tendance parfois à bâcler le travail. Les auteurs mettent leur énergie sur l'esthétique et la thématique qui les intéresse, puis ils brodent autour en pensant que c'est suffisant pour faire quelque chose d'impactant et profond.
Dans notre cas, on comprend très vite que l'auteur (Aaron Guzikowski) veut spécifiquement parler de religion et nous partager sa vision on ne peut plus étriquée du futur, vision qui n'a malheureusement absolument rien de vraisemblable. En fait, les fondations de cet univers sont si fragiles et artificielles qu'on est bien plus dans du fantastique que de la (Hard) SF. Et le pire, c'est que l'apprécier sous cet angle ne le sauve pas, mais ne fait que révéler ses faiblesses.
Pour contextualiser, dans Raised by Wolves on nous oppose un culte religieux quasi-moyenâgeux et des androïdes athéistes pro-science, dont un spécimen qui a la particularité d'être un facho sanguinaire... Alors ça joue avec les symboles, 'ttendez : ce personnage, lorsqu'il passe en mode terminator, se met à voler en forme de croix tel Jesus crucifié...
Ci et là on insiste, l'air de rien, pour faire des parallèles en mode "L'athéisme n'est qu'une religion, regardez". C'est pompeux, vaguement réac, et donc pas du tout enrichissant intellectuellement. Autrement dit, tout le contraire de ce que j'attends d'une œuvre SF.
En face de ces héritiers mécaniques de la science et de l'athéisme - qui d'ailleurs n'ont aucune cohérence entre eux dans leur psyché (sans parler de leurs capacités émotionnelles qui varient au besoin du script) - on a une sorte de troupe de templiers paumés (bizarrement nettement moins radicaux) en quête d'une terre promise ou saint graal de service. Je n'exagère même pas en disant "templiers", il suffit de jeter un œil à leurs costumes à peine moins grotesques qu'un Sacré Graal.
Et donc ce qui occupe ces personnages bien peu développés psychologiquement, et accessoirement le spectateur, ce sont des bribes d'intrigues, que j'appellerais plutôt des "aléas". Un jour machin disparait, le jour d'après une bête attaque, une autre fois machine (haha) a une crise existentielle ou une vision, une autre fois encore un gamin se rebelle. Tout le monde galère dans sa petite vie de survivaliste, mais il n'y a pas de grand arc narratif, d'horizon qui se dessine. C'est là où tu te demandes si l'auteur n'était pas simplement fasciné à l'idée de pouvoir illustrer sa vision des humains, croyants et non-croyants, au point d'avoir oublié de concevoir un fil rouge et une destination pour son concept.
Même le mot "concept" est galvaudé dans le cadre de l'analyse de cette série. Il fait sens de parler de concept quand un auteur de SF établit un postulat clair et crédible sur sa vision du monde, et qu'il explore les répercussions plausibles au long terme. Mais ici tout est fumeux comme dans un mauvais Winding Refn. On touche, on frôle des sujets, sans jamais s'impliquer sérieusement et à fond. Donc en fait cette série peut aller n'importe où et faire n'importe quoi. Il n'y a aucune loi, aucun support clair dès le départ. L'auteur a laissé des trous dans le background de l'univers pour à loisir créer des flashbacks justifiant des comportements ou des directions nouvelles. De plus en plus de personnages se mettent maintenant à entendre des voix. Tout est possible donc tout est foutu d'un point de vue cohérence. Tout est donc au bon vouloir des états d'âme et de l'inspiration du moment de l'auteur.
Vu les moyens investis et HBO derrière, j'ai du mal à croire que ce soit aussi limité, aussi friable et qu'il n'y ait que cela. Mais ce qui est sûr, c'est que cette série peine lourdement, par son écriture indisciplinée, à se rendre intéressante et immersive.
Quand on voit le révisionnisme pathétique d'Alien (Covenant) à travers le prisme de la bible qu'a effectué Ridley Scott, je ne suis même pas étonné qu'il ait supporté et défendu un tel projet.
(Regardé jusqu'à l'épisode 6)