Raised by Wolves
6.7
Raised by Wolves

Série Max (2020)

Par rapport à d'autres expériences "sérielles" récentes, celle-ci offre la particularité d'empiler les déceptions par-dessus le désappointement original.


SPOILERS AHEAD


Je m'attendais d'abord à une oeuvre de "hard-fi" aride traitant d'une nouvelle humanité éduquée par des robots sur une planète lointaine - potentiellement des millions d'années après notre destruction. Les implications techniques, physiologiques, psychologiques, etc. étaient vastes, le projet ambitieux : quelles seraient les lacunes de l'éducation programmée de ces enfants du futur? Comment serait choisie leur terre d'accueil? Et déjà, pourquoi serait-ce la seule solution pour donner une chance de survie à l'humanité, qui serait coupée du seul environnement qui garantissait son existence ?
On touche aux limites de la science-fiction : une série peut-elle se mettre à la hauteur d'un projet technique aussi ambitieux pour en donner une représentation réaliste? La s-f pète-t-elle par définition plus haut que son cul?
Heu, oui, bien sûr. Mais elle peut essayer de limiter les dégâts.


Cette série dévoile très progressivement les circonstances terrestres qui ont abouti à cet exil, et ne donne aucune raison ni explication pour le choix de la nouvelle villégiature. La Terre était en guerre - what's new? Le trajet n'a pris qu'une année - tiens donc? Des humains de l'équipe adverse débarquent au même endroit 12 ans plus tard - ah oouuuais? - du même (sic) côté de la planète, aride mais néanmoins pourvu d'une atmosphère adaptée à notre respiration - bien sûr.
Soudain, ça devient moins captivant : je croyais que la survie de l'humanité était en jeu, mais la poignée de rescapés continue de s'entretuer joyeusement à quelques années lumières de chez eux, pas de tracas.
Ah et c'est pas tout, il y a des animaux. Qui ressemblent drôlement à des gens, tiens.
Ah et puis il y a des fantômes.
Ca commence à faire beaucoup tout ça. L'atmosphère initiale sombre, prenante, soutenue par des visuels réussis et des acteurs intenses... Se met à ressembler à une allégorie chrétienne où rien ne se justifie sur le plan scientifique mais sert juste à rentrer dans le cadre mythologique - que ce soit l'arche de Noé, ou l'exil des Juifs d'Egypte... Puis se transforme en une version de Lost située non plus sur une île mais sur une planète ; avec son accumulation de mystères dont la clé nous sera révélée au bout de cinq saisons; ses ennemis; son entité immatérielle qui contrôle/envoie des messages télépathiques/etc...


J'avais pas signé pour ça mon capitaine !
Et voilà que la série familiale devient une série familiale ... Mascotte comprise (la souris)! Carrément Lost in space !


Mais c'est pas tout... Il va bien falloir admettre que les méandres peu convaincants de l'intrigue (sans parler du fait que l'androide soit détournée de sa fonction initiale d'arme de guerre par un hacker génial, et pas simplement une matrone conçue et envoyée par l'humanité à une distance qu'aucun humain vivant n'aurait pu traverser) convergent vers les travers du Ridley Scott tardif, tels qu'on les subit depuis Prometheus, à base de peintures rupestres préhistoriques sibyllines, de polyèdre mystérieux et allons-y tant qu'on y est, de serpent volant (Quetzalcoatl anyone?)...


FIN DES SPOILS
https://fr.wikipedia.org/wiki/Astroarch%C3%A9ologie
"""



Le Ridley new age a pas fini d'arriver.



23 avril 2022 : la deuxième saison continue sur sa lancée. Seuls les robots ont le charisme et l'intelligence, laissant l'obscurantisme et l'ignorance aux survivants composés de la lie de l'humanité suivant aveuglément les diktats de deux intelligences artificielles jouant une guerre intemporelle dans laquelle ils sont les pions à sacrifier... On retrouve les éléments principaux de la série Lost et des Aliens écrits par Lindelof (androides sournois et mutations à tout crin).


La "patte" Damon Lindelof se confirme, de Lost à ses scénarii pour les Aliens, de la planète hostile truffée de biotechs léthales qui infectent et transforment les vivants, aux androides faussement sympas (dont la duplicité leur permet de tout simuler, y compris les émotions, sauf la "chaleur animale"), des trous mystérieux aux reliques vraiment très mystérieuses, aux gens habités d'une mission contrôlés par des voix qui les ressuscitent si besoin est... Sans oublier le défaut de TOUTES les fictions produites par Ridley Scott, qui partent d'un sujet prometteur (portrait de l'un des inventeurs de la bombe nucléaire qui était aussi un disciple d'Aleister Crowley ; intrigues autour de la conquête de voies commerciales entre la compagnie des Indes, la couronne d'Angleterre et les Amériques ; l'exploration de planètes habitées par des formes de vie hostiles mais intrigantes ; les mafias ; les guerres de religion ; l'intelligence artificielle...) pour nous offrir des personnages antipathiques et inintéressants, des films au scénarios mal construits et des séries dont l'intrigue ne démarre qu'à l'avant-dernier épisode.


