Rectify
7.5
Rectify

Série SundanceTV (2013)

le retour à la maison devient un trip métaphysique et la lenteur devient une forme d'art zen

Rectify, c’est un peu comme si tu prenais un drame carcéral, que tu l’épluchais couche par couche jusqu’à ce qu’il ne te reste plus que l’essence pure de la rédemption, des traumatismes, et des silences pesants. Pas de rebondissements haletants ici, mais plutôt une lente méditation sur la vie, la culpabilité, et le temps qui passe… un temps qui, d’ailleurs, semble parfois s’être figé. Alors si tu aimes les séries où chaque regard en dit plus long qu’un dialogue de dix pages, bienvenue dans Rectify.


L’histoire tourne autour de Daniel Holden, un homme qui a passé 19 ans dans le couloir de la mort pour le meurtre de sa petite amie, avant d’être relâché grâce à de nouvelles preuves ADN. Libéré, certes, mais pas vraiment innocenté aux yeux de tout le monde. Le voilà donc de retour dans sa petite ville du sud des États-Unis, où tout le monde semble avoir une opinion bien tranchée sur son cas, et où lui-même n’est plus tout à fait sûr de qui il est, ni même de ce que la liberté signifie. Spoiler : ce n’est pas vraiment la balade tranquille que tu imagines.


Rectify, c’est avant tout une étude de personnage. Daniel Holden, joué par Aden Young, est un homme brisé, figé dans le temps, qui doit maintenant réapprendre à vivre dans un monde qui a continué sans lui. Ses interactions avec les autres sont souvent étranges, comme s’il venait d’atterrir sur une planète où il ne connaît plus les règles du jeu. Et il faut bien l’avouer, Daniel n’est pas un héros classique. Il ne part pas en quête de justice ni de vengeance. Il est plutôt dans une quête existentielle où chaque journée passée en dehors de sa cellule est à la fois un cadeau et un fardeau.


La force de la série réside dans son rythme, qui est si lent qu’il frôle parfois le contemplatif. Si tu t’attends à des explosions ou à des courses-poursuites, tu t’es trompé de série. Rectify prend son temps, et il te fait ressentir chaque seconde de ce retour à la vie. La série est pleine de moments suspendus, de silences pleins de tension, et de scènes où Daniel semble être en apnée permanente, comme s’il attendait de comprendre pourquoi il est encore là. Mais c’est dans cette lenteur que réside toute la beauté de la série : elle te fait entrer dans l’état d’esprit de Daniel, ce gars qui a passé presque deux décennies enfermé dans une petite cellule, et qui découvre maintenant un monde extérieur qui peut paraître tout aussi étouffant.


Les autres personnages ne sont pas en reste. La famille de Daniel est aussi un élément clé de cette fresque psychologique. Sa sœur, Amantha, est une guerrière farouchement loyale qui a passé des années à se battre pour sa libération, mais qui se retrouve maintenant à gérer un frère qu’elle a idéalisé mais qu’elle ne comprend plus vraiment. Sa mère, Janet, est une figure de douceur et de douleur, essayant de recoller les morceaux d’une famille éclatée. Et puis il y a le beau-père, Ted Sr., et surtout Ted Jr., qui ne voit en Daniel qu’une menace pour son statut et sa vie. Chaque personnage est un microcosme de douleur et de réajustement, et les relations entre eux sont un véritable terrain miné émotionnel.


Visuellement, Rectify est une œuvre d’art. Les paysages du sud des États-Unis, avec leurs vastes étendues de champs, leurs petites maisons tranquilles, et leurs routes désertes, donnent un cadre à la fois paisible et oppressant à l’histoire. Tout semble en sommeil, comme si le temps s’était lui aussi arrêté pour regarder Daniel essayer de recoller les morceaux de son existence. La photographie est magnifique, chaque plan est soigné, presque poétique, et cela renforce ce sentiment d’introspection permanente. Tu n’es pas juste en train de regarder un homme se reconstruire, tu es en train de vivre, de respirer avec lui chaque moment de sa renaissance.


La série, cependant, n’est pas sans quelques défauts. Sa lenteur, qui est à la fois sa force et sa signature, peut parfois devenir frustrante. Il y a des moments où tu te dis : "OK, mais quand est-ce qu’il se passe quelque chose ?" Rectify n’est pas là pour te livrer des twists toutes les dix minutes. C’est une série qui te demande de t’asseoir, de prendre ton temps, et d’accepter que la vraie tension ne vient pas des événements eux-mêmes, mais des non-dits, des regards, et des micro-décisions que chaque personnage doit prendre pour avancer.


Le thème de la rédemption est omniprésent, mais ce n’est jamais traité de manière simpliste. Daniel n’est pas un héros ni une victime classique. Il est complexe, ambigu, parfois difficile à cerner, et la série ne te donne jamais vraiment toutes les réponses sur ce qu’il ressent ou sur ce qui s’est vraiment passé. Elle préfère te laisser dans une zone grise, un peu comme Daniel lui-même.


En résumé, Rectify est une série lente, profonde et introspective, qui te plonge dans l’esprit tourmenté d’un homme qui tente de retrouver un sens à sa vie après des années d’enfermement. C’est une série où la beauté réside dans les silences, dans les gestes hésitants, et dans cette quête permanente de vérité. Si tu es prêt à te laisser porter par un récit où la contemplation est reine, alors Rectify est une expérience unique qui mérite qu’on prenne le temps de la savourer.

CinephageAiguise
8

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Créée

le 9 oct. 2024

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