Les 500 jours de Timothée Hochet
La thématique de l'histoire d'amour 'unique' m'agace particulièrement. Souvent les gens s'imaginent être uniques, avoir une relation différente des autres. C'est ce que l'on croit tous. On cherche à se différencier des autres. Tellement de gens qui disent, par exemple : 'personne n'avoue quand un bébé est moche, mais moi si'. C'est le genre de phrase que tout le monde dit et pense. Le culte de l'individualité. Soit. Est-ce qu'une oeuvre ayant cette thématique doit être mauvais à mes yeux, obligatoirement ? C'est vrai que "500 days of Summer" m'a bien ennuyé, mais ce n'était pas seulement à cause de son fond : le scénario était somme toute assez banal, la mise en scène bourrée d'effets de style, de quoi agacer. Puis j'ai un contre exemple : "Eternal sunshine of the spotless mind". On ne peut pas faire plus unique que ça, toute cette arrogance a de quoi écoeurer. Et pourtant j'ai adoré le film : le scénario comporte des défauts, mais Gondry parvient à transcender celui-ci grâce à une mise en scène inventive. Tout ça pour dire que je ne tiens pas compte de mes convictions en ce qui concerne le(s) thème(s) d'une oeuvre, du moins j'essaie ; le fait est, je considère que tout le monde a le droit de s'exprimer, d'avoir sa propre opinion et je trouve ça toujours un peu 'fasciste' lorsque quelqu'un accuse un film d'être mauvais juste parce qu'il présente une idée qui n'entre pas dans son champ de convictions ; ainsi, je pense que même un film raciste peut s'avérer intéressant, car au final, ce n'est pas le sujet qui intéresse, mais la façon dont il est articulé ; le cinéma est un moyen d'expression, et c'est donc la façon de s'exprimer qui va titiller mes neurones. En ce qui concerne "Relationship"... et bien c'est pas fameux, la façon dont l'auteur s'exprime.
Déjà, ce qui me rend perplexe, c'est la façon dont l'auteur présente son oeuvre. Il affirme qu'il a conçu ce film qu'il a écrit et réalisé pour être vu d'une traite, comme un long métrage, mais qu'il nous le présentera sous forme de mini série web, et que ceci pourrait expliquer les coupures d'un épisode à l'autre. N'est-ce pas se tirer une balle dans le pied que de déclarer cela ? Donc l'auteur imagine une histoire, qu'il charcute de son plein gré, et dit que cela justifie des éventuels problèmes... Ce nest franchement pas très malin ; de plus, je ne constate aucune chute de rythme liée à ce charcutage, au contraire, les cliffhangers habituels de série sont bien présents... Et je pense que s'il avait monté les épisodes bout-à-bout, j'aurais été encore plus sévère, car dans ce cas là, des problèmes de rythme se seraient révélés de par l'aspect décousu de la narration!
L'écriture laisse vraiment à désirer. L'histoire manque cruellement de conflits. Par conflit, entendez une possibilité de se battre, de surmonter des épreuves, et non pas juste des scènes où le personnage est tristounet. Car le scénario ne présente que deux types de scènes : des moments misérabilistes (snif) et des moments de bonheur (youpie). Rien entre les deux, rien qui ne fasse transition. Pas de moment où les personnages peuvent vraiment se battre. Pas d'objectif non plus, mais comme le résumé indique clairement qu'il s'agit d'une 'vraie' histoire d'amour de A à Z, on se doute assez vite, au vu de l'âge des personnages, de l'issue, donc le spectateur attend de voir le dérèglement arriver. Et il arrive. Mais impossible de s'y identifier puisque, comme dit plus haut, les personnages ne connnaissent aucun réel conflit.
On sent que l'histoire est tirée d'expériences personnelles douloureuses, mais est-ce que cela suffit? Non, pour qu'un fait divers vaille le coup d'être raconté, il faut le 'cinématographier', suivre des règles de dramaturgie de base : construire des personnages, construire une intrigue. L'auteur le fait un peu, il amène des éléments propres au langage filmique (des petites voix intérieures, une morale sirupeuse sur la fin), mais rien de cela n'est très construit.
