Élégante et aseptisée, dans un décor des années cinquante somptueusement détaillé et parfaitement exécuté, se dévoile une intrigue qui malgré tout peine à prendre place. Ratched est avant tout une œuvre visuelle. De la photographie parfaitement exécutée aux costumes incroyables, Ratched nous en met plein les yeux, nous sommes plongés avec elle dans un autre monde.
Si le générique nous offre une délicieuse version de la célèbre Danse Macabre de Camille Saint-Saëns, la bande originale composée par Mac Quayle semble venir tout droit de l’univers de Ratched. Dans un style symphonique, nous sommes bercés par une musique qui souligne l’intrigue parfois sous des airs du grand Psychose d’Hitchcock mit en musique par Bernard Hermann. La musique se fond dans le décor, le sublime et l’anime. Sur de nombreuses scènes l’on pourrait même penser que la musique fait l’action, semblable aux films muets mis en relief par les musiciens en salle.
Cependant malgré de solides fondations, l’intrigue de Ratched nous dévoile dès les premiers épisodes ses fragilités.
Une belle photographie, dans un magnifique décor, une musique tout aussi soignée, un casting impressionnant, un synopsis intriguant… ne suffisent pas à construire une bonne intrigue. Les personnages, aussi intéressants soient-ils, manquent souvent d’authenticité et d’aboutissement. L’apparente froideur de Mildred, cachée sous une lourde carapace nous empêche de comprendre totalement ce personnage. Mildred nous inspire, et je souligne ici la très belle interprétation de Sarah Paulson, mais la relation de compassion avec elle, notre capacité à comprendre son passé et à désirer ce qu’elle désire manque cruellement de fond. Je regrette que le profil psychologique de ce personnage ne soit pas plus poussé. Sans cela, ses aspirations homosexuelles apparaissent presque illogiques sur elle, irréelles, nous n’y croyons pas. De même son passé ne nous touche pas : le peu de flash-back y faisant allusion ne sont absolument pas suffisants pour nous plonger dans le psychisme complexe de Mildred Ratched. La carapace est trop solide et la réalisation nous empêche de nous projeter complètement en elle, ce qui est fort regrettable. Il en est de même pour Edmund Tolleson : il est très dommage que ce dernier ne nous montre à aucun moment le moindre attachement pour Mildred. Dès le début nous comprenons qu’il s’agit d’une relation sans issue, que Mildred va s’y perdre et qu’Edmund n’en sera pas affecté pour le moindre. Une relation plus intense, plus complexe, équilibrée et à la fois contradictoire aurait peut-être été une autre issue ? Ces personnages manquent de quelque chose certes, mais peut être que leur aspect trop caricatural de ce qui s’est déjà fait, ou bien même de ce qu’ils sont eux-mêmes est à prendre en compte. Nous retrouvons d’ailleurs les mêmes problèmes avec Dolly ou encore Charlotte Wells.
Le rôle de la jeune infirmière Dolly est lui aussi très décevant. Ses actes et ses pensées non fondées seront certes d’une grande aide pour faire avancer le scénario mais au détriment de l’authenticité. Tout est trop gros, trop facile et cela sonne bien souvent faux. Il en est de même pour Charlotte Wells qui semble venue de nulle part, comme placée dans le scénario pour son utilité à faire avancer l’action. Charlotte passe d’un rôle de patiente inconnue à celui d’un personnage phare qui conduira toute l’action des derniers épisodes sans vraiment de lien logique, ni de raison. Les choses sont amenées de manière abrupte et casse le fil de l’intrigue qui se construisait doucement.
Seul le personnage de Betsy reste selon moi un vrai délice. Très dense, repoussant et touchant, le rôle de Betsy est, à mon sens, l’une des plus belles réussites de la saison 1 de Ratched. Judy Davis incarne ici parfaitement ce personnage qui connaitra au fil de la saison une évolution incroyable. Nous la détestons puis nous l’adorons : ce pari est réussi.
La folie est un sujet passionnant mais à condition de bien savoir la doser, tout comme l’avait parfaitement compris Ken Kesey dans Vol au-dessus d’un nid de coucou. Chez Ratched, le personnage d’Edmund semble vouloir malheureusement être une pâle imitation de Randle Patrick McMurphy mais sans y parvenir. Répéter un classique peut être une tentative très risquée. De même, le fils de Lenore Osgood tente une incarnation d’une folie intense qui ne donne finalement pas beaucoup de sens ni de direction à l’intrigue. L’on pourrait d’ailleurs suspecter ces deux personnages de la famille Osgood, bien que magnifiquement interprétés par Sharon Stone d’une part et Brandon Flynn d’une autre, de n’être que des éléments qui permettent de justifier une source à l’intrigue…utiles pour la réalisation mais desservant l’histoire pour le spectateur. Trop de personnages dans Ratched seraient « excusés » par la folie faisant ainsi perdre toute crédibilité à l’intrigue.
Ainsi, sous ses airs très séduisants Ratched n’a-t-elle peut-être finalement pas réussi à tenir toutes les promesses dans lesquelles elle s’était engagée ? Ou peut-être simplement s’est-elle embarquée dans un projet qui l’aura dépassée ? Dans tous les cas, la déception est finalement et malheureusement au rendez-vous, mais je n’oublierai ni la qualité de la photographie, de la musique ou encore ce casting incroyable qui m’ont permis d’aller tout de même au bout de ce premier volet sans aucune peine. A ce stade, nous pouvons nous demander qu’en sera-t-il des saisons à venir ?