Cette saison confirme l'inspiration des thèses de Daniken : les mythologies humaines sont empruntées à des technologies extra-terrestres, ainsi de Quetzalcoatl et des transformations infinies dont sont capables les dieux grecs et que l'on retrouve dans la plupart des folklores et en particuliers les récits des origines du monde, et bien sûr les androides tueurs qui accomplissent leur tâche les bras en croix, et dont il est confirmé toujours sans l'expliquer, qu'ils sont une technologie empruntée par les humains. "Grand-mère" va d'ailleurs tenir un discours qui permet de clore le débat si jamais on regrette les zones d'ombre, lacunes, incohérences du produit fini de cette série : "Vous ne pouvez pas comprendre" (pourquoi l'ennemi cherche à éradiquer toute vie).


RBW souffre des tares les plus banales qui ont détourné le grand public de la SF pendant tant d'années : des concepts abscons et des personnages sans intérêt. Quand c'est de la littérature pour geeks aux idées puissamment développées, comme chez Asimov, ça passe. Mais dans une série télé, qui se la pète tout en ressassant des thèmes parfaitement éculés... Il est tout de même étrange d'être passés des films et séries débiles pour enfants à ce genre de produit dénué du moindre attrait de base. L'intrigue lance des pistes qui font promptement chou blanc, par la grâce de sangsues, de robots tueurs, de dent contaminante (marrant, une seule vieille petite dent suffit à modifier l'ADN en un temps record, mais quelques sangsues rectifient une longue métamorphose tout aussi facilement, et les mers d'acide, elles, ne produisent aucune émanation ni effluves nauséabondes, d'ailleurs on peut tripoter tout ce qui en sort aussi vite, et se balader à la plage sans souci - ETC.), de super-intelligence pas si maligne finalement, etc. Je la regarde par curiosité, avec le léger espoir de voir passer quelque chose de stimulant, en lisant un bouquin ou en grattant un mbira.


L'intrigue progresse comme il convient par une suite de Deus Ex Machina.


Addendum : deux critiques d'un éclaireur curieux (Philou ) apportent justement une lumière sur la démarche des oeuvres de sf auxquelles s'est associé Scott ces dernières années, attachées à explorer certaines des théories les plus récentes sur l'évolution de l'humanité et de la vie dans l'univers. Le film Covenant et cette série montrent l'humanité aux prises avec un environnement transformé en arme ("weaponized") qui semble continuer une guerre bien après que les belligérants soient morts ou partis, comme des mines repandues dans la nature, organismes hostiles issus de l'ingénierie biologique - les humains contaminés continuant à leur corps défendant ce conflit, en étant ou non l'une des espèces directement visées.


https://www.senscritique.com/livre/la_vie_extraterrestre/critique/265535453
"Nous voici arrivés pratiquement au terme du voyage, j’évoquerai juste pour la forme les deux derniers chapitres. Celui sur l’intelligence artificielle : imaginons que des civilisations extraterrestres, très avancées, aient créé des plantes et des animaux artificiels s’autoreproduisant à tel point que les extraterrestres « autochtones » se retrouvent dépassés et remplacés par leurs créations « On aboutirait alors au scénario de civilisations uniquement composé d’organismes artificiels qui se nourrissent, se reproduisent, se battent et coopèrent, aucune des créatures de ces mondes n’ayant évolué "naturellement". »


Et la fin de la seconde saison ouvre vers une autre forme de manipulation biologique moins directe mais tout aussi efficace, du moins ici, les jeux vidéo comme moyen d'abrutissement (hé hé sans blague, avec la douteuse notion de ''dévolution'') - or une autre critique de Philou s'intéressait à un livre envisageant l'histoire en train de se faire, et certains mécanismes neurologiques qui enfermeraient l'humanité dans des comportements inadaptés, visant à la réconforter plutôt qu'à affronter les enjeux de survie qu'elle s'est fabriqués involontairement.
https://www.senscritique.com/livre/Ou_est_le_sens/critique/247031113
''que faire pour ne plus se duper soi-même, ne plus penser à la réalité qui nous angoisse ? Aujourd’hui, « Il est possible de passer toute sa vie à meubler son temps, à surfer sur Internet, à papillonner sur les réseaux sociaux […] L’essentiel est de ne pas penser. » On peut même, en quelques années, faire rétrécir le volume de son cortex cingulaire (avec certains jeux vidéo, par exemple) : « Plus de conflit, plus de dissonance, plus de problème. »''
(L'auteur pense avoir identifié le siège du besoin de réassurance / croyance dans le cerveau - un thème central de cette série qui oppose deux dogmatismes - théiste et scientiste - conduisant l'humanité à sa perte )

ChatonMarmot
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le 1 nov. 2020

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