Prenons les personnages : certains apparaissent pour un épisode ; venus de nulle part, ils ne servent pas à grand chose et on en reparlera plus jamais (tant mieux, pourra-t-on dire). L'ami imaginaire, par exemple, n'a un rôle que très relatif, de plus il déforce le côté fantastique déjà amené par les différentes consciences internes (qui suffisaient à rendre compte d'une autre réalité). Autre personnage inutile, le petit vieux qui donnera son conseil digne d'un prophète de chez Prisunic ; sa disparition est d'autant plus drôle qu'on ne reparlera plus de lui par après... (quel deuil). Mais le pire reste les personnages principaux : aucune construction n'est établie, aucun jeu sur la complémentarité, ou l'opposition ou la ressemblance... rien. Quoique ces personnages se ressemblent en ceci : leur seul trait de caractère est qu'ils se montrent sarcastiques lorsqu'ils parlent... et arrogants aussi. Mais cette caractérisation ne sert jamais l'intrigue, c'est juste une façon de parler qui agace parce que c'est un peu comme si un seul personnage se parlait à lui-même. Dès qu'un personnage secondaire gagne quelques lignes de dialogues, on retombe dans ce ton, comme si l'auteur ne savait écrire autrement. C'est bien dommage.
Là où l'on aurait pu s'attendre à un peu plus d'approfondissement, toujours par rapport au développement des personnages, c'est lorsque les consciences se manifestent intérieurement (dans une autre réalité) : lorsqu'on a la colère qui parle à la raison ou à la lubricité, on ne peut s'attendre qu'à du bon dialogue... erreur ! Une fois de plus, l'auteur échoue à rendre compte d'une caractérisation simple, et au final, toutes ces consciences se ressemblent trop,et l'on assiste, une fois de plus à la conversation entre un personnage, et lui-même.
Evidemment, les dialogues, globalement, ne peuventt être que mauvais, puisque n'enrichissent ni l'intrigue, ni les personnages. Il reste la volonté de vouloir faire parler les personnages comme dans la réalité. C'est sans doute ce qu'il y a de plus réussi... sauf que j'en reviens à cette nécessité de cinématographier la réalité ! Si j'avais envie d'écouter des gens parler comme en vrai, avec les mêmes hésitations, les mêmes redondances d'un dialogue à l'autre, je m'enregistrerais juste quand je parle à quelqu'un pour ensuite m'écouter ou bien j'irais chez des amis et je serais attentif à toutes leurs conversations...
Le pire, c'est que l'écriture se dégrade vraiment au fil des épisodes, comme si l'auteur n'avait pas vraiment su comment terminer son histoire. Le dernier épisode est vraiment ultra décousu, ça part dans tous les sens, c'est très pauvre. Au final, quand je relis le résumé, une histoire d'amour de A à Z, je me dis que l'auteur a oublié pas mal de lettres, quand même... Et les quelques lettres abordées ne sont jamais que survolées. C'est ça aussi le manque de conflits ! Par exemple, on aborde la jalousie, sauf que ce n'est pas vraiment installé, pas vraiment approfondi : d'un coup le héros se dit jaloux, mais dans les faits, rien ne l'indique vraiment... et ce problème sera assez vite résolu par la suite, bien qu'il prenne des proportions ahurissantes pour le peu que ça représente.
La mise en scène est bourrée de maladresses. Autant d'effets de style, ça donne envie de chier un nain de jardin. Les zooms incessants ne veulent plus rien dire au bout de 5 minutes, tant l'auteur les utilise machinalement, sans chercher à dire quoi que ce soit, ou bien par facilité (ça accroche le spectateur). Les musiques sont vraiment trop présentes aussi. Chaque épisode comporte au moins une scène où le montage suit une musique : c'est inintéressant car ces moments servent principalement à ellipser ce qui pourrait être long à raconter normalement (ceci dit, je pense qu'il ya toujours des alternatives si l'on est créatif), que cela ne développe par les personnages, que ça n'enrichit pas une situation. Les musiques sont belles, digne du cinéma indépendant, je pense d'ailleurs que ces passages fonctionnent uniquement grâce à ça... et peut-être à la qualité de l'image qui là aussi rejoint une grammaire du ciné indie. Mais ça lasse, c'est facile. Puis c'est bien dommage de claquer autant d'argent dans une caméra si c'est pour que le son ne suive pas derrière.
Parce que des problèmes de sons il y en a beaucoup : un mixage raté (certains dialogues sont très bas, d'autres très haut), la musique qui bouffe les dialogues, les acteurs qui articulent très mal, ... On ne comprend pas toujours ce qui est dit, ou alors il faut monter le son très haut, au risque de se faire du mal lors des passages musicaux ou d'une scène suivante mieux calibrée.
On peut dire que toutes ces idées qui relèvent de la mise en scène, sont décousues, c'est-à-dire que l'auteur ne suit aucun logique, qu'il met tout ce qu'il trouve de bien dans son film. Le résultat, c'est que ça manque d'homogénéité et surtout de cohérence dans l'utilisation de tel ou tel artifice (par exemple, l'épisode 5 je crois, où la caméra accompagne un mouvement circulaire allant de l'horizontale à la verticale, qui ne sert à rien ; ou encore un passage en found footage). Tout cela donne lieu à quelques passages rigolos malgré eux : ainsi le vieillard qui meurt est très mal filmé... N'oublions pas non plus ces nombreuses métaphores très maladroitement exprimées, qui ne servent vraiment à rien ; les métaphores de Lucy ont beaucoup fait jaser, pourtant ici, c'est bien pire, car nettement plus premier degré (alors que chez Besson, cela était associé à des scènes d'action plus ou moins fun).
Et une fois de plus c'est dans le dernier épisode que se ressent le plus toute cette débauche, comme si ce final était un best of de tous les précédents épisodes : on y trouve toutes sortes d'effets de style, une narration qui patauge, une musique beaucoup trop présente, des zooms plus nombreux que jamais...
Niveau costumes et décors, c'est plutôt pauvre, mais ça reste correct puisque ça semble filmé directement chez les acteurs... c'est juste qu'on ne ressent pas un réel investissement pour faire ressortir une personnalité, chacun a amené ses propres vêtements, ça manque d'une recherche plus approfondie, surtout au niveau de la déco (certains plans paraissent d 'ailleurs cheap, notamment lors de fêtes).
Ne reste plus qu'à aborder le jeu d'acteur. Avant tout, l'actrice m'a paru bien mignonne. Je pense que c'est le seul point positif. Je pense que le garçon est mignon aussi, mais ça m'intéresse un peu moins. Pour ce qui est de la prestation, c'est très mauvais. Les deux acteurs principaux sont déjà bourrés de tics, leur panel d'expressions est bien trop limité, surtout le héros qui sort systématiquement la même tronche de poulpe qui se fait entuber, et ce peu importe les circonstances. Les acteurs secondaires sont encore pires ! Je reviens toujours sur cette mort du vieux, c'est tellement grotesque. Sans doute LE fou rire de la série car toutes les maladresses à tous les niveaux semblent se rejoindre en ce point important. Par moment, je me suis dit que, quand même, pour amener autant d'idées aussi naïves, l'auteur devait avoir envie de faire un film Z (le passage avec les lentilles lors du dernier épisode, vraiment...).
Bref, "Relationship" est vraiment très, très mauvais. Je suis bien content de ne pas avoir participé au financement. C'est tellement mal filmé, mal écrit... Au moins, j'espère que le jeune auteur a appris plein de choses en cours de route et que son prochain projet sera un peu plus mature... mais utiliser autant d'argent pour délivrer quelque chose d'aussi peu creusé... C'est triste !